Mag-log inMARC
Je sens l’air lourd dès que je pousse la porte. Une odeur mêlée de cigarette froide, de parfum bon marché et de renfermé me saute au visage. C’est un mélange toxique qui me serre la gorge et fait naître un goût amer sur ma langue. Mon cœur cogne, un rythme irrégulier, autant à cause de l’angoisse que de la honte qui m’étouffe.
Lorent, mon ami d’enfance, m’a traîné ici sans vraiment me demander mon avis. Il ne comprend pas. Il ne peut pas comprendre. Ce genre d’endroit me donne la nausée. Je n’ai jamais eu l’habitude de franchir ces seuils où les hommes viennent chercher ce qu’ils n’osent pas demander ailleurs, ce qu’ils ne peuvent pas trouver dans un regard sincère ou dans la chaleur d’un vrai contact.
– Allez, Marc, lâche-toi un peu, lance Lorent d’un ton qui se veut rassurant, mais qui sonne surtout comme un ordre. C’est juste une chambre. Une femme, une nuit. Tu verras, ça te fera du bien.
Il ne sait pas que je me bats chaque jour contre une humiliation plus grande encore que celle de me trouver ici. Que malgré ma fortune, mes voyages, les meilleurs médecins que j’ai consultés, je ne bande pas. Je ne peux pas.
J’ai tout essayé. Des pilules, des traitements, des thérapies. Rien n’y fait. Quand le désir devrait m’embraser, mon corps reste froid, sourd à toute invitation. Je suis prisonnier de cette impuissance qui ronge mon âme plus que mes membres.
Je serre les dents, incapable de répondre. Comment lui dire que cette chambre, cette femme, ce monde ne m’appartiennent pas, que je me sens plus seul que jamais, que je porte en moi une honte qui m’étouffe ?
– Lorent, je t’ai dit que je ne veux pas. Je ne suis pas fait pour ça.
Mais il ne m’écoute pas. Il sourit, sûr de lui, comme si ma faiblesse était une simple caprice d’enfant. Puis il s’avance vers le comptoir, confiant.
– Réserve-moi ça, je m’occupe de lui.
Je suis balloté par la foule, poussé sans douceur. Mes pieds ne veulent pas avancer, mais mes jambes obéissent, trahissant ce que je ressens au plus profond de moi : une douleur sourde, un sentiment d’impuissance, un désespoir que je cache même à moi-même.
On m’ouvre la porte d’une chambre au décor défraîchi. Le lit est défait, les draps froissés. La lumière est tamisée, faiblarde, pourtant suffocante. Je m’assois sur le bord du lit, le dos droit, les mains crispées sur mes genoux.
Et puis elle est là.
Une femme, allongée sur le lit. Belle, malgré tout. Son visage fatigué cache une histoire que je devine sans vouloir y penser. Ses yeux croisent les miens un instant. Une défiance, une tristesse, une résignation que je reconnais, comme un écho à mon propre désarroi.
Je reste figé, incapable de bouger. L’air semble s’épaissir autour de moi, chargé de silence.
Lorent me pousse doucement vers elle.
– Allez, fais pas ton gamin. C’est juste pour te distraire .
Je ferme les yeux une seconde, tentant de rassembler ce qu’il me reste de courage. Mais le courage ne suffit pas. Le poids de cette impuissance physique est plus fort que tout.
– Je ne suis pas fait pour ça…
Ma voix tremble, trahissant ma peur, ma honte, ma solitude.
Lorent m’attrape le bras avec insistance.
– Fait l’effort, bordel. Tu vas voir, ça ira mieux après.
Je voudrais hurler que ça ne marche pas comme ça, que ce n’est pas une question de volonté. Que j’ai beau vouloir, mon corps refuse de me suivre. Que je me sens brisé, inutile, incapable d’aimer comme on devrait aimer.
Mais aucun son ne sort.
Je me laisse tomber sur le bord du lit, face à cette femme qui, sans un mot, m’invite à ne pas poser de questions. Son regard est dur, mais il y a une lueur d’humanité, de compassion peut-être. Ou simplement le reflet de sa propre prison.
Je pose mes mains sur mes cuisses, le visage brûlant de honte. Le silence devient étouffant.
Tout ce que je ressens, c’est ce poids immense d’une solitude inouïe, ce gouffre qui m’aspire, ce vide que personne ne peut combler.
Et le monde continue de tourner, indifférent à ma douleur.
MarcLe silence retombe comme une couverture lourde.Pas un silence vide.Un silence habité. Chargé de ce que nous venons de faire et surtout de ce que nous venons de comprendre.Je suis allongé sur le dos, le cœur encore affolé, et Lola est contre moi. Pas simplement lovée. Ancrée. Sa joue repose sur mon torse, exactement à l’endroit où mon cœur cogne encore trop fort, comme s’il voulait lui rappeler qu’il est là, qu’il bat pour de vrai. Sa jambe est passée sur la mienne, possessive sans même y penser. Sa main dessine des cercles lents, presque distraits, sur ma poitrine.Chaque geste est calme.Et pourtant, tout en moi est en feu.Je ferme les yeux une seconde. Juste une. Pour reprendre le contrôle. Pour remettre les murs en place. Mais ils ne tiennent plus. Je le sens. Ils ont cédé quelque part entre son regard et ce moment où j’ai compris que ce n’était pas juste du désir.Elle relève légèrement la tête.— Tu penses à quoi ?Sa voix est douce. Fatiguée. Vraie.Je pourrais mentir.
