Ses doigts atteignirent la base de la robe. Il la regardait sans cligner des yeux. Prêt à aller trop loin.
Et c’est là que ça arriva. Un sanglot. Faible. Étouffé.Puis un autre. Et encore un. Le corps de Léna se figea. Elle pleurait. En silence. Mais les larmes roulaient sur ses joues, incontrôlables, pures. Pas de hurlement. Pas de théâtre. Juste… la tristesse. L’angoisse. Le désespoir. Elle murmura, d’une voix brisée : — Je ne voulais pas de ça. Pas de cette vie. Pas de cette souffrance. J’ai juste essayé de survivre. J’ai juste voulu protéger ce qui me restait. Ilyès ne bougeait plus. Sa main était suspendue à quelques centimètres de son corps. Et pour la première fois… il hésita. — Tais-toi, murmura-t-il. Ne me fais pas ça. Mais elle ne pouvait plus se taire. — Je n’ai plus personne, Ilyès. Ma mère est morte. Mon père m’a vendue. Et toi… toi tu veux m’éteindre. Pourquoi ? Pour une gifle ? Sa voix tremblait. — Est-ce que ça vaut vraiment la peine ? Il recula.Un pas. Puis un autre. Comme si ses propres gestes lui avaient soudain fait horreur. — Merde… Il tourna le dos. Sa mâchoire était crispée. Ses poings, serrés. Léna tomba à genoux, la respiration tremblante.Elle n’avait pas crié. Pas mordu. Pas supplié. Elle avait pleuré. Et ça l’avait arrêté. — Tu peux me détester, murmura-t-elle. Mais n’oublie jamais que je ne suis pas ton jouet. Même cassée… je ne suis pas à toi. Ilyès ne répondit pas. Il sortit. Sans un mot. Laissant la porte grande ouverte. Cette fois, il ne l’avait pas enfermée. Mais quelque chose, dans son regard, avait changé. Et Léna comprit que ce n’était pas elle qu’il était venu briser. C’était lui qu’il tentait de sauver. À sa manière. Sale. Tordue. Terrifiante. Et qu’au fond… il ne savait pas comment aimer autrement. 🖤 Chapitre 5 – L’Objet Le salon brillait sous les lustres de cristal. Des verres tintèrent. Des rires légers s’élevèrent. Mais dans la poitrine de Léna, tout était figé. Elle était assise à la droite d’Ilyès, vêtue d’une robe rouge que ses doigts n’osaient même pas toucher. Le tissu collait à sa peau comme une marque de possession. Trop décolleté. Trop fendu. Trop transparent. Elle n’aurait jamais osé porter une telle tenue. Mais ce n’était pas son choix. C’était la robe qu’il avait fait livrer dans une boîte noire, une heure plus tôt, sans un mot. Il n’en fallait pas plus pour comprendre. Assieds-toi. Souris. Ne parle pas. Ilyès, lui, était dans son élément. Impeccable. Glacial. Intouchable. Il parlait affaires avec ses investisseurs, comme s’il n’avait pas traîné une jeune femme dans une prison dorée quelques jours plus tôt. Comme s’il n’avait pas failli la forcer à se donner à lui. Il ne la regardait même pas. Et pourtant, sa main reposait sur sa cuisse. Ferme. Possessive. Comme un rappel silencieux : Tu es là parce que je l’ai décidé. — Ilyès, murmura l’un des hommes à gauche, un verre à la main. Tu ne nous présentes pas cette beauté silencieuse ? Léna sentit tous les regards converger vers elle. Elle baissa les yeux. Elle ne voulait pas qu’on la voie. Pas comme ça. Pas comme une chose. Mais il sourit, sans même tourner la tête vers elle. — Oh, elle ? Juste un passe-temps, mon nouveau jouet. Un petit rire poli. — J’aime changer souvent. Un frisson glacé remonta le long de l’échine de Léna. Elle se mordit la lèvre pour ne pas réagir. Il l’avait humiliée. Volontairement. Publiquement. Et elle… elle n’avait pas le droit de parler. — Ravissante, murmura une femme un peu plus loin. Dommage qu’elle ne parle pas. — C’est ce qui la rend précieuse, répondit Ilyès. Elle connaît sa place. Rires étouffés. Champagne. Mais Léna n’entendait plus rien. Elle regardait son verre. Vide. Comme elle. Elle ne comprenait pas comment elle pouvait encore avoir honte. Après tout, il avait déjà tout pris, non ? Son libre arbitre, sa voix, son corps. Et pourtant, cette