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Tous sauf une louve
Tous sauf une louve
Author: Bruniverte

Chapitre 1

Author: Bruniverte
last update Last Updated: 2025-09-12 13:55:47

Crystal Rivera 

  Un pas après l’autre, je monte les marches qui mènent au hall d’une superbe villa de haut standing, posée comme un joyau à l’orée de New York.

  Deux gardes, immobiles se tiennent devant la porte. L’un m’ouvre avec une précision presque cérémoniale, tandis que l’autre m’adresse une salutation à peine audible. Je me contente d’un bref hochement de tête et poursuis.

  À l’intérieur, le maître des lieux m’attend au centre du hall. C’est un homme d’une soixantaine d’années, aux cheveux de feu striés de gris, qui se tient droit, appuyé sur sa fidèle canne en or. En m’apercevant, il ouvre les bras, espérant sans doute que je m’y jette.

  Je me contente d’esquisser un léger sourire avant de passer devant lui, sans un mot. Mon regard est déjà attiré par une table dans un coin, sur laquelle repose une bouteille de whisky à moitié vide, flanquée de deux verres.

  Derrière moi, le vieil homme soupire, comme s’il s’attendait à cette réaction.

  — Je pensais que tu avais changé depuis tout ce temps… petite capricieuse, lâche-t-il, l’air contrarié. 

  Je lui adresse un sourire ironique et remplis son verre à ras bord. Je lève le mien en guise de toast, puis bois la moitié cul sec. La chaleur du whisky se répand dans ma gorge, m’arrachant un sourire sincère, plus sincère que toutes celles que j’ai fait ses dernières jours. 

  — Agréable… ça m’avait manqué.

  — Heureux de voir que tu n’as pas perdu ton goût pour l’alcool.

  — Les meilleurs viennent toujours d’Irlande, rétorqué-je.

  Je vide le reste de mon verre et le repose sur la table, satisfaite.

  — Mes salutations au chef de la Triade… Puissiez—

  — Arrête ton char, me coupe-t-il. Nous sommes seuls.

  — Je sais… mais j’en avais envie, dis-je, faussement déçue.

  — Si tu as tellement envie de parler, raconte-moi plutôt ton voyage, propose-t-il en prenant la direction de son bureau.

  Je le suis, un peu à contrecœur.

  — Tu connais déjà les grandes lignes… Ils ont essayé de me faire bouffer des serpents; que j’ai évidemment refusés et j’ai dû chasser moi-même du gibier. Le goût du chlore n’est pas évident… Bref, je déteste l’Amazonie.

  — Tu détestes toujours tout, commente-t-il en sortant une boîte d’un tiroir.

  L’insigne gravé sur le couvercle m’arrache un second sourire. Je sais exactement ce qu’elle contient. Mes doigts s’agiter d’eux même impatiente de récupérer la boite.

  — Je te la donne si tu promets d’être moins chiante, dit-il.

  Je soupire.

  — Tu sais que je pourrais racheter cette putain de boulangerie, hein ?

  — Je ne laisserai jamais ça arriver. Pas de mon vivant. Alors, promis ?

  — Ouais… dis-je à mi-voix en lui prenant la boîte.

  Je l’ouvre sans cérémonie. Une odeur douce et sucrée m’envahit aussitôt, me donnant l’eau à la bouche. Je n’ai pas le temps de savourer avec les yeux : je mords directement dans l’un des macarons. Leur texture parfaite explose dans ma bouche , croustillante à l’extérieur, fondante au cœur ,ni trop sucrée, ni trop parfumée. Un poème de saveurs signé par la pâtisserie Le Blé de Lys, dont les créations tiennent presque de la magie.

  — Si mademoiselle veut bien arrêter de rêvasser et se pencher ici… me lance le vieux pour me ramener sur terre.

  Je referme la boîte à merveilles et m’avance vers lui. Il me tend une carte bancaire.

  — Ta paie a été virée ce matin. Tu as deux jours de repos.

  Je hoche la tête en sachant que je transférerai l’argent ailleurs, histoire que mes clients ne puissent jamais remonter jusqu’à moi en cas de trahison. On n’est jamais trop prudent.

  — C’est tout ? demandé-je.

