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Sous l'emprise de la Lune rouge
Sous l'emprise de la Lune rouge
Author: Eternel

CHAPITRE 1 : L'ODEUR DU SANG

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-11-06 20:12:22

Althéa

La lueur froide de l'écran me picote les yeux. Je passe un pinceau minuscule sur la joue fissurée d'une statuette d'Artémis, essayant de concentrer toute mon attention sur cette infime réparation. C'est mon refuge, ce musée, après les heures d'ouverture. Le silence n'y est troublé que par le léger crépitement des néons et le frottement feutré de mes outils. Ici, je contrôle tout. Ici, rien ne peut craquer de manière inattendue.

Ces derniers temps, pourtant, tout semble craquer autour de moi. Une tension étrange, comme un bourdonnement à peine audible, s'est installée dans ma nuque. Et ces migraines... elles arrivent avec la nuit, pulsantes, chaudes. Je me surprends parfois à humer l'air, comme pour y déceler une odeur que je ne peux identifier. Une odeur de terre mouillée, de métal et de... quelque chose d'autre. Quelque chose de sauvage.

Je range délicatement Artémis dans son écrin. La nuit est tombée depuis longtemps. En passant devant une vitrine, mon reflet me surprend : une jeune femme trop pâle, des cernes qui soulignent des yeux trop vifs. J'ai l'air d'une bête traquée. C'est ridicule.

Je pousse la lourde porte de service et plonge dans la ruelle sombre qui sert de raccourci vers mon appartement. L'air est frais, humide. C'est alors que ça me frappe, plus fort que d'habitude.

Une odeur.

Ce n'est plus une suggestion. C'est une gifle. Du sang. Du sang et de la peur, aigres, métalliques. Mon estomac se soulève, mais en même temps, une partie de moi, une partie que je ne connais pas, se redresse, attentive, presque... excitée. La peur se transforme en un instinct primaire, aiguisé. Je ne suis plus Althéa la restauratrice. Je suis une proie qui a senti le prédateur.

Des pas précipités résonnent derrière moi. Lourds. Plusieurs paires.

— Ne fais pas de bruit. Viens avec nous, ça ira mieux.

La voix est grave, impersonnelle. Je me fige, le dos collé au mur froid de la brique. Trois silhouettes massives bloquent le chemin. Leurs contours dansent devant mes yeux, mais je les sens plus que je ne les vois. La sueur, le cuir, l'acier. Et cette odeur de mort.

Mon cœur bat à tout rompre, un tambour affolé dans ma poitrine. Mais sous la panique, quelque chose d'autre gronde. Une colère froide. Un refus.

— Laissez-moi tranquille.

Ma propre voix est un souffle rauque, que je reconnais à peine.

L'un des hommes avance, la main tendue. Son odeur est la pire. Celle du sang.

Et c'est à ce moment-là que tout bascule.

Le monde explose en un kaléidoscope de sensations. Les néons de la rue deviennent des soleils aveuglants. Le grattement d'une poubelle au loin est un vacarme assourdissant. Je peux compter les grains de sueur sur le front de l'homme qui avance. Je peux sentir son pouls battre sous sa peau.

Je vois le mouvement avant qu'il ne se produire. Sa main qui se referme pour m'attraper.

Un grognement, bas, guttural, déchire ma gorge. Ce n'est pas moi. Ça ne peut pas être moi.

— Qu'est-ce que... ?

L'homme a une seconde d'hésitation. C'est tout ce qu'il faut.

Une ombre se détache de l'obscurité, plus rapide que mon propre souffle. Elle passe devant moi comme un courant d'air, frappant le premier homme avec une précision et une violence qui me coupent le souffle. J'entends un craquement net, un cri étouffé.

Les deux autres réagissent, mais ils sont lents, si lents. L'ombre danse entre eux. C'est un homme. Grand, vêtu d'un manteau sombre. Ses mouvements sont d'une économie mortelle. Pas un geste de trop. Pas un son.

En quelques secondes, c'est fini. Les trois hommes sont au sol, immobiles. L'odeur de sang, maintenant, est la leur.

L'étranger se tourne vers moi. La lumière faible éclaire un visage aux angles durs, taillé dans la pierre. Des yeux d'un gris d'acier qui me scrutent, ne manquant rien de ma terreur, de ma confusion, du tremblement incontrôlable de mes mains. Il ne respire même pas plus vite.

— Althéa.

Il connaît mon nom. Sa voix est calme, froide comme son regard. Elle ne résonne pas dans la ruelle, elle s'y dépose, comme du givre.

— Qui... qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous voulez ?

Les mots se bousculent sur mes lèvres.

Il ignore ma question. Son regard parcourt la ruelle, puis revient se poser sur moi.

— Ils n'étaient pas seuls. D'autres vont venir. Si vous voulez vivre, vous venez avec moi. Maintenant.

Ce n'est pas une question. C'est un fait. Et je le sais, avec une certitude viscérale qui dépasse la raison. Rester ici, c'est mourir.

Je regarde ses yeux. Je regarde les corps inertes à ses pieds. Je respire l'air chargé de violence et de peur.

Je hoche la tête.

Sans un mot, il se met en marche. Et je le suis, comme un automate, le cœur battant la chamade, le corps encore frémissant de cette étrange colère, de cette peur nouvelle, et de cette odeur de sang qui, je le sens au plus profond de moi, a changé quelque chose à jamais.

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