MasukLola
Le matin filtre à travers les volets entrouverts, dessinant des lignes pâles sur le mur face à moi. Allongée, mon corps encore brûlant de la nuit passée, la peau marquée de ses caresses, je sens mon cœur tambouriner sous ma poitrine comme un animal apeuré.
Je cligne des yeux, cherchant à chasser la confusion qui m’étreint. Ce n’était pas un rêve. Tout est là, chaque souffle, chaque frisson, chaque murmure gravé dans ma mémoire comme un tatouage indélébile.
L’ampleur de ce que j’ai vécu s’abat sur moi comme une tempête. Ce premier abandon, ce don de moi que je n’aurais jamais cru possible.
Un poids énorme écrase ma poitrine.
La honte.
Si forte qu’elle me noue la gorge, m’étouffe, me pousse à me cacher, à fuir.
Mais sous cette honte, une flamme plus sombre s’allume : la colère.
Une rage sourde, brûlante, qui serre mes poings, fait battre mes tempes à tout rompre.
Pourquoi moi ? Pourquoi lui ? Pourquoi cette ville pourrie, pleine de regards cruels, de jugements qui me dévorent ?
Et au-delà de tout ça, il y a une peur terrifiante, viscérale : la peur que mon père me retrouve.
Que l'un de ses connaissances me ramènent, que je sois vendue à nouveau, à nouveau enfermée dans cette vie qu’on m’a imposée, ce cauchemar sans fin.
Je roule sur le côté, le visage enfoui dans l’oreiller, laissant échapper des sanglots silencieux, mêlés cette fois à cette rage et à cette terreur sourde.
Je ne veux plus de cette vie.
Je veux hurler, briser ce silence oppressant, éclater ces murs qui m’enchaînent.
Je refuse d’être une victime.
Le souvenir remonte, net et puissant.
La lumière tamisée, presque irréelle, de cette chambre inconnue. La fraîcheur qui caresse ma peau, mêlée à la chaleur des baisers et des caresses.
Ses mains, d’abord hésitantes, puis sûres, explorant mon corps avec une infinie douceur, découvrant un trésor fragile.
Son regard rempli de respect, d’émerveillement. Un regard qui me disait que je valais plus que ce que mon père avait toujours voulu me faire croire.
La lenteur de ses gestes, la tendresse dans ses baisers, son souffle chaud qui effleurait ma peau.
Sa voix qui murmurait mon prénom, comme une promesse, un secret partagé.
La peur mêlée au désir qui nouait ma poitrine.
L’instant sacré où il s’est approché de moi, ce contact doux et puissant.
Je n’étais plus simplement Lola, la fille invisible.
J’étais là, entière, offerte, vulnérable.
Chaque mouvement était une révélation, chaque gémissement un hymne à la vie que je retrouvais.
Je reviens au présent, à cette chambre vide, au silence pesant.
Je me redresse lentement, mon corps encore fragile, mon esprit embrouillé.
Mes doigts fouillent le lit, le sol, cherchant quelque chose à emporter.
Mon regard tombe sur ses vêtements pliés maladroitement, abandonnés dans un coin.
Je me lève en silence, chaque geste me paraît trop fort, trop réel.
J’attrape la robe de chambre posée près de la porte, l’enroule autour de moi comme une armure fragile.
Puis, mon regard se pose sur sa veste, suspendue à une chaise.
Je m’approche, la gorge nouée, et une impulsion me pousse à fouiller ses poches.
D’abord, je sors un paquet de cigarettes entamé, un briquet usé, quelques billets froissés.
Puis, je plonge la main dans la poche intérieure.
Le contact est froid.
Je saisis une montre simple, élégante.
Je la retourne, l’observe, puis la glisse dans la poche de ma robe de chambre.
Ce n’est pas un vol , je le mérite bien .
Une preuve que cette nuit n’a pas été un rêve, qu’elle a changé quelque chose.
