Un mois s’étaient écoulés depuis la clôture du projet M-Vector. Un mois durant lesquels Emilia Carter avait su trouver sa place au sein des sphères les plus stratégiques d’EverCore et travaillait désormais directement sous la supervision de Julian Vale et Ethan Cross. Elle avait parfaitement rempli la mission initiale que ses commanditaires lui avaient confiée : récupérer des données internes sur M-Vector et identifier les failles juridiques potentielles dans les contrats satellites du projet. Son rapport leur avait été transmis, soigneusement encrypté, comme convenu. Depuis, pourtant, silence radio. Aucune nouvelle directive, aucune instruction supplémentaire. Juste le rapport quotidien qu’elle devait faire parvenir, au sujet de sa relation avec les cibles. En attendant, la vie quotidienne à EverCore continuait. Et malgré ses efforts pour maintenir le contrôle, Céleste sentait bien que la frontière entre sa couverture et sa réalité intérieure devenait de plus en plus ténue. Ce s
Le bureau de conférence était baigné d’une lumière diffuse, filtrée par les stores automatiques qui laissaient deviner les grandes baies vitrées du siège d’EverCore. Emilia attendait seule depuis quelques minutes, ses dossiers soigneusement alignés devant elle. Aujourd’hui, la réunion de clôture du projet M-Vector devait se tenir sans Julian, parti à l’étranger pour finaliser une importante acquisition. C’est Ethan Cross qui présiderait la séance. Elle sentait la tension s’accumuler dans sa nuque. Pas à cause du projet, qu’elle maîtrisait désormais parfaitement. Mais à cause de l’autre convive attendu : Lucien Brémaud. La porte s’ouvrit sur Ethan, ponctuel comme toujours. — Bonjour, Emilia. Merci d’être aussi réactive, lança-t-il avec son sourire d’habitude charmant, bien que calculé. — Bonjour, monsieur Cross. C’est un plaisir. — Oh, épargnez-moi les formules, plaisanta-t-il en prenant place à l’autre bout de la table. Vous savez déjà que tout le monde est très satisfait de vot
Le cliquetis rapide des claviers résonnait dans la salle de contrôle du département IT, là où l’atmosphère s’était soudainement chargée d’une tension inhabituelle. Julian franchit les portes vitrées sans attendre, immédiatement accueilli par les responsables techniques, nerveux, qui lui exposèrent la situation. — Une tentative d’intrusion sur l’un des serveurs secondaires de M-Vector, expliqua sèchement l’ingénieur principal. L’attaque a été stoppée à temps, mais on s’assure qu’aucune donnée n’a été compromise. Julian écoutait sans broncher, le regard fixé sur l’écran principal affichant des lignes de code défilant à vive allure. Ce genre de situation, bien que mineure en apparence, pouvait se transformer en désastre stratégique si elle était mal gérée. Au milieu de l’agitation, il remarqua Emilia, droite et concentrée près des analystes, échangeant calmement avec le chef d’équipe. Elle n’avait visiblement pas paniqué. Au contraire. Sa posture tranchait avec la fébrilité générale
Le crépitement discret du serveur distant s’affichait en lignes de codes sur l’écran d’Émilia. Les heures défilaient, rythmées par le cliquetis régulier de ses doigts sur le clavier, tandis qu’elle peaufinait les derniers éléments de son rapport. Mais en réalité, ce n’était pas uniquement le rapport qu’elle peaufinait. Depuis quelques jours, elle avait commencé à exécuter les instructions de ses commanditaires.Le plan s’était enclenché juste après son premier échange avec Julian et l’intégration officielle à l’équipe d’analyse avancée. L’accès qu’on venait de lui ouvrir lui permettait de poser ses premiers jalons : discrètement, presque innocemment, elle répertoriait les structures de dossiers du projet M-Vector, identifiait les serveurs rattachés, notait les adresses internes des répertoires sensibles. Rien d’illégal en apparence ; seulement de la préparation.Elle avait débuté par analyser les rapports de conformité financière. Ensuite, elle avait cartographié les croisements jurid
Quelques semaines s’étaient écoulées depuis qu’Emilia avait intégré l’équipe chargée de M-Vector. Les échanges réguliers avec Lucien Brémaud s’étaient installés dans une routine professionnelle maîtrisée. Malgré les souvenirs douloureux qu’il réveillait en elle, Céleste parvenait à maintenir une distance convenable. Mais elle savait qu’à chaque pas, le terrain devenait plus instable. Plus elle avançait, plus le gouffre se creusait sous ses pieds. Ce matin-là, une nouvelle convocation tomba. Sobre. Officielle. « Rencontre de suivi — Monsieur Vale souhaite échanger personnellement. » Son cœur battit un peu plus vite. Jusqu’ici, Julian s’était montré présent, attentif, mais toujours à travers le prisme des réunions collectives ou de validations ponctuelles. Cette fois, c’était différent. Un tête-à-tête formel. Elle inspira profondément en montant dans l’ascenseur de verre. Les étages défilaient, lentement, inexorablement. À chaque niveau, la tension montait, oppressante. Une frontièr
Le lendemain, dès l’aube, Emilia s’était plongée dans les documents que Lucien lui avait transmis après la réunion. Des centaines de pages de contrats, de projections financières et de schémas industriels détaillant chaque rouage du projet M-Vector. Derrière la complexité des chiffres, elle cherchait ce qu’on attendait d’elle : les failles. Mais quelque chose clochait. Tout semblait… trop parfait. La porte de son bureau s’ouvrit légèrement. Daniel passa la tête, son éternel sourire aux lèvres. — Salut Emilia. Lucien te demande dans la salle 17-C. Il veut qu’on revoie ensemble la planification opérationnelle. Elle acquiesça avec un sourire poli. — Merci, j’arrive. Tout en rassemblant ses dossiers, elle sentit à nouveau ce pincement désagréable au creux de l’estomac. Depuis leur première rencontre, Lucien Brémaud exerçait sur elle une pression sourde, difficile à définir. Pas de la méfiance explicite, non… Plutôt un sentiment diffus d’être observée avec un œil d’une acuité inqui