Share

Chapitre 6: Chaleur et Froid

Author: Sidi_mosth
last update Last Updated: 2025-08-13 06:10:31

Le soir même, Mathis accompagna Léna chez elle. Il voulait s’assurer qu’elle n’était pas seule. Qu’elle allait bien.

Dans la petite chambre aux murs crème, le silence se fit lourd. Léna le regardait du coin de l’œil. Elle ne savait plus si elle devait se méfier ou se rapprocher. Tout en lui criait de lui faire confiance, mais son esprit restait marqué par les trahisons récentes, par les silences qui avaient blessé plus que les mots.

Mathis, lui, semblait lutter intérieurement. Il regardait autour, mal à l’aise. Peut-être parce qu’il n’était jamais venu ici auparavant. Ou peut-être parce que l’atmosphère entre eux avait changé. Comme si une frontière invisible avait été franchie.

— Tu me plais, Léna. Depuis le premier jour. Mais je t’ai laissé à Elias, parce que… je pensais qu’il te méritait.

Elle ne dit rien. Mais son cœur battait de plus en plus fort. Ce n’était pas ce qu’elle attendait. Pas ce soir. Et pourtant… une partie d’elle avait espéré.

Il s’approcha. Pas trop. Juste assez pour que leurs souffles se croisent.

— Et maintenant ? demanda-t-elle, la voix basse.

— Maintenant, j’ai envie de rester. Et de t’aider à tout éclaircir.

Ils ne s’embrassèrent pas. Pas encore. Mais leurs mains se frôlèrent, lentement. Le désir était là, palpable, brûlant. Un frisson électrique les traversa.

Puis, comme pour briser cette tension, Mathis lâcha :

— Je crois qu’on va devoir être plus malins qu’elle.

Léna hocha la tête. Elle avait presque oublié Inès pendant quelques minutes. Mais la menace rôdait toujours, silencieuse et perfide.

Mathis se leva et ferma la fenêtre de la chambre. Les volets tremblaient légèrement sous le vent du soir.

— Tu crois qu’elle aurait pu vraiment venir jusqu’ici ? demanda-t-il.

— Je crois surtout qu’elle veut me faire croire qu’elle peut tout voir, tout contrôler. C’est psychologique. Et ça marche.

Il s’assit sur le bord du lit.

— Alors on va lui renvoyer la pression. La pousser à faire une erreur.

— Comment ?

Mathis sortit son téléphone et montra à Léna une application de localisation GPS.

— Je peux glisser discrètement un AirTag dans son sac. On saurait où elle va, qui elle voit. Si elle se rend dans des endroits suspects.

— C’est illégal, murmura-t-elle, une pointe d’angoisse dans la voix.

— Et ce qu’elle te fait, tu crois que c’est légal ? Elle a pris une photo de toi chez toi, Léna. Chez toi. Elle a dépassé toutes les limites.

Léna se mordit la lèvre.

— D’accord. Mais si on fait ça, il faut qu’on soit discrets. Très discrets. Elle est plus intelligente qu’on le pensait.

---

Plus tard dans la soirée, après avoir partagé un repas rapide, ils s’installèrent sur le sol, entourés de feuilles, de notes, de souvenirs.

— Tu m’aides à tout reconstituer ? proposa Léna.

— On fait une chronologie. On note les messages, les événements, les changements de comportement.

Léna ouvrit un carnet, y traça une ligne au centre. À gauche, les dates. À droite, les faits.

Ils commencèrent à écrire. Ensemble. Le premier message dans le casier. Le regard étrange d’Inès dans le couloir. Le froid soudain d’Elias. La voix au téléphone. La photo. Les accusations.

Tout était là. En ordre. Brut.

Et plus ils écrivaient, plus un motif se dessinait. Un jeu d’échecs. Une stratégie de déstabilisation lente et précise. Rien n’était laissé au hasard.

— Elle t’a isolée méthodiquement, dit Mathis en observant le carnet. Elle t’a éloignée de ceux qui pouvaient t’aider. Et maintenant, elle veut que tu doutes même de toi-même.

Léna hocha la tête. Les yeux rivés sur le mot photo, encerclé en rouge. Elle murmura :

— Elle veut me faire croire que je suis folle.

Mathis posa une main sur son épaule.

— Mais tu ne l’es pas.

---

Vers 22h, Mathis se leva.

— Je vais devoir rentrer. Si mes parents apprennent que je suis resté chez une fille ce soir, je suis un homme mort.

Léna sourit, enfin.

— Merci… d’être venu. Vraiment.

Il hésita un instant, puis s’approcha d’elle. Lentement. Leurs regards se croisèrent, plus intenses que jamais. Il pencha légèrement la tête.

Et l’espace d’un souffle, leurs lèvres se frôlèrent.

