Elle arriva devant la salle de surveillance, où elle savait que l’équipe pédagogique se réunissait en cas de problème. Elle hésita à peine une seconde avant de pousser la porte.
Ce qu’elle vit lui coupa le souffle. Liam et Noah étaient assis, raides sur leurs chaises, le regard fixé sur leurs genoux. Face à eux, derrière son large bureau en bois massif, le proviseur observait la scène d’un air grave. — Madame Morel, entrez, je vous en prie, l’accueillit-il d’un ton neutre. Elle s’avança immédiatement, son regard passant de ses fils au proviseur. — Que s’est-il passé ? demanda-t-elle, tentant de maîtriser l’inquiétude qui transperçait sa voix. Le proviseur croisa les mains sur la table et la regarda droit dans les yeux. — Vos fils ont été impliqués dans une altercation à la cantine. Sofia se tourna immédiatement vers Liam et Noah. — C’est vrai ? Liam ne répondit pas tout de suite, se contentant de hocher la tête avec une retenue calme. Noah, en revanche, affichait une expression fermée, sa mâchoire crispée. — Ce n’était pas de leur faute ! s’exclama-t-il soudainement. Le proviseur leva la main pour réclamer le silence avant de poursuivre : — J’ai visionné les images des caméras de surveillance. Il est vrai que vos fils ont été provoqués verbalement par deux autres élèves. Mais la réaction de Noah a dépassé les limites acceptables. Il a plaqué un camarade contre une table, et il était sur le point de lui porter un coup.Sofia sentit un frisson lui parcourir l’échine.
Elle tourna un regard perçant vers son fils cadet.
— Noah…
Noah détourna les yeux, ses poings se refermant sur son pantalon.
— Ils nous ont insultés, murmura-t-il d’une voix rauque.
Sofia expira lentement, essayant de calmer son propre trouble.
— Quelle genre d’insultes ?
Liam, toujours aussi mesuré, répondit à sa place :
— Ils se sont moqués du fait qu’on n’a pas de père.
Sofia sentit un pincement au cœur.
C’était une douleur qu’elle avait toujours redouté qu’ils affrontent un jour. Mais elle n’aurait jamais cru que ce serait si tôt… et si brutal.
Le proviseur soupira avant d’ajouter :
— Je peux comprendre que ce soit un sujet délicat, mais la violence n’est jamais une solution. Nous ne tolérons pas ce genre de comportement, même en réponse à une provocation.
Sofia acquiesça doucement, tentant de rassembler ses pensées.
— Je comprends, monsieur le directeur, dit-elle finalement.
Elle jeta un regard vers ses fils, puis reprit :
— Quelle est la sanction ?
Le proviseur la regarda un instant avant de répondre :
— Compte tenu des circonstances et du fait que ce soit la première fois qu’un incident de ce genre se produit, nous avons décidé d’un avertissement officiel. Mais si un tel comportement se reproduit, ils seront suspendus pour quelques jours.
Sofia sentit la tension dans ses épaules se relâcher légèrement.
— Merci pour votre compréhension, répondit-elle avec sincérité.
Elle se tourna alors vers ses fils, son regard plus doux, mais ferme.
— Liam, Noah, nous allons rentrer à la maison. Mais cette conversation n’est pas terminée.
Noah baissa la tête tandis que Liam acquiesça silencieusement.
Sofia salua poliment le proviseur avant d’attraper la main de ses fils et de quitter la pièce d’un pas déterminé.
Sur le chemin du retour, un silence pesant s’installa dans la voiture.
Le silence s’étira dans l’appartement, pesant comme une couverture de plomb.
Assis autour de la table, Liam et Noah échangeaient des regards inquiets, cherchant un moyen de briser l’atmosphère étrange qui régnait depuis leur retour de l’école.
D’ordinaire, leur mère parlait beaucoup pendant le dîner. Elle posait mille questions sur leur journée, riait à leurs anecdotes et les taquinait lorsqu’ils se chamaillaient pour la dernière part de dessert.
Mais ce soir, elle se contentait de fixer son assiette, poussant distraitement les légumes du bout de sa fourchette.
— Maman, tu savais que notre professeur de maths s’est fait surprendre en train de manger un donut en cachette ? tenta Liam avec un sourire espiègle.
Pas de réaction.
— Maman, Noah a résolu le problème le plus difficile en classe aujourd’hui, et même la maîtresse était impressionnée !