soirée la brisait d’une autre manière. Parce qu’ici, dans ce monde-là, elle n’était même pas une femme. Elle était une possession. Et elle l’acceptait. Elle le laissait faire. Parce qu’il avait tout prévu. Tout verrouillé. Tout piégé. Et qu’elle ne savait pas comment fuir. Plus tard, après le départ des invités, le silence était lourd. Léna n’avait pas dit un mot. Elle marchait derrière lui dans le couloir comme une ombre. Les talons lui faisaient mal, la robe collait à sa peau, mais elle n’osait pas se plaindre. Ils entrèrent dans la chambre. Il referma la porte derrière elle. — Tu étais parfaite, murmura-t-il. Elle ne répondit pas. Il s’approcha lentement. Glissa ses doigts sur sa joue. — Obéissante. Silencieuse. Belle. Elle frissonna sous son contact. — Tu n’as même pas pleuré, ce soir. C’est bien. Ses doigts descendirent sur sa gorge, puis sur son épaule. Elle tremblait. Mais elle ne recula pas. Il aimait ça. Ce mélange de peur et de soumission. — Ils t’ont regardée. Ils t’ont voulue. Et pourtant tu es restée là. À ta place. À ma droite. Sa main se posa sur sa taille. Puis s’arrêta juste au-dessus de ses hanches. — Tu m’appartiens, Léna. Tu le comprends maintenant ? Elle hocha doucement la tête. Une seule fois. Elle ne pouvait pas parler. Sa gorge était nouée. Il l’embrassa. Lentement. Comme s’il prenait son temps pour la goûter. Pour l’imprimer. Pour lui rappeler que tout ce qu’elle était… existait sous sa volonté. Puis il se recula. — Dors. Et il sortit, sans se retourner. Laissant derrière lui une Léna immobile. Silencieuse. Étouffée. Elle s’assit lentement au bord du lit. Ses mains tremblaient. Elle ne pleura pas. Elle n’en avait plus la force. Ce soir-là, elle comprit que l’humiliation n’était pas l’arme la plus cruelle. Non. Le plus terrible, c’était cette place qu’il lui avait donnée. Et qu’elle, lentement… avait commencé à accepter.La nuit était tombée, couvrant la villa d’un voile silencieux. Dans les couloirs, seul le frottement léger du vent contre les vitres osait rompre le calme. Mais dans le cœur d’Ilyes, c’était le chaos. Il n’avait pas quitté son bureau depuis l’après-midi, depuis le rêve, depuis la gifle silencieuse de la vérité. Son reflet, ses souvenirs, ses silences… Et cette question murmurée par Léna dans son sommeil : Pourquoi ? Il avait hésité à venir. Longuement. Mais maintenant, il devait lui parler. Il gravit les escaliers sans bruit. Arrivé devant la porte de sa chambre, il ne frappa pas tout de suite. Il posa simplement la paume sur le bois, comme si cela suffisait à capter ce qu’il ignorait encore. Puis, enfin, il entra. Léna était assise sur le lit, adossée aux oreillers. Un gilet sur les épaules. Le visage fatigué. Mais les yeux vifs. Elle le vit aussitôt, et son corps se raidit légèrement. Mais elle ne détourna pas les yeux. Pas cette fois. — Tu n’as p
Le lendemain matin, la maison baignait dans un silence étrange. Dalia s’affairait dans la cuisine. Les volets étaient entrouverts, laissant passer une lumière pâle. On aurait dit que la maison elle-même retenait son souffle. Léna s’était réveillée plus tôt. Elle n’avait presque pas dormi. Les images de la nuit, son cauchemar… ou ses souvenirs, ne l’avaient pas quittée. Elle avait descendu les escaliers sans bruit, croisé Dalia sans parler, et était allée s’installer dans un coin du salon, avec un livre ouvert sur les genoux qu’elle ne lisait pas. Ilyes, lui, était resté absent. Pas une parole. Pas un regard. Comme si l’épisode de la veille son geste tendre, puis son rejet l’avait glacé jusqu’à la moelle. Vers 11 h, Dalia lui signala qu’il était dans son bureau depuis tôt le matin. — Il n’a pas pris de petit-déjeuner, dit-elle doucement à Léna. — Et il a l’air… tendu. Plus que d’habitude. — Laisse-le, répondit-elle sans le regarder. — Il fait toujours ça quand
