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Chapitre 6

Author: P. A. Lance
last update Last Updated: 2025-04-26 13:57:51

Le silence de son appartement pesait lourdement sur ses épaules.

Céleste fixa l’écran de son téléphone, relisant pour la troisième fois le dernier message qu’elle avait reçu.

“Tu n’as toujours rien ? Ce n’est pas ce qu’on attendait de toi.”

Elle resserra ses doigts autour du téléphone, une pointe d’irritation lui nouant la gorge.

Que croyaient-ils, exactement ? Qu’elle pouvait marcher dans le bureau d’Ethan Cross et lui arracher des informations comme si c’était un simple employé lambda ?

Ils ne comprenaient pas.

EverCore n’était pas une entreprise ordinaire. C’était une forteresse. Chaque poste était minutieusement structuré, chaque employé surveillé, chaque interaction scrutée. Approcher Ethan relevait de l’exploit.

Depuis son arrivée, elle l’avait observé de loin, cherchant le moment idéal pour établir un contact. Mais l’homme était un mur infranchissable.

Toujours en réunion. Toujours entouré. Toujours ailleurs.

Elle avait tenté des approches indirectes, essayé de capter son regard lorsqu’il traversait les couloirs, s’était assurée d’être dans son champ de vision lors des réunions générales du département… Rien.

Si elle se montrait trop insistante, elle risquait de paraître suspecte.

Mais ses commanditaires ne voulaient pas entendre d’excuses.

23h42.

Un nouveau message.

“Alors trouve une autre approche. Mais avance.”

Céleste ferma les yeux, prenant une inspiration tremblante.

Une autre approche…

Son regard se porta sur les notes qu’elle avait griffonnées dans son carnet, un résumé des différents cadres influents d’EverCore.

Puis son attention se fixa sur un nom.

Eleanor Vale.

Le matin avait débuté dans une cacophonie familière d’emails en attente, de notifications incessantes, et de rapports à envoyer. L’odeur du café frais dans la cafétéria d’EverCore avait momentanément apaisé l’anxiété qui la rongeait depuis son arrivée. Céleste prit une gorgée de son café noir en scrutant la pièce. Autour d’elle, les employés semblaient plongés dans leurs conversations.

Elle allait s’installer près d’une fenêtre, quand soudain, une malheureuse série d’événements eut lieu. En se dirigeant vers une table, elle sentit un insecte voler autour et en essayant de se débarrasser de l’envahisseur, elle renversa son café chaud… directement sur la chemise d’une personne qui passait trop près.

Un cri de surprise échappa à Céleste, avant qu’elle n’élance un regard plein de confusion et de gêne. Elle se précipita vers la personne qu’elle venait d’arroser accidentellement.

— Oh non, je suis tellement désolée ! s’exclama-t-elle, les mains tremblantes.

La jeune femme qui venait de se faire asperger leva les yeux de manière nonchalante, son expression marquée par une légère surprise mais surtout une certaine nonchalance.

— Ça va, je vais m’en sortir. Elle observa la tache sur sa chemise et lâcha un petit soupir, comme si un dérapage de plus dans cette journée n’allait pas faire une grande différence.

Céleste se sentit encore plus gênée, ses mots trébuchant sur ses lèvres.

— Vraiment, je suis tellement désolée. Vous travaillez ici, non ?

La femme, avec un léger sourire, haussa les épaules, visiblement peu perturbée.

— Je suis sûre que ce n’est pas la première fois. Elle observa brièvement l’uniforme de Céleste, un peu trop soigné pour être une employée de longue date, mais assez conventionnel pour passer inaperçu. Tu dois être la nouvelle assistante de Cross ?

Céleste sentit une bouffée de chaleur lui monter aux joues. Eleanor Vale. La sœur de Julian Vale.

— C’est bien ça. Je m’appelle Emilia. Emilia Carter. Je tiens à vous présenter mes sincères excuses Mademoiselle Vale.

Un regard amusé traversa le visage d’Eleanor.

— Ne t’inquiète pas, ce n’est pas la fin du monde. Il était déjà hors de saison de toute façon. J’en achèterais un autre, dit Eleanor toute sourire.

Elle lui fit un sourire complice. Céleste en profita pour balayer la pièce, s’assurant qu’il n’y avait personne d’autre de trop proche avant de répondre. Elle n’était pas totalement à l’aise, mais il y avait quelque chose dans la manière détendue d’Eleanor qui la poussait à briser la glace.

— Je vous en suis reconnaissante, je pensais que j’allais perdre mon job, dit-t-elle, son ton volontairement léger, presque innocent.

— Mais non voyons, et de toute façon ce n’est un secret pour personne ici que ce genre de décision ne m’appartient pas, dit-Elle en abhorrant un sourire amicale.

Céleste haussait un sourcil, curieuse. Un peu plus tôt, elle avait entendu des rumeurs sur Eleanor : elle n’était pas directement impliquée dans la gestion quotidienne de l’entreprise, mais elle restait très présente.

— Vous êtes quand même la sœur du grand patron à ce que je sache donc il va de soit que vous ayez le respect qui va avec, Céleste laissa son ton insinuer une certaine admiration, sans trop en faire.

Eleanor haussait les épaules avec désinvolture. Elle regarda Céleste, la jaugeant avec une certaine lueur dans les yeux.

— Personnellement, je préfère les conversations un peu plus… informelles.

Céleste sourit, prenant le risque d’aller plus loin.

— Vous ne trouvez pas que ça crée des problèmes ? demanda-t-elle en haussant un peu la voix, feignant l’ignorance.

Eleanor le remarqua et pencha légèrement la tête.

— Et toi, tu veux déjà me donner des conseils sur la manière de me comporter en entreprise ? Je pourrais le prendre mal.

Céleste rit nerveusement, se rendant compte de sa maladresse.

— Non, bien sûr que non ! C’était juste… je veux dire, parfois, j’ai l’impression que tout est tellement… strict ici.

Bingo. Eleanor la regarda longuement avant de lâcher un petit rire.

— Ah. Mais tu sais, être une Vale a ses avantages. Elle laissa échapper un soupir comme si tout le poids de son nom lui pesait soudainement. Je n’ai jamais eu à supporter la pression d’être constamment dans les règles ici. Ça ne doit pas être facile.

Céleste n’avait pas prévu que la conversation prenne cette direction, mais elle s’empressa de jouer sa carte.

— Je peux pas dire la même chose.

Eleanor sembla réfléchir un instant, puis reprit d’un ton plus léger.

— Tu sais quoi, Emilia ? Je pense que je t’aime bien. Elle lui offrit un sourire en coin, celui d’une personne qui semblait s’amuser de la situation. Ne me renverse pas ton café la prochaine fois.

Céleste sentit son cœur s’accélérer. Elle avait fait un pas.

— Je ferai de mon mieux, promis.

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