LOGINLe monde s’était arrêté.Depuis leur remontée, pas une feuille n’avait bougé, pas une vague n’avait brisé la mer.Tout semblait figé dans une éternité de verre.Même la lumière tombait sans éclat, suspendue dans un ciel sans souffle.Lysandre ouvrit les yeux.Éléna dormait contre lui, la peau tiède, la respiration légère.Une mèche de ses cheveux d’or collait à sa joue.Il la contempla longuement, cherchant à y lire la preuve que tout cela était réel.Mais rien, autour d’eux, ne bougeait.Pas même l’air.Il se leva lentement et marcha vers la fenêtre.Dehors, les arbres s’étaient pétrifiés.Les oiseaux, muets, restaient perchés sur les branches, les ailes figées.Et sur la mer, une couche fine de sel brillait, comme une cicatrice blanche.Il murmura :— Qu’avons-nous fait ?Derrière lui, la voix d’Éléna répondit, douce, presque coupable :— Tu m’as ramenée.Il se retourna.Elle s’était redressée, nue dans les draps, son regard empli d’une tendresse infinie.Mais dans ses yeux, il y av
Le froid le saisit dès qu’il franchit la surface.La mer n’était plus eau, mais verre liquide.Chaque mouvement, chaque respiration semblait briser des éclats de lumière.Le silence s’étendait, infini, et pourtant vibrant, comme s’il contenait des voix.Lysandre descendait lentement, tiré vers le fond par un courant invisible.Son corps lui paraissait léger, presque transparent.Les bulles qu’il laissait derrière lui montaient comme des souvenirs, éclatant en éclairs d’or avant de disparaître.Sous lui, la lumière s’élargissait.Une plaine lumineuse s’ouvrait, traversée de ruines mouvantes.Des tours, des arches, des silhouettes, tout fait d’eau et de sel.C’était comme un reflet de Valmère englouti, mais plus pur, plus ancien — le rêve d’une ville qui n’avait jamais existé. Tu approches, Lysandre…La voix résonna en lui, douce et lointaine.Celle d’Éléna.Mais pas celle qu’il connaissait.C’était la voix du vent, portée par la mer.Il continua d’avancer, son cœur battant au rythme d
La falaise était vide.Le vent, apaisé, laissait derrière lui une mer de cendres blanches.Lysandre resta longtemps à genoux, les mains crispées sur la pierre, fixant l’horizon où Souffle — ou Éléna, il ne savait plus — s’était évanouie.Il ne pleurait pas.Les larmes, depuis longtemps, n’avaient plus de goût.Mais tout en lui criait.Un cri sans son, sans bouche, sans fin.Chaque rafale qui passait semblait murmurer son nom.Chaque frisson de l’air rappelait la douceur de sa voix.Tu respires encore. C’est tout ce qui compte.Ces mots tournaient dans sa tête, battant comme un cœur étranger.Pendant des jours, il erra dans Valmère, sans manger ni dormir.Les habitants le regardaient de loin.Certains disaient qu’il parlait au vent.D’autres, qu’il écoutait la mer.Mais tous savaient qu’il avait perdu celle qu’il aimait — deux fois.Un soir, alors que la brume tombait, il revint sur la falaise.Le ciel était d’un gris laiteux.La mer semblait respirer, lente, puissante, vivante.— Tu m
Le jour se levait sur Valmère, clair et immobile.Depuis la disparition d’Éléna, le vent n’avait plus soufflé avec la même force.Il restait là, discret, comme s’il veillait.Les habitants s’étaient habitués à ce calme étrange, à cette lumière suspendue.Lysandre, lui, vivait près de la falaise.Il avait construit une petite maison de pierre, ouverte au ciel, pour mieux entendre ce qui restait du souffle.Chaque matin, il s’asseyait devant la mer et respirait.C’était devenu un rituel.Une prière sans mots.Ce jour-là, pourtant, quelque chose troubla l’air.Une vibration nouvelle.Pas celle du vent, non — quelque chose de plus doux, plus jeune.Il leva la tête.Et il la vit.Une petite fille, à une dizaine de pas, debout sur le sentier.Ses cheveux étaient d’un blond presque blanc, agités par une brise que lui seul semblait sentir.Ses yeux, d’un gris limpide, brillaient comme l’écume.Elle portait une simple robe de lin.Et ses pieds nus ne laissaient aucune trace dans la poussière.
Le monde avait changé.Et pourtant, rien n’avait vraiment bougé.Les pierres étaient toujours là.Les ruelles, les places, les visages familiers.Mais tout semblait… respirer. Lentement, paisiblement, comme si la terre elle-même dormait sous un drap de vent.Lysandre errait dans Valmère, les yeux ouverts mais absents.Il ne parlait plus à personne.Les gens le saluaient, le regard doux, presque reconnaissant, sans comprendre pourquoi.Ils le sentaient — ils savaient, confusément, qu’à travers lui, quelque chose de sacré avait passé.Il s’arrêtait souvent sur la place centrale, là où la silhouette d’Éléna s’était dissipée.Le matin, une brume légère s’y formait toujours, dessinant parfois les contours d’un visage.Mais jamais assez net pour qu’il puisse y croire.Parfois, il murmurait :— Éléna, si tu es là… donne-moi un signe.Et le vent soufflait un peu plus fort.Toujours.Mais il ne savait plus si c’était une réponse… ou un souvenir.Chaque nuit, il rêvait d’elle.Pas de son corps,
Au matin, Valmère se réveilla dans une lumière étrange.Les toits miroitaient comme sous un voile de rosée.Mais ce n’était pas de l’eau.C’était de la brume.Une brume tiède, respirante, qui s’infiltrait partout.Les habitants disaient sentir une présence dans l’air — pas hostile, mais intime, presque bienveillante.Certains pleuraient sans savoir pourquoi.D’autres riaient soudain, pris d’une joie inexplicable.La ville entière semblait rêver éveillée.Lysandre, lui, ne dormait plus.Il errait dans les rues, pieds nus, la peau nue au vent.Chaque pas, chaque respiration, faisait vibrer le monde autour de lui.Le souffle d’Éléna était là, dans chaque fibre, chaque battement. Tu sens ? murmurait-elle en lui. Ils respirent comme nous maintenant.— Oui. Mais est-ce bien ? C’est la suite. Ce que nous avons créé n’appartient plus qu’à nous.Il leva les yeux.Le ciel semblait descendre, lentement, vers la terre.Les nuages touchaient presque les tours.On aurait dit que le monde entier v







