La pluie s’était mise à tomber au petit matin, fine et persistante, comme une mélodie triste qui recouvrait la ville d’un voile humide. Dans l’appartement, l’atmosphère n’était pas plus légère. Liora s’était endormie sur le canapé, épuisée par les émotions de la veille, ses traits marqués par une tension qui ne la quittait plus depuis des jours. Kael, lui, ne dormait pas. Il était resté éveillé toute la nuit, assis dans l’ombre, son regard fixé sur la fenêtre, ses pensées tourbillonnant comme un orage silencieux.Chaque craquement du bois, chaque goutte d’eau frappant la vitre lui rappelait que l’ennemi pouvait frapper à tout moment. Et il le savait : ce moment approchait.Quand Liora ouvrit enfin les yeux, le jour commençait à poindre, pâle et froid. Elle cligna plusieurs fois des paupières, se redressant avec lenteur, avant de croiser le regard brûlant de Kael.— Tu n’as pas dormi ? demanda-t-elle d’une voix encore voilée par le sommeil.Il seco
La nuit venait de tomber sur la ville, drapant les avenues de ses voiles sombres, percés seulement par la lumière vacillante des réverbères et les éclats intermittents des phares. Dans l’appartement de Kael et Liora, le silence régnait, interrompu par le tic-tac régulier de l’horloge murale. Pourtant, ce silence était trompeur : il était saturé de tension, de doutes, et d’une tempête émotionnelle qui ne demandait qu’à éclater.Liora était assise sur le canapé, ses jambes repliées sous elle, ses mains serrées autour d’un mug qu’elle n’avait même pas goûté. Ses yeux fixaient le vide, mais son esprit, lui, parcourait à toute vitesse les souvenirs, les décisions, les menaces et les vérités découvertes ces derniers jours. Kael, lui, faisait les cent pas, incapable de rester en place, comme si le moindre mouvement l’empêchait de se noyer dans le flot de pensées qui l’assaillait.— Tu ne dis rien, lança-t-elle d’une voix rauque. Tu marches, tu souffles, mais tu ne dis rie
La cloche d’alarme résonna à l’aube, brisant le fragile silence qui régnait sur la cité. Les remparts vibraient sous le martèlement des tambours, et déjà, les habitants sortaient de leurs maisons, les yeux chargés de peur.Kael courut jusqu’aux hauteurs, Liora à ses côtés. Du sommet des murailles, la vision les figea : la plaine entière n’était plus qu’une mer de ténèbres. Des dizaines de milliers de silhouettes noires avançaient, disciplinées, ondulantes, formant une vague prête à déferler. Et au centre, colossale, se tenait la nouvelle entité née de la fusion des Ombres. Sa masse difforme semblait avaler la lumière du soleil.Ezra arriva, essoufflé, tenant des rouleaux de parchemin.— Elles ne se cachent plus. Ce n’est pas une attaque… c’est une marche d’anéantissement.Kael serra le poing sur la pierre des remparts.— Alors, nous allons les accueillir.⸻Mais à l’intérieur de la cité, tout n’était pas uni. Dans les ruelles étro
Kael n’avait pas dormi plus d’une heure cette nuit-là. Les ombres de son cauchemar semblaient encore flotter autour de lui, comme si le rire du Seigneur disparu résonnait encore dans les murs de sa chambre. Lorsqu’il se leva, l’aube peinait à chasser la brume qui enveloppait la cité. Les rues, habituellement animées, paraissaient silencieuses, presque oppressantes.Il s’habilla en silence, glissant son épée dans son fourreau. En ouvrant la porte, il croisa Ezra, déjà éveillé, les yeux cernés.— Toi aussi ? demanda Kael.— Oui, répondit Ezra. Je n’ai pas fermé l’œil. Les archives bruissent de présages. Et… les habitants chuchotent. Certains disent que tu portes la malédiction du manuscrit.Kael serra la mâchoire.— Des murmures, toujours des murmures… Ils ont peur, et la peur cherche toujours un coupable.Ezra hocha la tête, mais son regard inquiet trahissait qu’il ne s’agissait pas seulement de simples rumeurs.⸻Pendant
La cité semblait paisible sous la lumière des torches, mais Kael savait que ce calme n’était qu’une illusion fragile. Depuis leur retour, des regards lourds de doutes et de murmures suspicieux l’accompagnaient dans chaque rue. Certains le vénéraient comme un héros, d’autres l’accusaient déjà en secret d’avoir condamné le monde en détruisant le manuscrit.Dans la salle des archives, Ezra fouillait de vieux parchemins, son visage fermé. Il tendit un rouleau jauni à Kael.— Regarde. Même il y a un siècle, certains avaient déjà prédit que détruire l’Arme écrite ne mettrait pas fin à l’Ombre. Elle est comme une rivière : si tu bloques un passage, elle trouve un autre chemin.Kael parcourut les lignes d’une écriture tremblante. On y parlait d’« Apôtres errants », fragments libres, capables de se regrouper et de renaître sous une nouvelle forme. Son poing se serra.— Alors le combat n’est pas terminé.Ezra hocha lentement la tête.— Non. Il ne fait qu
Le soleil s’était levé, mais son éclat n’apportait pas la paix que Kael espérait. Le souffle encore court, il observait les flammes mourantes de la forteresse s’éteindre lentement derrière eux. Le manuscrit avait disparu, consumé par la lumière de son épée, mais dans son cœur, un doute corrosif persistait. Avait-il réellement sauvé le monde, ou simplement repoussé l’inévitable ?Liora, appuyée contre son bras, luttait pour rester debout. Son visage était pâle, ses traits marqués par l’épuisement. Pourtant, dans ses yeux brillait cette détermination qui l’avait toujours guidée.— Nous devons rentrer, dit-elle dans un souffle. Le monde doit savoir que le manuscrit n’existe plus.Kael acquiesça, mais Ezra secoua la tête.— Non. Le monde n’est pas prêt à entendre cela. Certains chercheront à vous ériger en héros, d’autres en coupables. Détruire une arme si puissante n’est pas un acte que tous comprendront.Kael fronça les sourcils.— Tu suggèr