Chapitre 2

Je n'ai pas dormi de la nuit. Après que Fabienne se soit retirée au penthouse, Claude l'a suivie.

« Elle a besoin de quelqu'un pour veiller sur elle. » c'était la seule explication qu'il m'a donnée.

Je me suis assise dans notre appartement vide, le souvenir de cette marque, son odeur, me revenant sans cesse à l'esprit.

La déchirure dans notre lien me faisait souffrir, me rappelant constamment et douloureusement ce qui s'était passé.

Puis j'ai compris.

Il y a trois semaines.

Cette nuit-là, Claude avait dit qu'il allait régler un conflit frontalier et n'était revenu que le lendemain matin.

Cette nuit-là, allongée dans mon lit, je luttais contre les vagues de douleur brûlante qui déchiraient notre lien. Je pensais que quelque chose n'allait pas de mon côté, ou que Claude avait été blessé dans le conflit.

Je n'avais poussé un soupir de soulagement que lorsqu'il était enfin revenu.

Ses vêtements avaient une légère odeur de feuilles de laurier.

L'encens sacré ne brûlait que pendant le rituel d'accouplement.

Je lui avais même demandé : « Es-tu allé au Bosquet sacré ? »

Il avait répondu : « Je ne faisais que passer. »

Je n'avais même pas imaginé qu'il pourrait me trahir, trahir notre destin.

Maintenant, je comprenais.

Il avait déjà marqué Fabienne cette nuit-là.

Et moi, comme une idiote, j'étais restée assise ici à m'inquiéter pour sa sécurité.

A l'aube, mon téléphone a vibré.

J'ai reçu un e-mail crypté.

Envoyé par la Guilde des guérisseurs de Laurel.

« Chère Mlle Isabelle, nous vous invitons officiellement à participer à notre projet de recherche sur les Énergies de Vie Anciennes. Il s'agit là du plus grand honneur pour un guérisseur et du cadre idéal pour mettre vos talents à profit. Si cette proposition vous intéresse, nous espérons recevoir votre réponse dans la semaine. »

J'ai fixé l'écran.

C'était l'opportunité dont j'avais rêvé toute ma vie.

C'était aussi ma seule issue.

Claude est entré juste au moment où je rangeais mes affaires.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

« Je range mes herbes », ai-je répondu sans lever les yeux, « comme le penthouse a un nouveau locataire, je ne veux pas être dans ses pattes. »

« Isabelle, écoute-moi... »

« Il n'y a rien à dire. » Je me suis levée et je l'ai regardé droit dans les yeux.

« la cérémonie d'accouplement », ai-je déclaré d'une voix étrangement calme, « est annulée. »

Claude a pâli. « Tu ne peux pas faire ça. »

« Si, j'en suis capable », ai-je répondu en me retournant pour continuer à faire mes bagages, « je refuse de m'accoupler avec un Alpha qui a déjà marqué quelqu'un d'autre. »

« Je t'ai dit que c'était temporaire ! » a-t-il crié en m'attrapant le bras, « j'effacerai la marque dans un mois ! »

« Et ensuite ? » Je me suis dégagée de son étreinte. « Tu crois que je te ferai à nouveau confiance ? »

Une douleur a traversé le regard de Claude. « Elle est en train de mourir, Isabelle. Je ne peux pas rester là à la regarder mourir. »

« Pourquoi ? » ai-je demandé. « Parce que tu lui es redevable ? Redevable de quoi ? »

Claude est resté silencieux, les lèvres pincées.

« Si tu ne me le dis pas, alors nous n'avons rien à discuter. » Je me dirigeai vers la porte.

« Attends ! » Claude s'est précipité derrière moi, s'agenouillant d'un seul genou devant moi. « Je te promets que dans un mois, je t'offrirai la plus grande cérémonie que ce continent ait jamais connue. Toutes les meutes d'Europe seront là pour y assister. »

Je l'ai regardé, agenouillé devant moi.

Je ne ressentais pas de pitié, mais plutôt un sentiment amer d'absurdité et d'injustice.

Est-ce que nos cinq années ensemble, notre lien prédestiné, allaient vraiment prendre fin à cause d'un mensonge ?

J'allais vraiment abandonner aussi facilement ?

Au moment où j'hésitais, la porte de l'ascenseur s'est ouverte. Fabienne est sortie.

En voyant Claude à genoux, un sourire triomphant s'est brièvement dessiné sur ses lèvres.

Elle s'est approchée de moi et m'a délibérément tendu un dossier.

« Isabelle », a-t-elle dit d'une voix douce, « je sais que tu es aussi guérisseuse, voici mon rapport médical, pourrais-tu y jeter un œil ? L'énergie Alpha de Claude est si puissante, je me remets très bien depuis le marquage, mais... il y a eu un effet secondaire inattendu, j'ai un peu peur. »

J'ai pris le rapport et j'ai parcouru les données du regard.

En tant que guérisseuse de haut niveau, j'ai immédiatement repéré l'anomalie.

Six semaines de grossesse.

Mais Claude n'avait achevé le marquage que trois semaines auparavant.

Les dates ne concordaient pas.

J'ai levé les yeux, le regard froid, et j'ai tendu le rapport à Claude.

« Félicitations », ai-je dit d'une voix glaciale, « il semble que cet effet secondaire ait commencé bien avant le marquage temporaire. »

Puis, sans jeter un second regard à son visage choqué et interrogateur, je suis retournée dans ma chambre.

J'ai regardai le calendrier, le cercle rouge vif autour de la date de notre cérémonie d'accouplement.

C'était désormais la date de mon départ.

Le compte à rebours : treize jours.

J'ai ouvert mon ordinateur portable et a cliqué sur « Répondre ».

« J'accepte votre invitation. »