MasukLa porte se referme derrière lui, et le silence de la salle 7 est presque assourdissant.
Je reste immobile, incapable de bouger tout de suite. Mon cœur bat trop vite, mon souffle est court. Je sens encore la trace de sa présence, la chaleur d’un espace qu’il a occupé, et l’écho de ses mots qui résonne dans ma tête : « Ou plus, si vous l’osez. » Je m’assois lentement, le dossier encore sous les mains, comme pour me raccrocher à quelque chose de tangible. Mais rien n’est tangible, vraiment. Rien sauf ce tourbillon dans mon ventre et ce sentiment inconfortable mais… excitant. Je respire profondément, mais mes pensées refusent de se calmer. Pourquoi est-ce que je ressens ça ? Pourquoi est-ce qu’il a ce pouvoir de me déstabiliser en deux phrases ? Pourquoi est-ce que je veux relever ce défi même si je sais qu’il est dangereux ? Je secoue la tête, frustrée par moi-même. Je devrais être en train de rationaliser. Je devrais me dire : « C’est juste un client. C’est juste du travail. » Mais c’est impossible. Pas avec lui. Mon téléphone vibre. Un message de Mathilde : « Alors ?! Raconte tout, je veux savoir si tu vas survivre à cette salle 7 😱 » Je souris malgré moi. Je tape rapidement : « Je… je ne sais pas. C’est… intense. » Elle répond instantanément : « LOL. Intense ? Tu veux dire dangereux sexy ? 🤯 » Je lève les yeux au ciel. Oui, elle est insupportable. Et oui, elle a raison. Je ferme les yeux, me laissant retomber sur la chaise. Je pense à ce qu’il m’a dit : « Vous aimez sentir que tout peut basculer si vous allez un peu plus loin. » C’est exactement ça. Et c’est effrayant, mais je ne peux pas m’arrêter de le reconnaître. Je repense à chaque détail : la façon dont il s’est approché d’un pas, son sourire, sa voix qui descend légèrement quand il parle, ce mélange de sérieux et de provocation… Et moi, coincée entre irritation et fascination, me demandant comment j’ai pu être à la fois si lucide et si vulnérable. Je passe une main dans mes cheveux, essayant de reprendre le contrôle. Je dois me concentrer sur le projet. Le projet. C’est pour ça que je suis ici. Pas pour… pour ça. Pourtant, je sens que ce n’est pas seulement une question de travail. C’est un jeu. Un défi. Une sorte de duel silencieux où aucune règle n’est écrite mais où chacun teste l’autre. Et je sais déjà que je vais perdre quelque chose en jouant… ou peut-être que je vais découvrir quelque chose sur moi que je n’avais jamais osé explorer. Je me lève, prend le dossier et le serre contre moi. Je me fais la promesse que demain, je reviendrai dans cette salle, plus audacieuse. Plus inventive. Plus moi-même. Mais, surtout, je me fais la promesse que je ne vais pas me laisser séduire. Pas maintenant. Pas encore. Je quitte la salle 7, le cœur toujours battant, les jambes légèrement tremblantes, et je sens que, dès ce moment, ce projet n’a rien de normal. Ce n’est plus juste un projet professionnel. C’est un terrain de jeu… Et Gabriel vient de poser les règles. Je ne sais pas qui va gagner à ce jeu. Mais je sais une chose : je ne vais pas me laisser faire. Pas totalement. Et quelque part, je sens que c’est exactement ce qui rend tout ça… irrésistible. Je suis assise devant mon écran depuis ce qui me semble être des heures. Chaque phrase, chaque paragraphe, chaque mot est un équilibre fragile entre ce que je sais être professionnel et ce que Gabriel attend… ce que je n’oserais jamais montrer. Le curseur clignote. Je ferme les yeux. Liberté totale, Léa. Même inconfortable. Je répète ses mots dans ma tête, comme un mantra. Comme si, en les répétant, je pouvais me convaincre que je ne vais pas flancher. Finalement, je tape les dernières lignes. Je relis une dernière fois. Je sens mes mains trembler légèrement. Pas d’erreur possible. Pas de demi-mesure. Je clique sur “Envoyer”. Le souffle retenu, je regarde la barre de progression… envoyé. Silence. Vide. Et puis… mon téléphone vibre presque immédiatement. Mon cœur rate un battement. C’est lui. Objet : Vous l’avez fait. Je clique machinalement. Le message est court, simple… et dévastateur. Léa, Enfin. C’est exactement ce que j’attendais. Pas la version sage. Pas celle que vous auriez montrée à votre directeur. La VRAIE. Brillante. Audacieuse. Vraiment vous. Rendez-vous salle 7 dans 30 minutes. — Gabriel Mon souffle s’accélère. Je