  — Oui. Tu peux rentrer prendre un bon bain, tu sens la vieille chaussette.

  Sa remarque me fait discrètement sentir mes vêtements. Effectivement… ce n’est pas la rose. J’hausse les épaules, glisse la carte dans la boîte à macarons et quitte le bureau.

  Le trajet jusqu’à la sortie de la villa est le même qu’à l’aller. Une fois dehors, j’appelle mon taxi habituel. Il arrive dix minutes plus tard, à croire qu’il rôdait dans le coin. Jazz descend aussitôt pour m’ouvrir la portière.

  — Ravi de vous revoir, ma p’tite dame, dit-il en essayant vainement de dissimuler son accent.

  — Ravi aussi, Jazz, répondis-je en montant.

  Il referme la portière, rejoint le volant.

  — Alors, on va où et en combien de temps ? demande-t-il, déjà conscient que nos trajets ont rarement quelque chose de banal.

  — Pas ce soir, Jazz. Je viens de rentrer. Conduis-moi chez moi, et arrête-toi au resto chinois habituel. Je veux un pot-au-feu.

  — Très bien, ma p’tite dame, répond-il en démarrant.

  Jazz, c’est mon tapis volant. Il peut relier Manhattan à Brooklyn en deux minutes si le prix y est. Européen d’origine, il s’est installé ici pour « une vie meilleure »… Du moins, c’est ce qu’il dit. Mais je me demande parfois où la vie est vraiment meilleure pour notre espèce. 

  Peut-être ici, où l’on vit dans une hypocrisie cordiale… ailleurs, les nôtres végètent encore dans l’esclavage. Ce qui me tue, c’est de voir à quel point l’humanité est hypocrite envers elle-même. Et de ce cercle, j’en fais partie 

  Je croque dans un macaron, chassant ces pensées.

  — Et la famille, Jazz ? demandé-je, juste pour meubler le silence que par réelle curiosité.

  — Ah, ma femme a accouché, dit-il avec un large sourire.

  — Déjà ? m’étonné-je. Elle était enceinte en avril, et on est en septembre.

  Il rit doucement.

  — Elle l’était depuis un moment… Et c’est un petit gars.

  — J’en suis ravie pour elle. Les enfants naissent vite, dis donc… C’est le septième, non ?

  — Vous pouvez le dire. Mais j’aurais aimé une princesse, cette fois.

  — Faudrait retenter, si elle est d’accord.

  — Je crois que c’est bon… Peut-être que je suis pas fait pour avoir une fille.

  — Alors prends soin de tes petits gars.

  Dans le rétroviseur, je surprends son sourire avant qu’il ne se gare sur le parking du restaurant. Il descend, disparaît quelques minutes, et revient avec un sac plastique qui embaume déjà l’habitacle. Puis il reprend la route vers mon appartement.

  La voiture ralentit devant mon immeuble. Avant que j’aie le temps d’ouvrir, Jazz contourne le véhicule et m’ouvre la portière.

  — J’aurais pu le faire seule, tu sais, lui rappelé-je.

  — Oui, je sais. Mais ce soir, j’avais envie de vous faire plaisir.

  Je lui rends un sourire en posant un pied au sol.

  — D’ici deux jours, je veux te voir avec la même énergie.

  — Comptez sur moi, ma p’tite dame, dit-il en m’offrant un salut militaire maladroit.

  — Ouais, c’est ça… fis-je en attrapant le sac blanc posé sur le siège passager.

  Avant qu’il ne rejoigne son volant, je sors quelques billets de ma poche et les lui tends. Il commence à protester, mais je le coupe net :

  — Un cadeau pour ta femme. Invite-la au spa.

  Il me sourit, gêné. Je ne m’attarde pas, m’éloigne de la voiture et me dirige vers l’entrée de mon immeuble. À peine ai-je poussé la porte que j’entends le vrombissement du moteur. Avant que je ne la referme, il est déjà loin.

  Je monte lentement les marches jusqu’au troisième étage, insère la clé dans la serrure, qui s’ouvre après deux manœuvres maladroites. Une odeur de renfermé et de poussière m’accueille. Normal, je l’ai quittée deux mois.