Je continue à vider ses poches, impitoyable.
J’empoigne tout ce que je peux trouver, tout ce qui pourra me servir.
Des billets chiffonnés, une clé minuscule .
Je serre le tout dans mes mains tremblantes.
Chaque objet est un petit morceau de liberté, un espoir fragile.
Je ne peux pas rester.
Pas dans cette ville qui me guette, qui m’étouffe.
Je dois fuir avant que mon père ne me retrouve.
Avant qu’il ne me réclame, avant que sa menace ne se fasse réalité.
Je glisse les billets dans ma poche, mon cœur battant à tout rompre, une peur sourde mêlée à une rage nouvelle.
Je me dirige vers la porte.
Les murs me semblent trop proches, la lumière trop crue.
Je prends une dernière inspiration, une larme roule sur ma joue.
Mais ce n’est plus une larme de faiblesse.
C’est celle d’une femme prête à se battre.
Cette nuit, je ne suis plus la fille effacée, invisible.
Je suis quelqu’un d’autre.
Quelqu’un qui a aimé, qui a donné, qui a été vulnérable.
Et quelqu’un qui refuse de se laisser briser.
Je ferme doucement la porte derrière moi, laissant derrière le silence lourd de mes doutes.
Et je marche, sans jamais regarder en arrière.
MarcLe silence retombe comme une couverture lourde.Pas un silence vide.Un silence habité. Chargé de ce que nous venons de faire et surtout de ce que nous venons de comprendre.Je suis allongé sur le dos, le cœur encore affolé, et Lola est contre moi. Pas simplement lovée. Ancrée. Sa joue repose sur mon torse, exactement à l’endroit où mon cœur cogne encore trop fort, comme s’il voulait lui rappeler qu’il est là, qu’il bat pour de vrai. Sa jambe est passée sur la mienne, possessive sans même y penser. Sa main dessine des cercles lents, presque distraits, sur ma poitrine.Chaque geste est calme.Et pourtant, tout en moi est en feu.Je ferme les yeux une seconde. Juste une. Pour reprendre le contrôle. Pour remettre les murs en place. Mais ils ne tiennent plus. Je le sens. Ils ont cédé quelque part entre son regard et ce moment où j’ai compris que ce n’était pas juste du désir.Elle relève légèrement la tête.— Tu penses à quoi ?Sa voix est douce. Fatiguée. Vraie.Je pourrais mentir.
Marc— Tu veux que je te touche ? Ma voix est rauque, presque méconnaissable.— Oui. Un simple mot, mais elle le dit comme une supplication. S’il te plaît.Je n’ai pas besoin de plus. Ma main glisse entre ses cuisses, et je sens immédiatement à quel point elle est prête. Ses lèvres sont gonflées, son clitoris dur sous mon pouce, et quand je fais courir un doigt le long de sa fente, elle écarte les jambes avec un gémissement étouffé.— Marc, putain…— Chut.Je fais un cercle autour de son entrée avant d’enfoncer un doigt en elle, lentement, savourant la façon dont ses muscles se contractent autour de moi.— Tu es si serrée. Si chaude.Elle se cambre, ses seins sortent de l’eau, ses tétons frôlent ma poitrine. Je rajoute un deuxième doigt, les enfonçant plus profondément cette fois, tout en appuyant mon pouce sur son clito. Elle halète, ses ongles s’enfonçant dans mes épaules.— Plus fort… murmure-t-elle, les yeux mi-clos. Fais-moi jouir.J’obéis, mes doigts vont et viennent en elle ave
