Après plusieurs jours sans nouvelles, Louis avait soudain réapparu, un bouquet à la main et un sourire désarmant sur les lèvres.
" Elina, j'ai réfléchi. Peut-être qu'on peut... essayer de redevenir ce qu'on était. Viens dîner avec moi demain. Devant mes investisseurs, montre-leur que nous sommes encore un couple solide. Et après... on discutera, toi et moi.' Tu ne veux pas redevenir " ce qu'on était " pensa-t-elle. Tu veux juste sauver la face. Elle accepta, mais ce n'était pas Louis qu'elle servait. C'était Alexander. Elina resta longtemps immobile, le dossier ouvert sur ses genoux. Les lignes imprimées dansaient devant ses yeux, mais aucune ne s'imprimait vraiment dans son esprit. Son cœur tambourinait trop fort, comme s'il voulait s'échapper de sa cage thoracique. Elle n'était pas une espionne. Elle n'avait jamais su mentir. Comment Alexander pouvait-il s'attendre à ce qu'elle infiltre un dîner d'affaires de Louis et joue la parfaite épouse tout en recueillant des informations ? Un frisson lui parcourut l'échine. Peut-être que c'était ça, le vrai test. Pas seulement écouter, mais redevenir Elina Laurens, celle qui souriait, qui riait aux blagues de Louis, celle qui se laissait guider sans broncher. Sauf qu'aujourd'hui...elle n'était plus cette femme. La nuit qui suivit fut un mélange d'insomnie et de cauchemars éveillés. A plusieurs reprises, elle faillit envoyer un message à Alexander pour lui dire qu'elle renonçant. Mais à chaque tentative, elle se souvenait de son regard d'acier, de ses mots froids: " Si vous échouez, je considérerai que vous êtes un pion inutile. " A 7h du matin, elle se leva et se força à manger quelque chose. Chaque bouchée avait le goût du sable. Dans le miroir de la salle de bain, son reflet semblait étranger. Ses yeux étaient cernés, ses lèvres pâles. Elle se passa de l'eau froide sur le visage Elle ouvrit sa penderie et sortit une robe noire sobre mais élégante. Celle que Louis aimait tant: " Tu es sublime avec ça. Ça me rappelle pourquoi tu es ma femme." Un goût amer lui monta à la gorge. Elle inspira profondément et commença à se maquiller, ses gestes méthodiques, comme si elle revêtait une armure. Louis passa la chercher à 19h30 pile. Il était ponctuel, comme toujours. La voiture noire qui l'attendait devant l'immeuble contrastait avec la lumière chaude du crépuscule. "Tu es splendide, Elina. Comme avant." dit-il en lui tendant le bras. Elle força un sourire, posant sa main sur la sienne. "Merci" Dans la voiture, il lui parla de l'investisseur, de la nécessité d'être charmante et discrète. " Reste à ta place et tout se passera bien." ajouta-t-il d'un ton sec. Elle hocha la tête, cachant l'envie de lui crier qu'elle n'était plus sa chose. Le restaurant était un temple de luxe: nappes immaculées, lustres de cristal, serveurs aux gestes chorégraphiés. L'investisseur, un homme bedonnant au sourire mielleux, se leva pour la saluer.« Madame Laurens, quel plaisir ! Louis avait raison, vous êtes rayonnante. »
Elle inclina légèrement la tête, ses lèvres étirées en un sourire parfaitement étudié.
« C’est un plaisir partagé. »
Durant deux heures, elle rit aux blagues de l’un, acquiesça aux remarques de l’autre, tout en enregistrant chaque mot.
Le nom de l’entreprise mentionnée.
Les doutes de l’investisseur sur la solidité du projet.
Et cette phrase subtile de Louis : “Ne vous inquiétez pas, nos liquidités sont à l’abri.”
À plusieurs reprises, elle sentit son téléphone vibrer discrètement dans son sac. Alexander.
“Ne perdez pas votre objectif. Et rappelez-vous : un mot de travers pourrait tout gâcher.”
Elle resserra sa prise sur sa coupe de vin. Son visage resta impassible, mais une colère froide montait en elle. Alexander contrôlait déjà chacun de ses gestes.
Et pourtant… une part d’elle était rassurée qu’il ne la laisse pas seule dans ce rôle.
À la fin du dîner, Louis posa sa main sur la sienne, ses lèvres frôlant son oreille.
« Je savais que tu pouvais encore être cette femme, Élina. Celle que j’aime. »
Elle frissonna malgré elle.
“Celle que tu possèdes, veux-tu dire…” pensa-t-elle.
Le trajet du retour se fit en silence. Dès qu’elle rentra chez elle, son téléphone vibra à nouveau.
“Rapportez-moi tout. Détails. Impressions. Même ce que vous ressentez. Et souvenez-vous : ce n’est que le début.”
Élina s’effondra sur son lit, épuisée.
“Qu’est-ce que je suis en train de devenir ?”
