PÈRE
Je serre les billets entre mes doigts, le froid du papier glacé qui contraste avec la chaleur brûlante au fond de ma gorge. C’est la preuve que j’ai tenu parole, que j’ai fait ce qu’il fallait, aussi cruel que ce soit. Lola est vendue. Une marchandise désormais, un corps que je peux monnayer sans remords.
– Voilà ta part, je lance au type à l’air dur, mon regard croisant le sien, froid et méfiant. Je récupère mon dû, un poids en moins sur mes épaules, mais un fardeau qui ne s’allège jamais vraiment.
Il me répond par un rictus, un sourire cynique.
– T’as bien fait, elle fera son taf, crois-moi.
Les mots sont durs, mais ils résonnent avec la dure réalité que je tente d’imposer. Je ne peux plus revenir en arrière.
Je pense à Lola, enfermée quelque part dans ce labyrinthe d’ombres, perdue dans un monde qu’elle n’a jamais choisi. Pour moi, c’est un mal nécessaire. Elle doit apprendre, plier sous le poids de cette existence.
Je ferme les yeux un instant, cachant ce qui pourrait ressembler à une douleur. C’est fini.
LOLA
On me tire sans ménagement, comme un objet défectueux, à travers un couloir étroit où la lumière se fait rare. Une main ferme agrippe mon bras avec brutalité. Mes jambes tremblent, trahissant une peur qui serre chaque fibre de mon corps.
– Arrêtez… s’il vous plaît, laissez-moi… je supplie, ma voix à peine audible, brisée par l’angoisse.
Mais personne ne se retourne. Je ne suis qu’une ombre dans cet endroit oppressant.
Ils me poussent dans une chambre. L’air y est lourd, chargé d’une odeur entêtante de désinfectant mêlé à un parfum bon marché qui m’écœure. Une lumière crue éclaire la pièce, révélant un lit défait aux draps froissés et une vieille armoire bancale.
Une femme apparaît, un sourire faux, presque mécanique.
– Change-toi, dit-elle sèchement. Tu dois être plus… attirante.
Elle jette sur le lit un paquet de vêtements. Une robe noire moulante, légère, presque provocante. Mon cœur se serre.
Je tremble, incapable de refuser. Mon corps obéit, mais mon esprit hurle.
– Ce n’est pas toi, dit-elle, haussant les épaules. C’est juste pour attirer les clients, tu comprends ?
Je baisse la tête, la gorge serrée par l’humiliation. Lentement, douloureusement, je commence à me déshabiller. Chaque morceau de tissu que j’enlève emporte avec lui un morceau de mon âme.
La robe glisse sur ma peau claire, froide et étrangère. Je me vois dans un miroir branlant, et je ne reconnais pas cette fille qui me regarde. Elle est une façade, une poupée cassée dont on a brisé le fil.
PÈRE (loin, dans son coin, visage fermé)
J’ai mis du temps à en arriver là, à faire ce choix terrible. Mais c’était le seul chemin. Elle ne m’échappera pas, plus jamais.
Parfois, je me demande ce qu’elle ressent, enfermée là-bas, brisée, forcée à jouer ce rôle. Peut-être qu’au fond, ça me ronge aussi. Mais je n’ai pas le droit de le montrer. Je dois rester fort.
J’ai fait ce qu’il fallait. Pour elle. Pour moi.
LOLA
On ferme la porte derrière moi. Le claquement sec du verrou me paralyse. C’est une condamnation, un verdict sans appel.
Seule dans cette chambre froide et silencieuse, je m’effondre sur le lit. Les larmes roulent, inarrêtables, brûlant mes joues.
– Pourquoi… pourquoi moi ? Pourquoi celà m'arrive-t-il ?
Je n’ai plus la force de me battre. Plus de voix pour crier. Je suis devenue un corps sans âme, une ombre qui disparaît chaque nuit un peu plus.
Je fixe le plafond, espérant une échappatoire qui ne viendra pas.
Le monde continue de tourner, indifférent à ma chute.