Marc— Tu veux que je te touche ? Ma voix est rauque, presque méconnaissable.— Oui. Un simple mot, mais elle le dit comme une supplication. S’il te plaît.Je n’ai pas besoin de plus. Ma main glisse entre ses cuisses, et je sens immédiatement à quel point elle est prête. Ses lèvres sont gonflées, son clitoris dur sous mon pouce, et quand je fais courir un doigt le long de sa fente, elle écarte les jambes avec un gémissement étouffé.— Marc, putain…— Chut.Je fais un cercle autour de son entrée avant d’enfoncer un doigt en elle, lentement, savourant la façon dont ses muscles se contractent autour de moi.— Tu es si serrée. Si chaude.Elle se cambre, ses seins sortent de l’eau, ses tétons frôlent ma poitrine. Je rajoute un deuxième doigt, les enfonçant plus profondément cette fois, tout en appuyant mon pouce sur son clito. Elle halète, ses ongles s’enfonçant dans mes épaules.— Plus fort… murmure-t-elle, les yeux mi-clos. Fais-moi jouir.J’obéis, mes doigts vont et viennent en elle ave
MarcLa salle de bain est baignée d’une lumière dorée, tamisée par les bougies que j’ai disposées sur les rebords de la baignoire et le meuble sous le lavabo. Leurs flammes dansent, projetant des ombres tremblotantes sur les murs carrelés, tandis que la vapeur monte en volutes épaisses de l’eau brûlante qui emplit peu à peu la cuve profonde. J’ai versé une généreuse quantité d’huile de vanille et de jasmin, leur parfum sucré et envoûtant se mêlant à l’air humide, créant une atmosphère presque hypnotique. Des pétales de roses rouges, encore fraîches, flottent à la surface, certains s’accrochant aux parois comme des promesses silencieuses.Je fais couler un dernier filet d’eau chaude, vérifiant la température du bout des doigts avant de me redresser. Mon reflet dans le miroir embué me renvoie l’image d’un homme tendu, les yeux sombres, la mâchoire serrée d’anticipation. Je sais qu’elle va arriver bientôt. Lolo. Juste l’idée de son corps nu glissant dans cette eau, contre le mien, suffit
MarcLa nausée monte, brutale, acide. Je serre les poings sous la table, mes ongles s’enfonçant dans mes paumes. La douleur physique m’ancrera. Je ne détournerai pas le regard.— Il les collectionnait, murmure Marc, sa voix rauque de dégoût. Comme des trophées. Il note leurs noms, leurs « dons », les sommes versées… ou extorquées à leurs familles ensuite. Le disque dur crypté était son album de chasse.Je vois alors une photo qui me fige le sang. Une jeune fille, aux yeux immenses et effrayés, ne doit pas avoir plus de seize ans. Elle est assise sur le bord d’un lit, enveloppée dans un drap. Et derrière elle, sur une commode, il y a un cadre. Une photo de moi, à dix ans, souriante, lors d’une fête d’école.Il gardait leurs photos près de la mienne.Un son étranglé s’échappe de ma gorge. Ce n’est pas un sanglot. C’est un rugissement étouffé de bête blessée. Je me lève d’un coup, faisant tomber ma chaise en arrière. Je marche jusqu’au mur, pose mon front contre le plâtre froid, respiran
MarcLe colis est arrivé à l’aube, déposé dans une consigne automatique d’une gare périphérique. Aucun contact. Rien qu’une clé numérique et une localisation. L’efficacité du fantôme. Je l’ai récupéré moi-même, roulant dans les rues encore grises et désertes, le paquet anonyme posé sur le siège passager comme un cœur noir.Maintenant, il est entre nous, sur la grande table en chêne de la salle à manger. Une boîte en métal gris, sobre, sans marque. Elle contient les entrailles de Franc . Son âme mise en pièces et numérisée.Lola est assise en face, les mains posées à plat sur la table, immobiles. Elle fixe la boîte comme on fixerait un serpent endormi. Son visage est pâle mais déterminé, ses yeux cernés mais brillants d’une lucidité froide. Elle a à peine dormi. Moi non plus. Nous avons veillé, en silence, à attendre cette livraison. L’attente était un prélude. Maintenant, le rideau se lève.— Tu es sûre ? je demande, une dernière fois. Une fois que nous ouvrons cela, il n’y a plus de
Lola« Matériel substantiel. »Les mots clignotent sur l’écran et s’impriment dans ma tête. Substantiel. Tout ce que mon père a accumulé dans l’ombre , la corruption, la perversion, les preuves de ses crimes est maintenant entre les mains d’un fantôme, qui le remettra à Marc. À nous.La peur a disparu. Elle a été remplacée par une sensation de puissance pure, froide, et vertigineuse. Nous sommes en train de démanteler sa vie, brique par brique, et il ne le sait même pas encore. Il est là, dans sa maison « imprenable », peut-être en train de boire un whisky en ruminant ma rébellion, inconscient que son coffre-fort vient d’être vidé de ses secrets les plus noirs.Je pense à la maison. Aux portraits solennels dans l’escalier. À la bibliothèque où il jouait les érudits. Au bureau en acajou où il signait des arrêts de mort financiers pour ses rivaux… et pour ma mère. Et maintenant, un inconnu silencieux a traversé ces pièces comme un courant d’air, a violé son espace le plus intime, et est