  Je referme la porte derrière moi, pose le sac plastique sur le parquet, enlève mes bottines. Elles n’ont pas quitté mes pieds depuis trois jours , puis mon manteau. J’ouvre le placard près de la porte, en sors l’aspirateur robot qui démarre aussitôt sa ronde silencieuse.

  J’avance vers les fenêtres, les ouvre grand, laissant l’air urbain et froid pénétrer mon appartement. Je récupère mon sac et le pose sur l’îlot de la cuisine, puis monte les escaliers.

  Je reproduis la même opération avec les fenêtres du haut, puis me dirige vers la salle de bain. Je me déshabille lentement, débarrassant mon corps de mon jean, pull, soutif et petite culotte que je pose dans le panier à linge. Je détache mes cheveux, les mouille un peu, attrape mon shampooing et commence cette routine capillaire que j’avais laissée en pause depuis huit semaines.

  Après cette longue douche, je reviens au salon. L’aspirateur robot a fait des merveilles, s’est éteint tout seul dans un coin de la pièce. Je saisis le sac plastique, un bol, y verse le pot-au-feu devenu une soupe riche en légumes et morceaux de viande. Je prends une cuillère et retourne au salon.

  J’allume la télé. Un documentaire sur les oiseaux migrateurs défile devant mes yeux. Assise là, je savoure mon repas tout en regardant un couple d’ornithologues parler de la réduction inquiétante des populations de volailles.

  Après ce dîner simple mais réconfortant, je me mets à chercher mon portable, caché dans l’une des poches de mon manteau. Je fouille, en sors une boîte de cigarettes, un briquet, une carte bancaire, des bonbons aux myrtilles et une boîte de comprimés. Je lâche le manteau, déverse tout sur la table basse.

  Je me sers un verre d’eau ,c’est la seule chose que j’ai trouvée dans mon frigo et monte à l’étage. J’enlève les draps usés, en mets de frais, puis m’allonge enfin sur mon lit.

  Enfin, un endroit où je peux me reposer.

  Je ferme les paupières, attendant Morphée, mais le sommeil tarde à venir. Le grincement d’une fenêtre, le bruit lointain d’une voiture qui traverse la rue , mes pensées qui dérivent sur les événements de ces derniers jours sont les seuls sons de la nuit.

  Fatiguée de tout ça , je me lève, referme cette fichue fenêtre, prends une couverture et descends au salon. Je baisse le volume de la télé, espérant que la voix monotone de la présentatrice d’une émission quelconque retiendra mon esprit, l’empêchera de divaguer.

  Mais c’est peine perdue. Mon esprit rejoue en boucle ces derniers jours : la tristesse gravée sur le visage des filles, à mesure qu’on s’enfonçait dans l’Amazonie comme dans un labyrinthe humide, la moiteur collée à nos peaux, la peur collée à leurs souffles. Elles savaient. Chaque pas les rapprochait de leur geôlier.

  Derrière nous, les traqueurs aux crocs acérés flairaient nos traces, impatients de goûter le sang que nous escortons . Et dans les ombres épaisses de la forêt, les loups guettent, prêts à nous sauter à la gorge si l’un de nous osait déplacer une pierre

  C’était ma mission. Deux mois à remonter cette jungle étouffante, à ramener une cargaison de vies humaines à leur bourreau : un vampire richissime, propriétaire d’une banque de sang.

  Pour lui, ces femmes n’étaient que des ressources calibrées, des corps vidés à la demande. Certaines serviront de « grands crus » , des ressources qu’on saigne jusqu’à la dernière goutte pour ses clients, d’autres deviendront des jouets de luxe, offertes aux caprices des clients les plus puissants. 

  Je revois encore ses yeux froids, comptant ses proies comme on compte des lingots. Deux mois de marche pour ça. Deux mois à livrer des innocentes à un monstre drapé dans des costumes sur mesure.

  Ce monde n’a rien de sacré. Il ne mérite même pas qu’on y pose les pieds.

  La voix lointaine de la présentatrice se dissout peu à peu, engloutie dans le silence. Mes paupières s’alourdissent enfin, et Morphée, miséricordieux, vient m’arracher à ces souvenirs

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