Le message s’était affiché à l’aube, net et glaçant, sur l’écran sécurisé de son téléphone. Céleste était encore allongée dans son lit, les yeux ouverts depuis un moment déjà. Elle ne dormait plus vraiment, ces derniers jours.« Ton silence au moment de notre opération était éloquent. Tu t’en es sortie avec calme. C’est exactement ce qu’on attendait de toi. L’effet produit sur Vale est déjà visible. Continue de capitaliser sur ce lien. Nous sommes satisfaits. »Aucune signature. Aucun ton personnel. Juste cette impression de surveillance constante, de mains invisibles posées sur ses épaules.Elle verrouilla l’écran, mais les mots, eux, restèrent gravés. Elle resta un instant immobile, fixant le plafond, la gorge sèche. Le cœur battant à un rythme maîtrisé. L’attaque sur Orion n’était qu’une première frappe. L’ouverture.Et elle ? Elle avait exécuté sa partition sans même être prévenue. Comme une pièce qu’on déplace sur l’échiquier, sans explication.Elle se leva d’un mouvement lent. P
Le bureau de Julian était baigné dans cette lumière tamisée qu’elle lui connaissait, douce mais impénétrable. En franchissant la porte, Emilia eut l’impression d’entrer dans une pièce suspendue hors du temps, loin de l’agitation des étages où l’affaire Orion avait semé un vent de panique. Julian était là, debout devant la baie vitrée. Il ne se retourna pas immédiatement à son entrée, mais son ton, calme, suffit à l’accueillir. — Entre. Elle referma la porte sans bruit. Son cœur battait à un rythme qu’elle ne parvenait plus à contrôler, mêlant le trouble, la colère — et quelque chose d’autre qu’elle refusait de nommer. Il se tourna lentement vers elle, les mains dans les poches. Il avait l’air plus fatigué qu’à l’accoutumée. Pas abattu, non, mais tendu. Concentré. — Merci d’être venue. Elle hocha la tête, resta debout quelques secondes, avant qu’il ne lui désigne le fauteuil devant son bureau. — Assieds-toi. Elle s’exécuta. Lui aussi s’assit, sans la barrière de son b
La vapeur s’élevait paresseusement de sa tasse, formant de petits tourbillons avant de disparaître dans la lumière douce du matin. Assise à la table de sa cuisine, Emilia savourait ce moment de calme, les yeux perdus dans le mouvement lent des stores qui filtraient l’aurore. L’odeur du café et le silence composaient une scène presque irréelle. Elle effleura l’écran de son téléphone. Toujours pas de message de Julian, ni de ses commanditaires. Elle haussa les épaules, vaguement déçue. Depuis leur dîner, un certain rythme s’était installé : un échange de messages le soir, une phrase tendre ou complice. Mais hier soir, rien. Et ce matin, toujours ce silence — presque trop épais pour ne pas cacher quelque chose. Le vibreur de son téléphone la fit sursauter. « Réunion exceptionnelle à 8h30. Salle 3. Daniel H. » Une chaleur discrète monta dans sa nuque. Elle consulta aussitôt ses canaux privés, masqués, chiffrés. Rien. Aucun message. Aucun signal. Les commanditaires n’avaient rien ann
La brise du soir glissait entre les palmiers du jardin, soulevant les pans légers des rideaux ouverts sur la piscine d’Ethan. L’eau, paisible, captait les derniers reflets dorés du soleil. Julian, un verre de citronnade à la main, était affalé dans un transat, les yeux fixés sur les vaguelettes subtiles à la surface.À sa gauche, Eleanor feuilletait un magazine d’un air distrait, ses longues jambes croisées, le visage à demi tourné vers la lumière. Aucun mot n’avait été échangé depuis plusieurs minutes, mais le silence n’avait rien d’inconfortable.— Tu es étrangement silencieux, ce soir, fit-elle finalement d’un ton léger.Julian haussa une épaule, un mince sourire effleurant ses lèvres.— Pour une fois, je me contente de profiter.Eleanor referma son magazine et le posa sur la table basse, curieuse.— Tu as l’air plus calme ces jours-ci. Moins sur la défensive. Moins… crispé.Il ne répondit pas tout de suite. Il pensait à Emilia. À son rire discret au café, à la tension dans ses épa
La pénombre douce de son appartement contrastait avec le tumulte de sa journée. Emilia s’était blottie dans le canapé, les genoux repliés contre sa poitrine, une tasse de thé encore fumante entre les mains. Les souvenirs de sa journée de la veille lui revenaient par vagues : le spa, le café chez Alice, ce sentiment fragile d’être simplement Celeste pendant quelques heures. Elle inspira profondément, tentant d’y trouver le calme, avant que le poids de sa mission lui pèse de nouveau sur les épaules. Son regard glissa sur son portable posé sur la table basse. L’écran noir reflétait son visage pâle, encadré par ce carré blond cendré qu’elle s’habituait à voir dans le miroir. Cette nouvelle coupe lui donnait une allure assurée, presque dure. Et pourtant, ce soir, son cœur restait obstinément lourd. Alice lui avait dit qu’elle méritait que les choses soient simples. Eleanor lui avait offert son amitié sans réserve. Julian lui avait montré un autre visage au dîner… un regard chargé d’un
Celeste ouvrit les yeux lentement, sans alarme ni urgence. Un silence inhabituel enveloppait la pièce, seulement troublé par le murmure lointain de la ville. C’était étrange d’avoir ce luxe : le temps. Depuis qu’elle était devenue « Emilia » aux yeux d’EverCore, sa vie n’était que course entre apparences et secrets. Mais aujourd’hui, ce rôle resterait au placard. Elle glissa une main dans ses cheveux blonds cendrés, récemment coupés au carré. Cette nouvelle coupe qu’elle avait adoptée depuis un moment déjà lui faisait office d’armure. C’était donc normal qu’elle en prenne soin. Celeste se leva pieds nus sur le parquet froid, passa à la petite cuisine pour se faire un café. L’arôme amer lui fit du bien. Elle le but en regardant par la fenêtre, attentive aux détails : le ciel gris laiteux, le feuillage doré dans la cour, le rire d’un enfant au loin. Pas de plan pour la journée. Juste une promesse intérieure : respirer. Après une douche chaude, elle enfila un pull doux, un jean clair