Silvia recula, le visage rouge de honte. Puis, sans un mot, elle tourna les talons et sortit. La porte se referma dans un grincement long. Le silence qui suivit fut lourd, étouffant. Le père de Ilyes se leva enfin, un soupir dans la gorge. — Il fallait que ça éclate, un jour ou l’autre. Sa mère, elle, croisa les bras. — Une gifle publique… Bravo, Ilyes. Tu n’as plus qu’à te faire oublier pendant quelques semaines. La presse va se régaler. Il se tourna vers elle, droit, le visage dur. — Qu’ils se régalent. Moi, je vais enfin vivre. Puis il revint près de Léna. Elle était toujours assise, les mains sur son ventre, silencieuse. Il s’agenouilla lentement devant elle, baissant les yeux. Pas un geste de pitié. Juste… une présence. — Tu mérites mieux que tout ça, murmura-t-il. — Mais je suis là. Et je ne bougerai plus. Elle mit longtemps avant de répondre. Et sa voix, quand elle sortit, fut à peine un souffle : — Alors… prouve-le. Le trajet du retour fut
La table était dressée avec une précision militaire. Nappe ivoire. Argenterie alignée. Chandeliers allumés malgré la lumière encore vive du jour. Le domaine des Blackwood déployait toute sa froide majesté. Léna s’était assise, droite, dans la robe noire que la mère de Ilyes lui avait fait livrer plus tôt Pas trop voyante. Pas trop sobre non plus. Assez pour ne pas faire honte. Mais chaque pli du tissu sur sa peau lui rappelait qu’elle n’était pas chez elle. Et surtout, qu’elle n’était pas la bienvenue. En face d’elle, la mère de Ilyes élégante, glaciale, les yeux vifs d’une femme habituée à contrôler découpait son saumon avec une grâce mécanique. Le père, lui, gardait le silence, le regard plus tendre, presque inquiet. Seul Ilyes semblait détendu. Mais Léna le connaissait maintenant. Trop bien. Ce calme n’était qu’un masque. Une armure. — Alors, dit enfin la mère, en posant sa fourchette, vous êtes donc… la mère porteuse. Le mot tomba comme une pierre dans
Les pas résonnaient dans le vaste couloir marbré. Petits. Précipités. Étouffés. Ilyes courait. Pieds nus. Le pyjama trop grand glissait de ses épaules. Il avait à peine six ans, et pourtant, il savait déjà ce que signifiait fuir. Dans la grande maison froide, chaque recoin résonnait d’échos secs et tranchants : les voix de ses parents, les disputes, les insultes, le bruit des verres brisés, et parfois… le silence encore plus glaçant. Ce soir-là, il s’était réfugié derrière le grand rideau du salon, serrant contre lui une vieille peluche sans yeux. Son cœur battait fort. Il savait que s’il faisait un bruit, s’il éternuait, ou même si le rideau bougeait… son père le trouverait. Et alors… ce serait encore les gifles, les hurlements, les menaces. Ou pire : l’indifférence glacée de sa mère. — Tu es faible, Ilyes. Tu pleures pour rien. Tu veux quoi ? De l’amour ? On ne t’a pas conçu pour être aimé. Tu es un héritier, un nom, un devoir. Tu n’as pas besoin d’être consol
Le grondement des pneus sur le gravier se fit entendre à travers les vitres de la chambre.Léna, allongée sur le lit, sentit une tension glacée remonter le long de sa colonne vertébrale.Ce n’était pas l’heure du retour d’Ilyes. Et ce n’était pas le bruit de sa voiture.Elle se redressa lentement et se dirigea vers la fenêtre.Une silhouette féminine, mince, élégante, perchée sur des talons aiguilles, descendait d’un SUV noir.Silvia.Léna eut un frisson.Elle regarda autour d’elle, se demanda si elle devait se cacher, prévenir Dalia, ou simplement… attendre.Mais elle n’eut pas le temps de réagir.Déjà, Silvia avait poussé la porte principale et pénétré dans la maison comme si elle en était toujours la maîtresse.— Ilyes ?! appela-t-elle d’une voix forte et tranchante.Léna recula de quelques pas.Elle savait que Silvia n’ignorait pas sa présence. Elle le sentait.Et l’idée d’un affrontement lui donnait la nausée.Elle ferma la porte de sa chambre, verrouilla doucement. Puis ell