Pas un baiser entier. Mais une promesse.

Puis il recula, le cœur battant, et quitta la chambre.

---

La nuit fut calme, mais Léna dormit peu. Les yeux ouverts dans le noir, elle repensait à tout. À Mathis. À Inès. À Elias. À ce lycée qui lui avait volé sa paix intérieure.

Elle se leva à 3h du matin. Elle regarda une dernière fois par la fenêtre. Aucun mouvement. Mais le frisson persistait.

Elle referma les volets. Puis, dans un élan qu’elle ne s’expliquait pas, elle enleva l’affiche sur le mur face à son lit. Un poster banal, acheté en début d’année.

Derrière… un petit trou. Parfaitement rond.

Un trou dans le mur.

Son cœur s’arrêta. Elle s’en approcha. Muraillé, percé, directement orienté vers son lit.

Quelqu’un avait eu une vue sur elle.

Un froid glacial la traversa. Elle recula, tétanisée. Qui ? Depuis quand ? Et pourquoi ce détail lui avait échappé ?

Elle prit immédiatement une photo, la transmit à Mathis.

> "Regarde ça. Derrière le poster. C’est pas un hasard."

Réponse immédiate.

> "Je viens demain matin. On alerte quelqu’un."

---

Le lendemain, au lycée, l’ambiance était étrange. Comme si tout le monde pressentait qu’un nouveau drame se tramait.

Inès était là. Fidèle à elle-même. Souriante. Lisse. Trop lisse.

Mais quand Léna entra dans la salle, leurs regards se croisèrent. Cette fois, Inès détourna les yeux.

Un petit détail. Infime. Mais qui en disait long.

Mathis rejoignit Léna au fond de la classe. Il glissa à son oreille :

— J’ai le traceur. Ce soir, à la sortie, je le glisse dans son sac. Et après, on suit.

— T’es sûr que ça va marcher ?

— Si elle n’a rien à cacher, on le saura très vite.

---

À la pause de midi, Léna passa près de la salle des profs. Un mot sur la porte l’interpella.

> "Salle 3. Réunion exceptionnelle. Motif : harcèlement anonyme."

Son cœur s’accéléra.

Quelqu’un avait parlé.

Elle ne savait pas qui. Ni pourquoi maintenant. Mais le fait était là.

Le silence commençait à se fissurer.

---

Le soir venu, Mathis mit son plan à exécution. Profitant d’un moment de distraction, il glissa l’AirTag dans la poche latérale du sac d’Inès.

Puis ils attendirent.

Vers 21h, une alerte s’afficha sur son téléphone.

> Inès – Dernière localisation : Rue des Lilas, Quartier Est.

— Elle habite pas là, murmura Mathis.

— C’est quoi ce quartier ?

Il chercha rapidement.

— Un vieux bâtiment désaffecté. Un ancien local de sport. Fermé depuis deux ans.

Léna sentit une boule se former dans son ventre.

— On y va ?

— Non. Pas ce soir. On observe. On trace. Et si elle y retourne plusieurs fois, alors on y va.

---

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    Chapitre 7: Le Piège

    ---Le plan était simple.Trop simple, même.Piéger Inès. Lui tendre une rumeur inventée. Une fausse information, lâchée dans une conversation anodine, et observer. Attendre. Voir si elle la faisait circuler.Mathis s’en était chargé, avec un calme presque chirurgical. Dans la cour, devant deux élèves de première friands de ragots, il avait murmuré comme par accident :— Léna pense quitter le lycée. Elle va porter plainte pour harcèlement.Juste ça. Une phrase. Jetée comme une allumette dans une forêt sèche.Et deux jours plus tard… le feu avait pris.Partout dans les couloirs, dans les chuchotements, dans les regards trop appuyés, la rumeur circulait :« Tu sais qu’elle veut porter plainte ? »« Elle s’est fait harceler, apparemment. »« Elle va se barrer du lycée. »C’était elle. C’était forcément Inès.Elle seule avait pu faire circuler cette fausse info aussi vite, aussi pr

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    Chapitre 6: Chaleur et Froid

    Le soir même, Mathis accompagna Léna chez elle. Il voulait s’assurer qu’elle n’était pas seule. Qu’elle allait bien.Dans la petite chambre aux murs crème, le silence se fit lourd. Léna le regardait du coin de l’œil. Elle ne savait plus si elle devait se méfier ou se rapprocher. Tout en lui criait de lui faire confiance, mais son esprit restait marqué par les trahisons récentes, par les silences qui avaient blessé plus que les mots.Mathis, lui, semblait lutter intérieurement. Il regardait autour, mal à l’aise. Peut-être parce qu’il n’était jamais venu ici auparavant. Ou peut-être parce que l’atmosphère entre eux avait changé. Comme si une frontière invisible avait été franchie.— Tu me plais, Léna. Depuis le premier jour. Mais je t’ai laissé à Elias, parce que… je pensais qu’il te méritait.Elle ne dit rien. Mais son cœur battait de plus en plus fort. Ce n’était pas ce qu’elle attendait. Pas ce soir. Et pourtant… une partie d’elle avait

