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Sous les plis du Destin
Sous les plis du Destin
Author: Tyma

Chapitre 1 : Le Silence des Couloirs

Author: Tyma
last update Huling Na-update: 2025-07-15 06:51:02

Le balai glissait sur le sol en marbre, dessinant des cercles parfaits autour des pieds de Lina.

La lumière des lustres, encore tamisée à cette heure, se reflétait sur le carrelage comme sur une scène de théâtre abandonnée. Il était 6h17. L’hôtel était silencieux. Trop silencieux. Seuls ses pas et le léger cliquetis du seau rompaient le vide.

Elle aurait pu s’y habituer, à ce silence.

Mais ce matin-là, il semblait... lourd. Comme s’il annonçait quelque chose.

Depuis deux ans qu’elle travaillait ici, Lina avait appris à devenir invisible. À baisser les yeux quand les riches passaient. À sourire même quand son dos hurlait. À faire comme si le monde qu’elle nettoyait n’était pas le sien.

Mais ce matin-là, quelque chose dans l’air était différent.

Elle arrangea sa blouse, essuya ses mains moites sur son tablier, puis se dirigea vers l’ascenseur principal pour y nettoyer les traces laissées la veille. Une soirée privée avait eu lieu à l’étage présidentiel. Un énième gala pour des gens trop riches pour se souvenir des visages.

Un morceau de verre avait glissé entre les dalles. En se baissant pour le ramasser, elle aperçut son reflet dans le chrome : cheveux tirés, cernes marqués, regard fatigué… et résigné.

Elle soupira. Une journée de plus à survivre.

Un "DING" sec la fit sursauter. Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent lentement.

Elle se redressa aussitôt et fit un pas en arrière, tête baissée.

Un pas. Deux pas. Des chaussures en cuir noir parfaitement cirées.

Un parfum. Boisé. Intense. Élégant.

Ethan Moreau.

Même sans l’avoir jamais vu de près, elle savait que c’était lui. Il n’y avait qu’un homme qui dégageait ce genre d’aura dans tout l’hôtel.

Le propriétaire. Le milliardaire. L’héritier devenu patron.

Le fantôme des couloirs, présent partout mais que personne n’osait vraiment regarder.

Il parlait au téléphone, d’une voix grave, calme, presque tranchante.

— Si ce n’est pas signé d’ici midi, on abandonne l’offre. Je ne veux pas de demi-mesures.

Pause.

— Tu sais ce que j’ai dit. Et je ne répéterai pas.

Il s’arrêta.

Lina sentit son souffle se bloquer. Il était juste là. À quelques centimètres.

Il ne parlait plus. Il ne bougeait plus.

Son regard… elle le sentait sur elle. Elle n’osait pas lever la tête. C’était interdit. On leur avait bien dit lors de la formation : “Ne fixez jamais Monsieur Moreau. Il déteste ça.”

Mais elle ne put s’en empêcher.

Juste un coup d’œil.

Ses yeux rencontrèrent les siens.

Bruns. Profonds. Insondables.

Le monde sembla s’arrêter.

Pendant une seconde, une seule, il ne fut pas un milliardaire. Et elle, pas une simple femme de ménage.

Il y avait juste deux êtres humains, perdus dans un instant figé.

— Vous êtes nouvelle ? demanda-t-il, d’une voix étonnamment douce.

Lina ouvrit la bouche, incapable de répondre tout de suite.

— Non… non monsieur. Ça fait deux ans.

Il haussa un sourcil, surpris.

— Deux ans. Et je ne vous ai jamais vue ?

Elle baissa la tête à nouveau.

— On m’affecte aux services de nuit. Pour ne pas déranger les clients…

Un silence. Puis un léger "hmm" qu’elle ne sut pas interpréter.

Il la regarda encore quelques secondes. Elle sentit ses joues brûler, son cœur battre trop fort.

Puis, sans un mot de plus, il reprit sa marche vers la sortie.

Le cliquetis de ses pas s’éloigna rapidement, englouti par l’immensité du hall.

Lina resta là, droite comme une statue, son balai toujours dans les mains.

Elle n’avait pas rêvé.

Il lui avait parlé. Il l’avait regardée. Et pour la première fois depuis des années, elle s’était sentie… visible.

Quand elle se remit enfin à bouger, ses mains tremblaient.

Pourquoi avait-il brisé le silence ce matin ? Pourquoi elle ?

Elle secoua la tête. Ce n’était rien. Il ne se souviendrait même pas de cet échange.

Mais au fond d’elle, une étincelle s’était allumée.

Une étincelle dangereuse.

Parce que Lina savait très bien que dans son monde à elle, les regards comme celui-là n’apportaient rien… sauf des ennuis.

Et pourtant, tout au fond de son cœur, une petite voix murmurait :

“Et si c’était le début de quelque chose ?”

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