MarcLa salle de bain est baignée d’une lumière dorée, tamisée par les bougies que j’ai disposées sur les rebords de la baignoire et le meuble sous le lavabo. Leurs flammes dansent, projetant des ombres tremblotantes sur les murs carrelés, tandis que la vapeur monte en volutes épaisses de l’eau brûlante qui emplit peu à peu la cuve profonde. J’ai versé une généreuse quantité d’huile de vanille et de jasmin, leur parfum sucré et envoûtant se mêlant à l’air humide, créant une atmosphère presque hypnotique. Des pétales de roses rouges, encore fraîches, flottent à la surface, certains s’accrochant aux parois comme des promesses silencieuses.Je fais couler un dernier filet d’eau chaude, vérifiant la température du bout des doigts avant de me redresser. Mon reflet dans le miroir embué me renvoie l’image d’un homme tendu, les yeux sombres, la mâchoire serrée d’anticipation. Je sais qu’elle va arriver bientôt. Lolo. Juste l’idée de son corps nu glissant dans cette eau, contre le mien, suffit
MarcLa nausée monte, brutale, acide. Je serre les poings sous la table, mes ongles s’enfonçant dans mes paumes. La douleur physique m’ancrera. Je ne détournerai pas le regard.— Il les collectionnait, murmure Marc, sa voix rauque de dégoût. Comme des trophées. Il note leurs noms, leurs « dons », les sommes versées… ou extorquées à leurs familles ensuite. Le disque dur crypté était son album de chasse.Je vois alors une photo qui me fige le sang. Une jeune fille, aux yeux immenses et effrayés, ne doit pas avoir plus de seize ans. Elle est assise sur le bord d’un lit, enveloppée dans un drap. Et derrière elle, sur une commode, il y a un cadre. Une photo de moi, à dix ans, souriante, lors d’une fête d’école.Il gardait leurs photos près de la mienne.Un son étranglé s’échappe de ma gorge. Ce n’est pas un sanglot. C’est un rugissement étouffé de bête blessée. Je me lève d’un coup, faisant tomber ma chaise en arrière. Je marche jusqu’au mur, pose mon front contre le plâtre froid, respiran
MarcLe colis est arrivé à l’aube, déposé dans une consigne automatique d’une gare périphérique. Aucun contact. Rien qu’une clé numérique et une localisation. L’efficacité du fantôme. Je l’ai récupéré moi-même, roulant dans les rues encore grises et désertes, le paquet anonyme posé sur le siège passager comme un cœur noir.Maintenant, il est entre nous, sur la grande table en chêne de la salle à manger. Une boîte en métal gris, sobre, sans marque. Elle contient les entrailles de Franc . Son âme mise en pièces et numérisée.Lola est assise en face, les mains posées à plat sur la table, immobiles. Elle fixe la boîte comme on fixerait un serpent endormi. Son visage est pâle mais déterminé, ses yeux cernés mais brillants d’une lucidité froide. Elle a à peine dormi. Moi non plus. Nous avons veillé, en silence, à attendre cette livraison. L’attente était un prélude. Maintenant, le rideau se lève.— Tu es sûre ? je demande, une dernière fois. Une fois que nous ouvrons cela, il n’y a plus de
Lola« Matériel substantiel. »Les mots clignotent sur l’écran et s’impriment dans ma tête. Substantiel. Tout ce que mon père a accumulé dans l’ombre , la corruption, la perversion, les preuves de ses crimes est maintenant entre les mains d’un fantôme, qui le remettra à Marc. À nous.La peur a disparu. Elle a été remplacée par une sensation de puissance pure, froide, et vertigineuse. Nous sommes en train de démanteler sa vie, brique par brique, et il ne le sait même pas encore. Il est là, dans sa maison « imprenable », peut-être en train de boire un whisky en ruminant ma rébellion, inconscient que son coffre-fort vient d’être vidé de ses secrets les plus noirs.Je pense à la maison. Aux portraits solennels dans l’escalier. À la bibliothèque où il jouait les érudits. Au bureau en acajou où il signait des arrêts de mort financiers pour ses rivaux… et pour ma mère. Et maintenant, un inconnu silencieux a traversé ces pièces comme un courant d’air, a violé son espace le plus intime, et est