Toujours rien.
Sofia leva à peine les yeux et leur adressa un sourire forcé, un de ceux qui ne trompaient personne.
Les jumeaux échangèrent un regard.
Ils comprirent immédiatement.
Le proviseur n’avait peut-être pas grondé leur mère, mais ce qu’ils avaient fait l’avait profondément affectée.
Et c’était pire que n’importe quelle punition.
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Après le dîner, Sofia se leva en silence et débarrassa la table, rassemblant assiettes et verres machinalement. Elle s’affaira à la cuisine, laissant couler l’eau chaude sur ses mains alors qu’elle lavait la vaisselle avec des gestes lents et mécaniques.
Mais son esprit, lui, était loin.
Les mots de Noah résonnaient dans sa tête :
"Ils se sont moqués du fait qu’on n’a pas de père."
Ses doigts se crispèrent sur l’éponge.
Elle avait toujours su que ce jour arriverait. Que tôt ou tard, Liam et Noah seraient confrontés à des questions sur leur famille, sur leur origine.
Mais elle n’avait jamais imaginé que ce serait aussi douloureux.
Elle avait fait de son mieux pour être une mère forte, pour leur donner un foyer stable, pour qu’ils ne ressentent jamais de manque.
Mais pouvait-elle vraiment combler ce vide ?
Une larme roula sur sa joue avant qu’elle ne l’essuie rapidement du dos de la main.
Elle ferma les yeux, prenant une grande inspiration pour se ressaisir.
Et c’est à cet instant qu’elle entendit un murmure derrière elle.
— On fait quoi maintenant ?
Elle se retourna légèrement et aperçut, à travers la porte entrebâillée, Liam et Noah debout au salon, discutant à voix basse.
Noah avait les bras croisés, l’air soucieux.
— On l’a rendue triste… murmura-t-il.
Liam hocha la tête, les yeux brillants d’émotion.
— On doit se faire pardonner.
Sofia sentit son cœur se serrer.
Elle s’appuya discrètement contre le mur, les écoutant sans oser intervenir.
Ils étaient si petits, si innocents… et pourtant, ils portaient déjà tant de responsabilité sur leurs épaules.
Après un court silence, Noah prit soudain la main de son frère, une lueur de détermination dans les yeux.
— J’ai une idée.
Camille observa Sofia avec attention. Son amie était crispée, son regard perdu dans le vide, et ses mains tremblaient légèrement. Elle n’était pas seulement en colère. Non, elle était bouleversée.— Sofia, où sont les garçons ? demanda Camille d’une voix douce, mais ferme.Sofia détourna le regard avant de répondre d’un ton sec :— Dans leur chambre.Camille haussa un sourcil.— Attends… Tu es fâchée contre eux ?Sofia serra la mâchoire et se redressa brusquement, croisant les bras comme pour se protéger.— Pourquoi je ne le serais pas ? J’ai le droit d’être en colère contre eux !Camille secoua la tête, abasourdie.— Mais Sofia… Ce ne sont que des enfants ! Ils n’ont que trois ans !— C’est justement ça le problème ! répliqua Sofia, la voix tremblante d’émotion. Ils n’ont que trois ans et pourtant, ils réfléchissent plus qu’un adulte ! Qui leur a donné la permission de partir comme ça ? De traverser la ville seuls ? Tu te rends compte des dangers qu’ils ont courus ?Camille s’approch
Sofia ne disait plus un mot. Son visage était fermé, son regard distant. Lorsqu’ils arrivèrent à la maison, elle enleva son manteau, se dirigea vers la cuisine et prépara le dîner en silence. Pas un seul regard vers ses fils, pas une parole échappée de ses lèvres. Elle était là, mais en même temps absente, enfermée dans sa déception et sa colère.Les jumeaux s’installèrent sagement à table, jetant de rapides coups d'œil vers leur mère qui s’activait devant les fourneaux. L’ambiance était lourde, pesante. Ils savaient qu’ils avaient franchi une limite, qu’ils avaient blessé Sofia, mais ils ne savaient pas comment arranger les choses.Quelques minutes plus tard, elle posa deux assiettes devant eux sans un mot. Le repas était servi, mais le silence pesait comme une chape de plomb. Habituellement, Sofia discutait avec eux, leur demandait comment s’était passée leur journée, racontait quelques anecdotes, plaisantait même parfois. Mais ce soir-là, rien. Juste le bruit des couverts cognant c