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    chapitre 5: Le masque tombe

    ---Léna n’alla pas en cours ce jour-là.Elle resta allongée, les yeux ouverts, le regard perdu dans le plafond fissuré de sa chambre. Elle n’avait pas fermé l’œil de la nuit. Son téléphone vibrait parfois, mais elle n’avait plus la force de répondre. Plus d’énergie pour faire semblant. Elle était vidée. Hantée par les mêmes images en boucle :Le regard déçu d’Elias.Le silence de Mathis.Le message dans son casier.Et surtout… la voix.Cette voix féminine, glaciale, chuchotée à l’autre bout du fil, qui lui avait donné la nausée."Tu pensais vraiment pouvoir t’en sortir comme ça ?"La phrase résonnait encore dans son crâne. Inlassablement. Comme une gifle invisible.C’était une fille. Ce détail avait tout changé. Tout déplacé.Elle s’était focalisée sur Elias, sur Mathis, sur les garçons. Comme si les garçons détenaient le pouvoir. Comme si les garçons étaient la clef.Mais non. Il y avait une ombre fémini

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    chapitre 4: Frissons dans le silence

    ---Le lendemain matin, le lycée semblait différent. Plus froid. Plus hostile.Comme si les murs eux-mêmes s’étaient imprégnés des rumeurs qui circulaient. Les couloirs résonnaient de chuchotements à peine contenus, de rires étouffés aussitôt qu’elle apparaissait. Léna avançait parmi eux comme une étrangère, un corps déplacé dans un décor qui n’était plus le sien.Elle gardait les yeux baissés, tentant de faire abstraction des regards pesants, mais l’indifférence lui était impossible. Elle n'était plus l’élève discrète de la rentrée. Elle était devenue une cible.Arrivée devant son casier, elle sentit son estomac se nouer. Un petit papier blanc dépassait, glissé entre deux cahiers. Ses doigts tremblants s’en saisirent. Il n’était pas signé. Mais le message était limpide :"On sait ce que tu caches. Même Elias va te laisser tomber."Son souffle se coupa net. Elle relut la phrase trois fois, comme si chaque mot allait soudainement prend

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    chapitre 3: Secrets et Tempêtes

    Les jours suivants, Léna sentit la pression monter autour d’elle comme un orage invisible prêt à éclater. Dans les couloirs du lycée Saint-Clair, les rumeurs couraient, discrètes mais insistantes, chuchotées à voix basse dans le creux des escaliers ou dans le souffle du vent qui traversait les fenêtres ouvertes. Chaque regard lancé vers elle semblait chargé de jugement, de suspicion, parfois même de malveillance à peine dissimulée. Léna avait l’impression de marcher au milieu d’un champ de mines, où chaque faux pas pouvait déclencher une explosion.Elle observait, se méfiait, essayait de déchiffrer ce qui se disait sans vraiment y parvenir. La voix dans son oreille, le téléphone dans sa poche, elle sentait les battements de son cœur s’accélérer à chaque vibration. Ces messages anonymes revenaient sans cesse, glaçants, martelant sa confiance vacillante.Un après-midi, alors qu’elle s’installait dans la cour, à l’ombre d’un grand chêne, pour manger son sandwich, elle

  • Tome 1: Sous les néons du lycée    chapitre 2 : Premières ombres et murmures

    ---Les jours suivants, Léna sentit quelque chose changer.C’était subtil, presque imperceptible. Pourtant, chaque matin, lorsqu’elle franchissait les grilles du lycée, elle avait l’impression de pénétrer dans un monde qui ne lui appartenait plus. Les couloirs n’avaient pas changé. Les murs étaient les mêmes, les rires flottaient encore dans l’air comme avant. Mais il y avait ce quelque chose. Ce poids invisible, qui glissait sur ses épaules, qui ralentissait ses pas. Les regards avaient pris une autre texture : plus appuyés, plus curieux, parfois même hostiles.Depuis ce jour où Elias s’était approché d’elle devant toute la classe, Léna ne passait plus inaperçue. Elle n’était plus "la nouvelle", elle devenait la fille que tout le monde observait. Par envie. Par jalousie. Ou simplement parce que dans ce lycée, tout se savait. Et surtout, tout se commentait.Elias, de son côté, ne laissait pas retomber l’attention. Il multipliait les gestes ambigus

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status