La nuit était avancée, mais Naïla, exaltée par les événements de la journée, n’avait pas envie de dormir.
Drapée dans un voile de soie aux reflets dorés, elle se promenait dans ses appartements avec une vivacité qui contrastait avec la fatigue d’Ismène, restée debout près de la porte.
— Ismène, je t’ai déjà dit de t’asseoir ! ordonna-t-elle d’une voix joyeuse. Tu es ma confidente maintenant, pas juste une simple servante.
Ismène hésita avant d’obéir, s’asseyant prudemment sur un tabouret bas, le regard rivé sur le tapis fin qui couvrait le sol.
Naïla, quant à elle, était rayonnante. Elle tournoyait sur elle-même, admirant sa silhouette dans le grand miroir en bronze poli.
— Parle-moi, Ismène. Dis-moi combien j’ai été brillante aujourd’hui.
Ismène releva légèrement les yeux.
— Vous avez été parfaite, ma princesse.
Un sourire satisfait étira les lèvres de Naïla. Elle s’approcha et s’agenouilla devant Ismène, attrapant ses mains avec un empressement enfantin.
— C’est exactement ce que je voulais entendre ! Tu as vu, hein ? Tu as vu comment ils m’ont regardée ?
Comment la reine mère m’a bénie devant toute la cour ?
Elle se redressa et reprit sa marche excitée dans la pièce.
— Qui osera encore me juger maintenant ? Qui osera murmurer dans mon dos ? Tous ces yeux suspicieux, ces langues perfides… Ils n’ont plus rien à dire !
Elle éclata d’un rire clair, presque euphorique.
— Même mes parents… eux qui me regardaient toujours avec cet air sceptique, comme si j’étais une déception avant même d’avoir échoué… Ils m’ont félicitée ! Mon père a envoyé un coffre rempli de bijoux et ma mère… Elle s’arrêta un instant, savourant son effet avant d’ajouter avec une pointe de fierté :
— Ma mère a envoyé sa plus fidèle servante pour me féliciter personnellement. Moi !
Ismène hocha doucement la tête, écoutant sans rien dire.
— Elle m’a dit que je fais honneur à ma lignée, que je suis enfin une vraie femme, digne de porter la couronne !
Naïla se tourna vers Ismène, ses yeux pétillants de triomphe.
— Et tout ça, Ismène, c’est grâce à toi.
Ismène tressaillit légèrement, mais Naïla ne semblait pas s’en apercevoir. Elle s’approcha et posa une main sur l’épaule de sa servante.
— Tu as été essentielle. Sans toi, je ne serais pas là où je suis.
Ismène ouvrit la bouche, cherchant quelque chose à répondre, mais Naïla ne lui en laissa pas le temps.
— Je vais te récompenser comme il se doit. Je ne veux pas que tu sois simplement ma servante. Non… Je veux que tu sois ma compagne, ma confidente.
Elle s’écarta légèrement et s’approcha d’un grand coffre qu’elle ouvrit avec empressement.
— Regarde !
Elle en sortit une étoffe de soie brodée, un collier d’or orné de pierres précieuses, et un bracelet finement ciselé.
— Tout ceci est pour toi. Tu n’as jamais eu de vrais cadeaux, n’est-ce pas, Ismène ?
Ismène secoua doucement la tête.
— Eh bien, maintenant, tu en as.
Naïla lui tendit les présents avec un sourire radieux.
— Accepte-les. À partir d’aujourd’hui, tu n’es plus une simple servante. Tu es ma protégée.
Ismène attrapa les étoffes avec précaution, le cœur lourd.
Naïla reprit sa place face au miroir, se contemplant encore avec satisfaction.
— Je vais être une princesse exemplaire. Je me montrerai parfaite en toutes circonstances, douce, obéissante, mais aussi forte et intouchable. Plus personne ne pourra me faire tomber.
Elle fit une pause avant de tourner son regard perçant vers Ismène.
— Et toi, tu seras toujours à mes côtés, n’est-ce pas ?
Ismène, la gorge serrée, inclina la tête.
— Oui, ma princesse.
Naïla sourit, satisfaite.
— Alors tout est parfait.
Elle tourna sur elle-même une dernière fois avant de s’approcher du lit.
— Reste encore un peu avec moi. Je veux profiter de cette nuit où tout m’appartient.
Ismène ne répondit pas. Elle s’assit en silence, observant Naïla savourer son triomphe.
Elle aurait voulu ressentir la même satisfaction. Mais au fond d’elle, quelque chose pesait sur son cœur comme une ombre silencieuse.