ferme les yeux. — Ok, Léa. Tu peux le faire. C’est juste… une réunion. Une réunion normale. Mais évidemment, rien n’est normal avec lui. Chaque pas vers la salle 7 me paraît lourd, électrique, chargé de tension. Le couloir s’allonge à l’infini. Mon cœur bat trop vite. Et je sens chaque muscle de mon corps alerte, prête à ce qui m’attend. J’entre. Gabriel est là. Debout. Droit. Imposant. Concentré. Le dossier devant lui. Les bras croisés. Les yeux fixés sur moi comme s’il pouvait lire chaque pensée que j’ai eue depuis hier. — Vous êtes arrivée à temps, dit-il. Il ne sourit pas… pas encore. — Montrez-moi ce que vous avez fait. Je pose le dossier sur la table. — Voici… ma version développée, dis-je, en essayant de rester neutre. Il prend les pages et parcourt rapidement le document. Chaque seconde est une torture et une fascination en même temps. Son regard, son silence… tout me fait trembler de l’intérieur. Puis il relève les yeux. — C’est… audacieux. Il marque une pause, ses yeux brillant d’intérêt. — Brutalement honnête. Et je l’adore. Je ne peux m’empêcher de sourire, malgré moi. — Merci. Je baisse légèrement les yeux, incapable de soutenir toute cette intensité. Il se penche légèrement vers moi. — Vous avez osé. — Exactement ce que je voulais. Sa voix est calme, maîtrisée, mais chaque mot pèse lourdement. — Et c’est exactement ce que je voulais voir de vous. Je sens mes joues chauffer. — Donc… c’est acceptable ? Il sourit enfin, lentement, pleinement cette fois. — Plus que ça. C’est parfait. — Et maintenant… ? Je pose la question, consciente que ma voix trahit l’excitation que je n’ai pas envie d’admettre. — Maintenant, dit-il, il faut pousser encore plus loin. — Toujours plus loin ? — Toujours. C’est le principe. Je fronce les sourcils. — Même si ça devient inconfortable ? — Exactement. Il recule d’un pas, me laissant respirer. — Mais vous êtes capable. Je sais que vous êtes capable. Je reste là, le regard accroché au sien, mélange de défi et d’admiration. Je sais que ce projet n’est plus seulement professionnel. C’est un duel silencieux… et émotionnel. Et pour la première fois, je ne suis pas totalement effrayée. Je sais que je veux relever ce défi. Je prends une profonde inspiration. — Très bien. Alors je relève le défi. Il sourit. Ce sourire qui vous fait perdre le contrôle et vous donne envie de courir droit dans l’inconnu. — Mais… avertissement amical, dis-je avec un léger sourire en coin. — Je ne me laisserai pas séduire. Pas maintenant. Pas par vous. Il m’observe un long instant. Puis dit calmement, presque amusé : — On verra, Léa. On verra. Je me redresse, consciente que ce simple on verra n’est pas seulement une phrase. C’est un commencement. Et je sais déjà que ce jeu… ne fait que commencer.Je termine ma journée plus tôt que prévu.Mon chef m’a félicitée, les yeux brillants.— Léa, c’est un excellent travail. Je suis fier de vous.Je souris, mécaniquement. Je le remercie. Je ne ressens rien.Tout en moi est tendu ailleurs, vers quelqu’un d’autre.Avant qu’il ne me pose trop de questions, je lâche :— J’aimerais poser mes vacances.— Tout de suite ?— Oui. Trois semaines.Il me regarde un instant, perplexe, mais il ne discute pas.— Accordé. Prenez soin de vous.J’aurais voulu lui répondre.J’aurais voulu être capable de sourire.Mais je ne suis plus vraiment là.Je quitte le bâtiment, et la pluie me cueille presque immédiatement, froide, insistante.Je ne prends pas mon parapluie.Je veux sentir quelque chose.Je veux que la pluie frappe assez fort pour me rappeler que je suis vivante.Mes pas m’entraînent sans que j’y réfléchisse.Je marche longtemps.Je respire mal.Mon cœur bat trop vite.Et soudain, je m’arrête.Devant moi :L’hôpital où Gabriel est suivi.Je ne me s
Quatre semaines. Quatre longues semaines.C’est fou comme le temps peut à la fois courir et se figer.Quatre semaines depuis que j’ai coupé les ponts.Quatre semaines sans son regard, sans sa voix, sans sa présence brûlante qui semblait remplir la pièce avant même qu’il n’entre.Quatre semaines de silence. De vide. De routine.Mes journées sont redevenues normales.Métro, boulot, dodo.Des journées sans surprise, sans tension, sans danger. Des journées que je croyais vouloir.Personne ne parle plus de lui au bureau.Plus de rumeurs. Plus de messages.Plus de tension flottante autour de son nom.Comme si Gabriel avait glissé hors de notre monde.Mais il est toujours là, quelque part.Je le sais, parce que le contrat avec sa société n’a pas été rompu.Une partie de moi en a été soulagée, une autre déçue – celle qui espérait une vraie coupure nette, pour pouvoir guérir.Chaque matin, je viens, je travaille.J’essaie de ne plus penser à lui.Et parfois, le soir, quand je m’endors, son reg