Il avait accepté. Ces deux mots tournaient dans la tête d’Élina comme un écho irréel. Après des jours d’obstacles, de silences et de vérités distillées au compte-gouttes, Alexander avait dit oui. Oui, il l’emmènerait à la clinique Saint-Hildegarde. Oui, elle pourrait voir Judith.Le matin était froid, presque tranchant. La lumière filtrée par les nuages donnait à la villa un air d’aquarelle grise. Élina s’était préparée vite, choisissant une tenue sobre, ses mains tremblant légèrement lorsqu’elle avait boutonné sa chemise. Elle s’attendait à ce qu’il change d’avis au dernier moment. Qu’il trouve un prétexte. Qu’il annule, comme il l’avait déjà fait tant de fois pour d’autres promesses. Mais non.Lorsqu’elle descendit, il l’attendait près de la porte, manteau sombre, clés à la main. Aucun sourire. Juste ce masque lisse qu’il enfilait lorsqu’il se préparait à quelque chose de calculé.— Prête ? demanda-t-il simplement.Elle hocha la tête. — Oui.Le trajet se fit en silence. La route
La nuit s’était abattue sur la villa comme une chape lourde. Élina n’avait pas bougé du fauteuil où elle s’était assise après le départ de Louis. Ses mains étaient crispées sur les accoudoirs, son esprit tournoyant entre les visages d’Alexander, de Louis… et celui, fantomatique, de Judith.Elle n’avait pas entendu Alexander revenir du jardin. Mais elle le sentit. Cette présence dense, presque palpable, qui faisait naître une tension immédiate dans l’air. Il entra dans le salon, une enveloppe à la main.— Tu as quelque chose à me dire ? demanda-t-il, sa voix aussi neutre qu’un couteau bien aiguisé.Elle soutint son regard.— Pas plus que toi.Un coin de sa bouche se releva, sans chaleur. Il posa l’enveloppe sur la table basse, devant elle.— Tu veux savoir pourquoi Louis insiste autant pour t’éloigner ? Tu veux comprendre pourquoi tu te sens enfermée ? Regarde.Élina hésita, puis tira le contenu. Un dossier. À l’intérieur, des documents administratifs, des relevés financiers… et un act
Le ciel s’était assombri d’un coup, plongeant la villa dans une lumière d’orage. L’air avait cette densité électrique qui précède les éclats. Élina, restée seule dans le salon après le départ de Louis, avait le cœur encore pris dans l’étau de leur échange. Mais ce n’était pas seulement Louis qui l’avait troublée : c’était la manière dont Alexander l’avait observé, comme un joueur d’échecs qui reconnaît en face un adversaire de taille.Elle savait que ce face-à-face n’était pas terminé. Ce n’était qu’un prélude.Elle eut la confirmation quelques heures plus tard, quand le grondement d’un moteur se fit entendre dans l’allée. La nuit était déjà tombée, et les phares traversèrent la baie vitrée avant de s’éteindre. Des pas rapides sur le gravier, puis la porte d’entrée qui claqua.— Où est-il ? La voix d’Alexander, sèche comme un coup de fouet, résonna dans le hall.Élina se leva, prise d’un mauvais pressentiment, mais avant qu’elle ait pu répondre, Louis apparut dans l’encadrement. Il n’
Le vent de la fin d’après-midi balayait les rideaux de la véranda. Élina fixait le jardin au-delà des vitres, sans vraiment le voir. Depuis des heures, elle n’avait pas bougé de cette chaise, les mains crispées sur les accoudoirs, comme si son corps refusait toute détente. Le silence, dans cette villa, n’était jamais complet. Il y avait toujours un souffle, un pas discret, un grincement de porte quelque part, qui lui rappelait qu’elle n’était jamais seule, même dans les moments où elle aurait voulu disparaître.Elle sentit la présence avant même de voir la silhouette. Ce parfum — un mélange de bois sec et de menthe poivrée — fit remonter une mémoire qu’elle aurait préféré enterrer. Louis.— Tu es plus difficile à approcher qu’un chef d’État, murmura-t-il avec ce sourire en demi-teinte qui avait jadis réussi à la troubler.Élina ne répondit pas. Elle garda les yeux sur le jardin, comme si le reconnaître revenait à lui offrir un pouvoir qu’elle ne voulait plus céder. Pourtant, son cœur
Camille n’aimait pas les nouvelles têtes.Encore moins celles qui n’avaient pas peur d’elle.Mia Varela en faisait partie.Arrivée la veille à la villa secondaire de Camille en Toscane, elle s'était présentée comme une gestionnaire en logistique événementielle, envoyée par un cabinet privé spécialisé dans les relations discrètes. Une recrue parfaite, selon le profil que Camille avait elle-même commandité.Âge : trente-sept ans. Parcours : militaire, ONG, logistique de crise. Profil psychologique : stable, froide, loyale. Motivation apparente : argent, ascension, pouvoir.Camille l’avait regardée de haut en bas en silence. Puis elle avait simplement dit :— Si vous me trahissez, je vous enterre dans ce jardin. Personnellement.Mia avait souri.— J’ai toujours rêvé d’une fin poétique.Pendant qu’on lui faisait visiter les lieux, Mia activait déjà ses capteurs.Elle n’était pas là pour les peintures baroques ni pour les jardins somptueux. Elle cherchait des signes. Des indices. Un
La nuit avait laissé un goût de fer dans la bouche d’Élina. Elle n’avait pas fermé l’œil. Pas parce qu’elle ne le pouvait pas. Parce qu’elle ne le voulait pas.Dormir, c’était laisser Judith seule encore une nuit de plus.Et cette pensée était insupportable.Le jour se leva comme un intrus. Dans la cuisine, le silence était une peau tendue sur des nerfs à vif. Marcus servait du café sans un mot. Même lui, d’habitude si bavard, sentait que quelque chose avait changé. Élina n’était plus la proie à sauver. Elle était devenue… une menace pour ceux qui voulaient la garder.Alexander entra. Il avait le visage tiré, la mâchoire serrée. Elle le fixa, droite sur sa chaise, le carnet de Judith posé devant elle comme une pièce à conviction.— Je veux la voir.Il se figea.— Pas maintenant, dit-il. Pas comme ça.Elle se leva.— Alors quand ? Quand je serai morte ? Quand Camille décidera que j’ai assez pleuré ? Elle est ma sœur, Alexander. Ma sœur ! Et tu veux m’interdire de la voir ?— Ce n