Elle inspira profondément, essayant de maintenir le contrôle. Quand elle parla à nouveau, sa voix était froide et tranchante, la dureté du moment l'enveloppant.Sofia fixa intensément ses enfants, son regard glacial plongeant dans le leur. Elle pouvait sentir la colère et la confusion bouillir en elle, mais une question persistait : quel père étaient-ils allés voir ? Leurs mensonges ne faisaient plus sens, et son instinct maternel la poussait à obtenir la vérité.Elle s’approcha d’eux, ses bras croisés sur sa poitrine, ses yeux brillant d’une colère qu’elle ne pouvait plus contenir.— Quel père êtes-vous allés voir ? demanda-t-elle d’une voix froide et autoritaire.Liam se mordit la lèvre inférieure, évitant le regard de sa mère. Noah, lui, ne pouvait plus supporter la pression. La vérité s’échappa de ses lèvres, brisée par la honte et la peur de la réaction de sa mère.— Adrien Lancaster, murmura-t-il, les yeux baissés.Sofia sentit son cœur s'arrêter un instant. Un choc violent trav
Après le départ d’Elias, Adrien resta un moment immobile derrière son bureau, le regard perdu dans le vide. Son frère avait soulevé trop de questions auxquelles il refusait de répondre. Il n’avait pas besoin de complications dans sa vie, et encore moins d’enfants surgissant de nulle part pour bouleverser son existence parfaitement contrôlée.Il poussa un profond soupir et se passa une main sur le visage avant de se lever brusquement. Son regard sombre se posa sur la baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur la ville.— Merde…Sa mâchoire se contracta alors qu’il repensait à ces deux enfants. Ils lui ressemblaient, certes, mais cela ne signifiait rien. Il y avait des milliers de personnes dans ce monde avec des traits similaires. Et cette Sofia… Pourquoi maintenant ? Pourquoi n’était-elle jamais venue avant s’il était vraiment leur père ?Non. Il ne voulait pas entrer dans ce jeu. Il avait été clair avec eux.“Je ne suis pas votre père.”Ces mots avaient résonné dans son bureau co
En quittant le restaurant, Adrien sortit discrètement son téléphone et tapa rapidement un message.Adrien : Elias, j’ai besoin de te voir immédiatement. Rejoins-moi dans mon bureau, c’est urgent.Il envoya le message avant de ranger son téléphone dans la poche intérieure de sa veste. À ses côtés, Clara lui lança un regard en biais, mais il fit semblant de ne rien remarquer.— Tu es sûr que tu vas bien ? demanda-t-elle en montant dans la voiture.— Oui, tout va bien, répondit-il d’un ton qui ne trompait personne.Le trajet du retour se déroula dans un silence pesant, ponctué par le ronronnement du moteur et les bruits étouffés de la circulation. Adrien avait le regard rivé sur la vitre, mais en réalité, il ne voyait rien. Son esprit était ailleurs, tourmenté par les événements de la matinée.Dès leur arrivée à l’entreprise, il salua brièvement Clara et s’éloigna d’un pas rapide vers son bureau. À peine avait-il refermé la porte derrière lui qu’on frappa fermement.— Entre, lança-t-il s
Adrien, qui venait juste d’arriver dans la salle où les jumeaux se cachaient, les fixa un moment en silence. Le poids des mots qu’il allait prononcer s’imposa à lui, mais il ne pouvait pas reculer. Il devait leur dire la vérité, aussi brutale soit-elle.— Écoutez-moi, les garçons, commença-t-il d’une voix grave, mais froide. — Je ne vous connais ni vous ni votre mère. Vous voyez, j’ai une femme. Alors ne pensez pas que moi je suis votre père. Vous me ressemblez certes, mais les gens se ressemblent dans ce monde, et c’est normal. Votre père est mort, comme votre mère vous l’a dit. Moi, je ne suis pas votre père.Les mots résonnèrent dans l’air comme un coup de tonnerre, secouant un peu plus le fragile espoir qu’ils avaient entretenu. Liam et Noah restèrent figés, choqués par la dureté de ses paroles.Adrien sentit un pincement à son cœur, mais il resta implacable. L’instant où il avait accepté l’idée que ces enfants étaient potentiellement les siens lui paraissait si lointain maintenan