Chapitre 5 – Les premiers effleurements

LÉANA

Le pavé humide sous mes talons résonne avec le rythme de mon cœur.

Chaque pas vers la bâtisse me rapproche de l’inévitable : la danse.

Mais ce soir, quelque chose est différent.

Il y a dans l’air une promesse, ou peut-être une menace. Une tension palpable qui me fait trembler avant même d’entrer.

Je pousse la porte. Le parfum du bois ancien et des bougies me saisit.

Il est là, assis au fauteuil de velours, immobile, comme une sculpture vivante.

— “Vous êtes revenue.”

Sa voix est basse, ferme, et pourtant chaude.

Je hoche la tête et m’avance.

Le silence nous enveloppe.

Je ferme les yeux, laisse mon corps se souvenir de chaque mouvement, de chaque souffle.

Mais ce soir, je sens autre chose : une proximité presque insoutenable.

Une tension qui nous attire l’un vers l’autre malgré nous.

— “Rapprochez-vous.” murmure-t-il.

Un frisson me parcourt. Je fais un pas, puis un autre.

La distance entre nous est minimale, mais suffisante pour que chaque effleurement imaginaire devienne électrique.

ADRIAN

Je sens son hésitation, sa crainte mêlée au désir.

Chaque centimètre qu’elle réduit entre nous est une torture délicieuse.

Je ne peux pas la toucher, mais je peux sentir la chaleur de son corps, la vibration de ses muscles, la tension de ses bras.

— “Encore un pas.”

Je murmure, et elle s’exécute, tremblante.

Chaque geste est une confession silencieuse, un aveu de tout ce qu’elle garde enfoui.

Je voudrais plonger mes mains dans son dos, sentir la courbe de sa taille, mais je me retiens.

La discipline du contrat devient notre jeu le plus dangereux et le plus enivrant.

Je perçois son souffle qui s’accélère.

Et dans cette pénombre, tout devient plus intense, chaque mouvement devient langage, chaque frisson devient dialogue.

LÉANA

Mes doigts frôlent presque le dossier du fauteuil.

Juste un effleurement de métal et de velours, mais je sais qu’il le sent.

Et moi… moi je sens sa présence comme un aimant invisible.

C’est à la fois insoutenable et fascinant.

— “Vous sentez…” commence-t-il. Sa voix tremble légèrement.

— “Oui…” je murmure.

— “…le temps s’arrêter.”

Je frissonne.

Je sens que chaque millimètre que je m’approche est un pas vers quelque chose d’interdit.

Mais je ne peux m’empêcher d’avancer.

Je suis attirée par ce silence qui parle plus que tous les mots.

Et par cette chaleur invisible, qui nous consume tous les deux.

ADRIAN

Elle est à portée.

Si je voulais, je pourrais la toucher, sentir sa peau contre la mienne.

Mais je ne le fais pas.

Pas encore.

Chaque effleurement imaginaire est un tremblement qui parcourt mes nerfs.

Elle est là, entière, brûlante, vulnérable et forte à la fois.

Et je réalise que ce contrat que j’avais imposé, ces règles strictes, ne servent qu’à intensifier chaque sensation.

— “Bougez encore.” murmuré plus pour moi que pour elle.

Et elle le fait.

Chaque geste est un poème silencieux, chaque respiration une promesse que je ne veux pas rompre.

Je sens ses mains, sa taille, sa force et sa fragilité.

Je sens son désir et sa peur.

Et je sais que nous ne sommes plus simplement danseuse et spectateur.

Nous sommes deux flammes dans l’obscurité, brûlant sans jamais se toucher.

LÉANA

Quand je m’éloigne enfin, mes jambes tremblent, mes mains sont moites.

Mais quelque chose a changé.

Le silence est devenu presque tangible, chargé d’électricité.

Je me sens vue comme jamais auparavant, même sans qu’il ne m’ait touchée.

Je serre le métronome dans ma poche.

Chaque tic-tac résonne comme un écho de notre proximité.

Je sais que demain, je reviendrai.

Et que demain, la frontière entre nous sera encore plus fragile.