LE MOUVEMENT DE GARDE

Du point de vue de Mara

« Elle ne peut pas encore voir le bébé. »

La voix d’une femme — tranchante, mais étrangement calme — me tira brusquement de mon sommeil.

Un homme répliqua sèchement :

« Serena, tu dépasses les limites ! »

Mes yeux s’ouvrirent d’un coup. Je connaissais cette voix.

C’était Elias. Sans aucun doute.

Mon cœur s’emballa tellement vite que mes points de suture me brûlèrent.

J’essayai de me redresser, mais une vague de douleur me transperça le ventre.

« Qu’est-ce… qu’est-ce qui se passe ? » Ma voix se brisa.

Elias entra dans la chambre, le visage rouge, la mâchoire serrée.

« Mara, ça va ? »

« Oui… oui. Qu’est-ce qu’il se passe ? À qui tu parlais ? » Je n’arrivais plus à me retenir.

« Ne t’inquiète pas, je m’en occupe. » Il tenta d’esquisser un sourire, sans succès.

Ma gorge se serra. Mon cœur battait trop vite.

« El, s’il te plaît… qu’est-ce qui se passe ? Il est arrivé quelque chose à mon bébé ? »

Elias marqua une pause, comme s’il hésitait à me dire la vérité.

« S’il te plaît Elias, qu’est-ce qu’il y a ? » Je joignis les mains, les larmes me brouillant la vue.

Mon bébé… qu’est-ce qu’on lui avait fait ?

« Ils essaient de déplacer le bébé. Les Black veulent exercer un droit de garde. »

« Quoi ? » Ma poitrine se contracta. « Mais Adrian a dit que le bébé n’était même pas le sien — alors pourquoi— »

Elias se pencha vers moi, agrippant la barrière du lit.

Ses yeux étaient fous de colère. Une colère que je ne comprenais pas.

« Parce qu’ils ne te font pas confiance, » dit-il. « Mais si le test confirme que le bébé est celui d’Adrian, il devient héritier.

Ils le veulent… sans toi. »

Ma gorge se noua. « Donc ils veulent mon fils, mais pas moi ? »

« Oui. »

Ce seul mot me brisa quelque chose au fond du cœur.

Je ne comprenais plus rien. Adrian m’aimait réellement… et pourtant ce qui nous avait détruits, c’était son doute.

Il pensait que l’enfant n’était pas le sien.

Et maintenant il veut l’enfant… mais pas moi ?

Avant que je puisse parler, des talons claquèrent dans le couloir — lents, confiants, gracieux.

La porte s’ouvrit.

Serena Black entra comme si l’hôpital entier lui appartenait.

La tante d’Adrian.

Cheveux noirs soyeux, lèvres rouges, parfum cher — douce et dangereuse.

Deux agents de sécurité la suivaient.

« Mara, » dit-elle calmement. « Tu es réveillée. Parfait. »

Elias se raidit.

Je forçai ma voix :

« Où est mon fils ? »

« En sécurité. » Serena croisa les bras avec élégance.

« Nous le transférons dans une unité privée, sous surveillance familiale.

Juste le temps que la paternité soit confirmée. C’est… le protocole. »

« Je suis sa mère ! »

« Pour l’instant. »

« Madame Cassidy a déjà dit que le bébé n’était pas celui d’Adrian, alors pourquoi voulez-vous mon enfant maintenant ?! Laissez-nous tranquilles ! »

Ma respiration s’arrêta.

La chaleur monta derrière mes yeux.

« Serena, » grogna Elias. « Laisse-la tranquille. »

Elle ne daigna même pas le regarder.

« Tu n’as aucun droit de t’exprimer ici. »

« Mais bien sûr que si— »

« Arrêtez ! » J’essayai de me redresser. Une douleur vive me transperça. « S’il vous plaît… laissez-moi juste le voir. Je vous en supplie. »

Le visage de Serena ne changea pas.

Pas un frémissement.

« Quand les résultats seront là, » dit-elle. « Pas avant. »

Puis elle se tourna vers les gardes.

« Faites en sorte qu’elle ne quitte pas cette chambre. Ordre du médecin. »

La honte me brûla si fort que j’aurais voulu hurler.

« Je ne suis pas une prisonnière, » murmurai-je.

Serena m’offrit un petit sourire presque tendre.

Presque.

« Bien sûr que non.

Mais nous ne pouvons pas risquer que tu… disparaisses avec l’enfant. »

Quelque chose se brisa net en moi.

« J’ai failli mourir ! » Ma voix tremblait. « J’ai failli mourir en protégeant ce bébé ! Et maintenant vous voulez me le voler ? »

Serena tapota ses ongles contre son bras.

« Ton instabilité émotionnelle est précisément ce que nous essayons d’éviter. »

Je la haïssais.

Je haïssais chaque mot qui sortait de sa jolie bouche.

Avant que je ne puisse me jeter hors du lit, Elias s’interposa.

« Serena. Pars, » dit-il. « Avant que je ne te sorte d’ici moi-même. »

Sa mâchoire tressaillit — un tout petit mouvement.

Une fissure dans le masque.

Puis elle tourna les talons et sortit, suivie des gardes.

La porte à peine refermée, je pus enfin respirer.

Une infirmière entra derrière eux, l’air nerveux.

Elle se pencha vers moi.

« Mademoiselle… la famille a déjà déposé une demande anticipée de garde au cas où le test confirmerait que le bébé est celui d’Adrian. Je pensais que vous deviez le savoir. »

Mon sang se glaça.

« Une demande anticipée ? Ils prévoient de prendre mon enfant ? »

Elle déglutit. « Oui. »

Je serrai la couverture si fort que mes jointures blanchirent.

Mon bébé.

Mon minuscule garçon fragile.

Ils voulaient me l’arracher dès qu’il pourrait respirer sans aide.

Après cinq ans de prières, de larmes, de combats pour avoir un enfant…

Je l’avais enfin.

Et ils voulaient me l’arracher.

Mon mari ne voulait plus de moi.

Ma vie s’écroulait en quelques secondes.

Un flash brutal me heurta.

Si violent que j’en perdis presque souffle.

Une petite chambre d’hôpital.

Ma mère en larmes sur un lit.

Un homme criant derrière la porte.

Ma mère hurla —

« S’il vous plaît ! Ne prenez pas mon bébé ! S’il vous plaît… ne me prenez pas ma fille ! »

Des mains m’arrachant à elle.

Des lumières vives.

La voix de ma mère s’éteignant.

Puis le noir.

Tout disparut aussi vite que c’était venu.

« Mara ? » Elias posa une main sur mon épaule. « Hé… qu’est-ce qui se passe ? »

Je clignai des yeux. « Je ne sais pas. Un souvenir. Peut-être. »

Il fronça les sourcils. « De quoi ? »

« Je… je ne sais pas. Ma mère. Quelqu’un essayant de m’emmener. »

Le médecin entra, une enveloppe scellée à la main.

Derrière lui se tenait Serena.

Et deux agents de sécurité.

L’air se figea.

Le médecin poussa un long soupir et planta ses yeux dans les miens.

« Mara… les résultats du test de paternité sont arrivés. »

Il jeta un coup d’œil nerveux vers les gardes.

« Et je vais vous demander de rester calme. »

Ma vision se brouilla.

Ma mâchoire trembla.

Le monde ralentit jusqu’à ne devenir qu’un seul battement de cœur.

Il leva l’enveloppe.