Ismène se figea. Kael avait les yeux ouverts, désormais éveillé. Il l’observait, un léger sourire sur les lèvres. Leurs regards se croisèrent et, bien que les mots n’aient pas encore franchi ses lèvres, elle sentit que quelque chose avait changé. Il n'était plus celui qu'elle avait connu, et elle n'était plus la même femme que la veille.Elle se mordit la lèvre inférieure, hésitante, avant de répondre :— Je… je voulais juste sortir un moment. Je me sens un peu perdue, Kael.Il se redressa alors, s'appuyant sur ses coudes, les yeux plongés dans les siens avec une intensité nouvelle. Il n'y avait plus de doute, plus d'hésitation dans son regard. Il était là, présent, et il semblait comprendre sans qu'elle n'ait besoin d'expliquer davantage.— Tu n’es pas perdue, Ismène, répondit-il d’une voix douce mais ferme. Je suis là. Et tout ce que tu ressens, je le ressens aussi. Mais tout ça prend du temps. Nous avons le temps de tout comprendre, ensemble.Ismène baissa les yeux, le poids des mo
Ismène, les yeux plongés dans les siens, n’eut pas la force de répondre immédiatement. Elle savait que ce n’était pas une simple déclaration de pouvoir. C’était une invitation. Une invitation à se laisser aller, à s’abandonner à lui, et à accepter que tout ce qu’ils avaient vécu jusqu’ici, toutes les luttes et les souffrances, étaient peut-être derrière eux. Ou peut-être étaient-ils juste à l’aube de quelque chose de plus grand, de plus difficile encore.Kael la prit alors doucement par la taille et la souleva légèrement. Elle sentit la fermeté de son corps contre le sien, sa respiration qui se faisait plus rapide, plus insistante. Il la déposa délicatement sur le lit, et le simple contact de la soie du drap contre sa peau lui donna un frisson. Ses mains glissèrent lentement le long de son corps, effleurant chaque courbe, chaque détail comme s’il redécouvrait un terrain inconnu. Ses yeux ne la quittaient pas, scrutant ses réactions, observant les frissons qui parcouraient son corps.—
Ismène rougit, ne sachant si elle devait rire ou s’étonner de cette nouvelle facette de sa vie. Elle n’avait jamais vraiment réfléchi à ces choses-là, mais Mariama la mettait face à une réalité dont elle ne pouvait plus détourner les yeux. Elle sentait son cœur battre un peu plus vite à l’idée de ce qui allait se passer ce soir.— Tu as l’air d’une femme qui sait de quoi elle parle, dit Ismène, mi-gênée, mi-curieuse. Tu… tu as vécu cela, toi aussi ?Mariama sourit tendrement, puis secoua la tête.— Chaque femme a son propre chemin. Mais tu n’as pas à avoir peur. La première fois, peut-être, mais après, ça devient plus naturel. Et souviens-toi, tu es sa femme maintenant. Il faut que tu t’affirmes. Ce n’est pas une question de séduire, c’est une question de connexion. Le corps, l’esprit, et le cœur. Quand tu es prête à tout donner, à lui offrir tout ce que tu es, il ne peut que te répondre de la même manière.Ismène ferma les yeux, se laissant envahir par cette idée de connexion, de com
La nuit tomba sur le palais, mais pour eux, l’aube d’une nouvelle vie venait de se lever.Dans la quiétude de la chambre de Mariama, alors que la nuit enveloppait le palais d’un calme presque étrange, Ismène se laissa tomber sur un siège, les yeux perdus dans le vide. Mariama s’approcha doucement, comme si elle ressentait le poids des pensées qui écrasaient son amie.— Alors, vous avez scellé le mariage ? demanda Mariama, d’une voix douce mais curieuse.Ismène secoua négativement la tête, ses mains tremblantes se joignant sur son ventre comme pour se donner un peu de force. Elle sentait encore le vertige de la cérémonie, la lourdeur de ce mariage qui, bien qu’officialisé, restait dans son esprit comme un fardeau qu’elle n’était pas encore prête à accepter complètement. Le regard de Mariama se fit plus insistant, mais sans jugement. Elle s'assit à côté d'elle, posant une main rassurante sur son épaule.— Il faut que tu comprennes, Ismène, lui dit Mariama d’une voix calme mais ferme. Ce
Le soir, après que les invités se furent dispersés et que la dernière musique se fut éteinte dans les couloirs, Kael trouva Ismène seule dans leur chambre, Kalem endormi dans son berceau. Ses yeux étaient fatigués, mais un sourire sincère illuminait son visage lorsqu’elle le vit entrer.— Alors, c’est fait… dit-elle doucement, les bras croisés, mais ses yeux brillants d’une émotion qu’elle n’arrivait pas à dissimuler.Kael s’approcha d’elle et prit sa main, la serrant fermement.— Oui, c’est fait, répondit-il. Et ça ne change rien. Nous sommes ensemble, Ismène, et je tiendrai toujours ma parole.Elle hocha lentement la tête, un léger sourire aux lèvres. Mais malgré ses paroles, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander si ce mariage allait réellement apaiser toutes les tensions. Les murmures, les regards, tout cela allait-il s’estomper avec le temps ? Ou allait-elle toujours être l’objet de mépris de la cour, de la reine, de tout le royaume ?— Et maintenant ? demanda-t-elle, sa v
Le mariage de Kael et Ismène, bien que fastueux et empreint de la solennité que la cour exigeait, se déroulait sous un ciel lourd de tensions. Dans les couloirs dorés du palais, les murmures se propageaient comme un vent sec, glissant entre les nobles qui s'étaient rassemblés pour l'événement. Certains observaient, inquiets, les lèvres pincées, d'autres, à peine dissimulant leur mépris, chuchotaient des mots lourds de jugement. Mais tout ce qui importait à Kael, c’était qu’il ait lieu. Il n’était pas là pour écouter les chuchotements ni les ragots de la cour ; son regard ne se détournait jamais d’Ismène, sa future épouse, qu’il avait choisie, malgré les circonstances.Ismène, de son côté, était bien plus bouleversée qu’elle ne l’aurait voulu le laisser paraître. Son cœur battait fort, non pas à cause de l’ampleur de l'événement, mais plutôt du poids des regards qui pesaient sur elle. Ce n'était pas simplement une cérémonie, c’était un acte symbolique qui marquait une rupture avec tout