MarcLa douche est un délice. L’eau chaude ruisselle sur ma peau, entraînant avec elle les dernières traces de sommeil et, étrangement, un reste de cette ivresse nocturne. Je ferme les yeux, laissant le flux régulier m’emplir d’une sensation de bien-être absolu. Chaque goutte sur mes épaules, sur mes bras, me rappelle la nuit passée : ses mains, ses lèvres, le frisson de ses doigts sur ma peau… J’esquisse un sourire, incapable de me détacher de ces souvenirs brûlants.Je savoure ce moment comme un luxe. Mon corps se tend, s’étire, et je me sens vivant à chaque mouvement. Les vapeurs de la salle de bain m’enveloppent, mais mon esprit s’échappe dans des souvenirs délicieux, un fil continu de désir et de chaleur qui ne faiblit pas.Sorti de la douche, je m’enroule dans une serviette et me dirige vers la commode. Je choisis un jean simple, un T-shirt qui épouse mes épaules, et pour la première fois depuis longtemps, je m’habille en souriant, léger, presque flottant. Puis, en fouillant mes
MarcJe dors à peine.Le sommeil n’est qu’une illusion fragile, traversée de réveils courts, de battements de cœur qui résonnent dans mes tempes, et de souvenirs encore brûlants sur ma peau. Chaque fois que je ferme les yeux, je sens de nouveau ses mains, sa chaleur, comme un écho qui refuse de s’éteindre.Elle est là, tout près, sa respiration lente effleurant mon épaule. Un souffle régulier, presque apaisant… mais incapable d’éteindre le tumulte qui me maintient éveillé.J’ouvre les yeux dans la pénombre, et le simple contour de son visage, dessiné par la lueur froide de la lune qui glisse à travers les rideaux, suffit à rallumer ce désir qui n’a jamais vraiment disparu depuis que je l’ai touchée.Mon corps décide avant ma raison.Je me tourne vers elle, avec une lenteur calculée, comme pour ne pas briser la bulle fragile qui nous entoure. Ma main glisse le long de son bras nu, caressant cette peau tiède qui me fait oublier tout le reste. Elle bouge à peine, mais un frisson léger tr
LolaLe matin filtre à travers les volets entrouverts, dessinant des lignes pâles sur le mur face à moi. Allongée, mon corps encore brûlant de la nuit passée, la peau marquée de ses caresses, je sens mon cœur tambouriner sous ma poitrine comme un animal apeuré.Je cligne des yeux, cherchant à chasser la confusion qui m’étreint. Ce n’était pas un rêve. Tout est là, chaque souffle, chaque frisson, chaque murmure gravé dans ma mémoire comme un tatouage indélébile.L’ampleur de ce que j’ai vécu s’abat sur moi comme une tempête. Ce premier abandon, ce don de moi que je n’aurais jamais cru possible.Un poids énorme écrase ma poitrine.La honte.Si forte qu’elle me noue la gorge, m’étouffe, me pousse à me cacher, à fuir.Mais sous cette honte, une flamme plus sombre s’allume : la colère.Une rage sourde, brûlante, qui serre mes poings, fait battre mes tempes à tout rompre.Pourquoi moi ? Pourquoi lui ? Pourquoi cette ville pourrie, pleine de regards cruels, de jugements qui me dévorent ?Et
MarcAprès plusieurs minutes à la caresser, à effleurer chaque parcelle de sa peau, à l’embrasser avec une passion tremblante, je sens que quelque chose de nouveau s’installe entre nous. Un lien fragile mais puissant, un souffle partagé, une promesse silencieuse.Je prends une profonde inspiration, le cœur battant à tout rompre. Tout mon corps est tendu, chaque muscle alerte, chaque pensée concentrée sur cet instant qui s’annonce comme un passage, un seuil à franchir.Je me penche vers elle, mes mains glissent lentement le long de ses hanches, hésitent un moment avant de s’aventurer un peu plus bas. Son corps se tend légèrement, puis se détend, m’accueillant sans réserve.Je sens son souffle, irrégulier, se mêler au mien. Ses yeux cherchent les miens, cherchant une confirmation, une permission. Je lui souris, essayant de lui transmettre toute ma douceur, toute ma vulnérabilité.Puis, avec une lenteur sacrée, je me place entre ses cuisses. Mon corps frissonne, un mélange d’appréhension
MarcLe silence pèse lourd dans la chambre. Je reste assis, figé, les mains crispées sur mes cuisses, le visage brûlant de honte. Pourtant, mes yeux ne peuvent s’empêcher de revenir vers elle, cette femme allongée sur le lit, à la fois fragile et forte, fatiguée mais magnétique.Je la regarde de plus près. Ses courbes sont harmonieuses, son corps semble dessiné pour inspirer le désir, pour offrir un refuge. Une douceur émane de son visage, malgré la dureté de son regard.Quelque chose d’irréel commence à se passer. Une sensation que je n’ai jamais connue depuis longtemps s’insinue en moi, timide d’abord, puis de plus en plus pressante. Une chaleur, une vie, un feu qui s’éveille dans mon corps.Je bande!!!!Pour la première fois de ma vie.Le choc me fige. Je n’ose pas y croire. C’est comme si cette chambre poussiéreuse, cette nuit imposée, cette femme inconnue avaient réveillé en moi une part oubliée, enterrée sous des années de honte et de silence.Je croise le regard de la femme. El
MARCJe sens l’air lourd dès que je pousse la porte. Une odeur mêlée de cigarette froide, de parfum bon marché et de renfermé me saute au visage. C’est un mélange toxique qui me serre la gorge et fait naître un goût amer sur ma langue. Mon cœur cogne, un rythme irrégulier, autant à cause de l’angoisse que de la honte qui m’étouffe.Lorent, mon ami d’enfance, m’a traîné ici sans vraiment me demander mon avis. Il ne comprend pas. Il ne peut pas comprendre. Ce genre d’endroit me donne la nausée. Je n’ai jamais eu l’habitude de franchir ces seuils où les hommes viennent chercher ce qu’ils n’osent pas demander ailleurs, ce qu’ils ne peuvent pas trouver dans un regard sincère ou dans la chaleur d’un vrai contact.– Allez, Marc, lâche-toi un peu, lance Lorent d’un ton qui se veut rassurant, mais qui sonne surtout comme un ordre. C’est juste une chambre. Une femme, une nuit. Tu verras, ça te fera du bien.Il ne sait pas que je me bats chaque jour contre une humiliation plus grande encore que