Je marche vite.Trop vite.Comme si courir pouvait m’empêcher de penser.Comme si le vent, le bruit de la rue, les klaxons, les pas des passants pouvaient recouvrir la voix de Marielle qui tourne encore dans ma tête.« Gabriel est marié. »« Gabriel ne fait rien sans raison. »« Il vous choisit. Il brise. »« Je ne le souhaite à personne. »Les phrases me martèlent le crâne comme des coups de poing.Je ne sais même plus où je vais.Je ne vois plus rien autour de moi.Je passe un carrefour sans regarder, frôlée par une voiture.Je n’entends même pas le klaxon.J’ai besoin d’air.J’ai besoin de distance.J’ai besoin de sortir de ce cercle qui tourne autour de Gabriel comme s’il absorbait tout.Je reviens au bureau par une entrée secondaire, les jambes tremblantes, et je me dirige directement vers mon open space.Je ne veux pas repasser par son bureau.Je ne veux pas risquer de le croiser.Je ne veux pas sentir son regard sur moi, pas maintenant.Mais évidemment, dès que j’entre dans l’é
Le téléphone de Gabriel vibre.Juste une vibration.Une seule.Un son banal, presque insignifiant.Mais l’effet sur lui…c’est un séisme.Je le vois se figer, comme si le sol se dérobait sous ses pieds.Ses yeux glissent sur l’écran.En une fraction de seconde, le sang quitte son visage.Il pâlit, littéralement.Je n’ai jamais vu ça.Même dans nos moments les plus tendus, les plus brûlants, Gabriel ne perd jamais sa contenance.Là…c’est différent.C’est brutal.Comme si quelqu’un venait de lui arracher le souffle.— Gabriel ? murmuré-je.Il ne répond pas.Il ne lève même pas les yeux vers moi.Il ne voit plus rien autour de lui.Il est ailleurs.Très loin.Plongé dans un vide que je ne comprends pas.Il serre son téléphone, dur, trop fort, comme s’il avait besoin d’un point d’ancrage pour ne pas s’écrouler.Je n’insiste pas.Je sens que quelque chose vient de changer.Quelque chose de grave.Quelque chose qui n’a rien à voir avec moi…et pourtant tout à voir.Je recule d’un pas.Il n
Son souffle glisse contre ma bouche.Je sens sa chaleur, son hésitation, sa chute imminente.Nous sommes suspendus dans un espace minuscule, fragile, dangereux.Un demi-centimètre. Une seconde. Un choix.Et c’est à ce moment précis —celui où tout aurait pu basculer —que la porte s’ouvre.Brutalement.Gabriel se fige comme si on venait de l’asperger d’eau glacée.Son visage change en un éclair. Il recule d’un pas sec, presque coupant.Je sens mes poumons brûler. Je n’arrive plus à respirer.L’air se fracasse entre nous.Et puis je la vois.Elle.Une femme magnifique, élégante, tenace.Le genre de beauté qui ne se contente pas d’être vue : elle s’impose.Sculpturale, habillée d’un manteau long, sombre, luxueux, comme sortie d’un magazine.Ses cheveux doux et brillants tombent sur ses épaules avec cette perfection qui ne doit rien au hasard.Ses yeux glissent sur Gabriel.Puis sur moi.Et en une fraction de seconde, elle comprend quelque chose.Pas ce qui se passait — elle n’a pas eu l
Je reste devant lui, incapable de bouger.On dirait que l’air s’est épaissi autour de nous, comme si la pièce retenait son souffle autant que moi.Ses yeux plongent dans les miens, cherchant… je ne sais quoi.Une raison de résister peut-être.Ou une excuse pour ne plus le faire.— Gabriel… murmuré-je sans m’en rendre compte.Son prénom glisse entre mes lèvres comme s’il avait toujours été là, juste en attente d’être prononcé.Il frissonne.Est-ce que j’hallucine ou est-ce qu’il a vraiment frissonné ?Il ferme les yeux une seconde, très lentement, comme un homme au bord d’un précipice.Quand il les ouvre, je vois une faille.Infime.Mais réelle.— Ne dites pas mon prénom comme ça, souffle-t-il.— Comme quoi ?Sa respiration se coupe.Il avale difficilement sa salive.— Comme si vous alliez me faire perdre le contrôle.Je sens un frisson électrique me parcourir.— Peut-être que c’est déjà le cas.Il laisse échapper un souffle qui ressemble à un rire nerveux.— Vous n’imaginez pas.Il av







