LucasJe le regarde, affalé dans le fauteuil, la bouche en sang, les yeux vides. Une loque, mais une loque obstinée. Il n’a même pas essayé de se défendre. Juste encaissé. Comme s’il estimait le mériter. Comme s’il attendait ce moment depuis longtemps.Et ça me fout en rage.— Tu dis que ce n’est pas toi. Que tu ne l’as jamais touchée.Il relève lentement la tête. Ses paupières tremblent, son regard est trouble, noyé. Il a l’air d’un gosse puni qui ne comprend pas pourquoi.— Je n’ai pas couché avec elle, Lucas. C’est la vérité.— Arrête.Ma voix claque dans la pièce comme un ordre militaire. Il sursaute. Fronce les sourcils. Mais je ne lui laisse pas le temps. Je ne veux pas qu’il parle. Je ne veux pas qu’il me brouille encore plus.— Tu as oublié. Tu veux oublier. Mais tu étais là cette nuit-là. Avec elle. Et elle t’a vu. Elle m’a dit ton nom.Il blêmit. Son corps tressaille, imperceptiblement. Une seconde. Puis il secoue la tête, d’abord doucement, puis avec une violence qui frôle
AlexandreJe referme doucement la porte de la chambre. Cassandre dort encore, bercée par les médicaments, son visage paisible presque innocent sous la lumière tamisée. Tout semble calme , trop calme.Mais ce calme est un leurre.Je traverse le couloir sans un bruit, comme un homme en cavale. Chaque pas que je fais m’éloigne d’elle… et me rapproche de Lyra. Mon cœur tambourine dans ma poitrine comme s’il savait que rien ne serait plus comme avant.Je monte les étages défilent. À chaque palier, je me demande si je devrais redescendre , me résigner. Mais je continue. Parce que Lyra est là-haut. Et qu’elle pourrait ne pas vouloir me voir. Parce que je dois quand même y aller.Le dernier étage est silencieux, feutré, presque religieux. Le couloir sent le bois ciré et le pouvoir ancien. Une infirmière m’indique la chambre d’un regard hésitant, comme si elle voulait me dire : Tu n’as pas ta place ici. Et elle aurait sans doute raison.Deux agents en civil montent la garde. Aucune hésitation
Lucas Je la fixe, haletant, incapable de comprendre ce qu’elle me demande.— Pourquoi tu veux le protéger ?— Ce n’est pas lui que je veux protéger.Elle tremble. Elle semble au bord de s’effondrer. Mais elle reste là, droite, ancrée.— Je veux juste que tu comprennes avant de haïr. Je veux que tu saches tout. Comment ça s’est passé. Pas comme dans ta tête. Pas comme dans les films où le monstre saute sur la fille sans défense.Elle marque une pause. Ses yeux brillent de larmes qu’elle refuse encore de laisser couler.— Je veux tout te raconter . Parce que si tu pars maintenant, tu ne verras que ta version de l’histoire. Et tu ne sauras jamais… ce que ça m’a coûté.Je m’arrête.L’orage s’étrangle dans ma gorge.Et je comprends qu’il y a pire que la colère.Il y a ce qu’elle va me dire.Et la douleur que je ne pourrai pas réparer.— D’accord, murmuré-je. Dis-moi. Raconte-moi.Mais au fond, je le sais.Ce qu’elle s’apprête à me livrer…Ce n’est pas une histoire.C’est un cri qu’on gard
LucasIls sont partis.Le silence qui s’installe est un souffle glacé dans la pièce encore chaude de cris retenus et de vérités trop lourdes. Le genre de silence qui laisse des cendres dans la gorge.Lyra ne bouge pas. Recroquevillée dans le fauteuil, les bras serrés autour de ses jambes, le front posé sur ses genoux, elle respire par à-coups, comme si son propre corps ne savait plus comment rester debout.Je m’approche. Lentement. Comme on s’approche d’un bord trop étroit. Je m’accroupis à sa hauteur.— Tu veux que je parte ? demandé-je à voix basse.Elle secoue doucement la tête. Sa voix s’échappe, éraillée.— Non , mais je ne sais pas si je mérite que tu restes.— Ce n’est pas à toi d’en décider.Je lui tends ma main. Elle hésite. Puis elle la prend.Ses doigts sont glacés.Je reste là, à genoux devant elle, et je l’écoute respirer. Chaque souffle semble venir de loin, comme ramené d’un endroit trop profond.— On a tous cru des choses, Lyra, murmuré-je. Des mauvaises, des injustes.
LyraJe reste longtemps figée après le départ du médecin, comme pétrifiée dans une cage invisible. Le silence s’est épaissi, plus lourd que jamais. Je sens le souffle de Lucas près de moi, mais je ne peux pas m’y accrocher. Pas maintenant.Ma mère fait les cent pas, son téléphone collé à l’oreille. Mon père, lui, s’approche. Lentement. Comme s’il redoutait déjà ce qu’il allait devoir dire. Ou entendre.Il se place devant moi. Je lève à peine les yeux. Je connais ce regard. Froid. Lucide. Tranchant.— Lyra, dit-il d’une voix grave. Il est temps d’arrêter de nous faire tourner en rond.Je ne réponds pas.— Il faut que tu nous dises qui est le père de cet enfant.Mon cœur rate un battement.Lucas reste figé.Ma mère s’est arrêtée net dans un coin de la pièce. Elle raccroche, se retourne. Ses bras croisés, son expression fermée. Comme si elle savait que cette question allait finir par tomber. Comme si elle l’attendait, elle aussi.— Papa… ce n’est pas si simple…Il ne cille pas.— Tu es e
LyraLe silence dans la chambre est étouffant.Lucas s’est levé, tourne lentement en rond comme un fauve enfermé. Ma mère a posé ses mains sur mes épaules, sans douceur. Mon père, lui, reste debout près de la fenêtre, le regard rivé à son téléphone comme s’il pouvait y puiser une vérité rassurante. Mais il n’y a plus rien de rassurant ici. Juste cette attente, brûlante, acide, qui ronge.Puis, soudain, des pas. Rapides. Pressés.La porte s’ouvre avec fracas.Le médecin chef réapparaît, le souffle court, les traits tirés. Il tient un autre dossier, un mince feuillet cette fois, froissé comme s’il l’avait serré trop fort dans sa main.— Je… je dois vous parler immédiatement.Son regard glisse vers moi, puis revient à mes parents.— Nous avons reçu les premiers résultats. C’est… rapide, je le sais, mais certains éléments ne nécessitaient pas plus de quelques minutes. L’analyse préliminaire de sang… a révélé des anomalies.Je sens Lucas se figer derrière moi.— Quelles anomalies ? demande