Semua Bab Les trois reines sauvages : Bab 91 - Bab 100

SelèneNuit tombante : Aux abords de la failleJe n’arrive pas à bouger tout de suite. Mon corps est intact, mais quelque chose en moi continue de trembler, comme si l’air autour palpitait encore de ce souffle ancien. Le sol sous mes doigts est tiède. Vivant. Il pulse, doucement, comme si la terre respirait à travers moi. Une cadence lente. Maternelle. Implacable.Je ne suis plus vraiment moi.Ou peut-être que si. Peut-être que c’est ça, le vrai retour. Le vrai nom. Celui qu’on n’ose plus porter. Celui qui ne se dit pas à voix haute, mais qui bat dans chaque os, chaque rêve oublié, chaque cri retenu.Je tourne la tête.Amara est déjà debout, silhouette sombre dressée contre le ciel embrasé. Ses cheveux volent comme des flammes éteintes. Ses yeux fixent l’horizon, mais je sais qu’elle regarde plus loin. À travers. Là où la mémoire ne saigne plus : elle enseigne. Là où les fautes ne brûlent plus : elles forgent.Thalia gémit doucement. Elle se redresse, hagarde, les mains enfoncées dans

Extérieur : Lisière d’Haeldor, terres de l’EstIls sont arrivés au matin.Pas en armée. En procession.Des dizaines de silhouettes, couvertes de voiles gris, marchant sans un mot, les pieds ensanglantés, les yeux bandés de cendres.Haeldor n’a pas ouvert ses portes.Mais personne n’a tenté de les arrêter.Parce qu’ils chantaient.Une mélopée ancienne. Une langue qui brûle les oreilles de ceux qui ne sont pas prêts à l’entendre. Une incantation qui réveille les os, fait trembler les fondations.Les gardes ont lâché leurs armes. Certains ont pleuré. D’autres se sont agenouillés.Et dans le silence qui a suivi, la terre s’est ouverte sous la tour Est.Pas une attaque.Un souvenir.Un avertissement.Intérieur : Sanctuaire d’Obsidiane — Cité de VerhënUne porte, que l’on croyait scellée à jamais, s’est entrouverte.Pas sous la main d’un homme.Sous la volonté du monde.Les scribes ont accouru. Les gardiens ont crié au sacrilège. Mais déjà, l’air autour vibrait d’un son oublié.Une femme nu

Extérieur : Forêt d’Askal, au sud des Hauts-FeuxLe vent change de direction.Pas un vent normal.Un vent ancien. Un souffle oublié. Celui qui portait autrefois les noms interdits, les chants interdits, les vérités noyées.Les arbres, pourtant immobiles depuis des siècles, frémissent comme sous une caresse. Leurs feuillages s’agitent sans bruit, comme pour murmurer entre eux.Les plus vieux parmi eux ceux dont les racines touchent les eaux profondes, les nappes anciennes où sommeillent les souvenirs du monde s’inclinent. Lentement. Presque en prière.Les animaux cessent de fuir. Les bêtes carnivores baissent la tête. Les proies s'arrêtent de trembler.Et tous, d’un même mouvement, regardent le Nord.Dans la clairière au centre, là où la lumière n'entrait plus depuis la Guerre des Couronnes, le Gardien de Bois s’éveille.Une créature immense, faite d’écorce vivante, de mousse et de silence. Ses yeux de sève liquide s’ouvrent lentement, douloureusement, comme s’il avait dormi trop longt

Extérieur : Vallée d’Eraz : lisière du bois noirLa pluie ne tombe pas.Elle mord.Fine. Acide. Silencieuse.Elle griffe la peau, ronge les paupières, s’insinue dans les failles. Une pluie née de la guerre, de l’air vicié par des siècles d’offrandes humaines et de cendres dissimulées sous les autels.Chaque goutte semble dire : Il est trop tard.Mais ce soir, ils veulent lui répondre : Pas encore.Eryx rampe. Lentement. Une silhouette maculée de boue, de sang séché et de colère. Il ne pense pas à la douleur dans son flanc, ni aux débris qui s’enfoncent dans ses paumes. Il pense aux visages. À ceux qu’on va chercher. À ceux qu’on a déjà perdus.Il murmure :— À droite. Une brèche. Moins gardée. On entre par là. On ressort vivants. Tous.Thalia est juste derrière lui. Sa respiration est maîtrisée, mais son poignet tremble. Toujours ce même tressaillement. Elle pourrait le contenir, le contraindre… Mais ce soir, elle le laisse vibrer. Elle n’a plus besoin de se cacher.Elle le regarde, p

Intérieur : Refuge du Nord : AubeLa lumière est pâle.Elle glisse entre les pierres, effleure les visages, n’éclaire rien. C’est une aurore sans chaleur, un matin sans promesse. Un entre-deux.Naëra n’a pas dormi.Ses pas sont lents. Précis. Elle avance entre les corps endormis, ses mains effleurant parfois une couverture, un front fiévreux, une cheville maigre. La salle aménagée pour accueillir les enfants est à peine fonctionnelle : une succession de matelas tordus, de chandelles presque consumées, de silences feutrés.Les plus jeunes ont fini par sombrer dans une torpeur presque animale. Les autres… écoutent. Guettent. Retiennent leur souffle.Et deux ne ferment jamais les yeux.Elle les repère aussitôt.Un garçon et une fille. Peut-être dix ans. Trop calmes. Trop nets. Trop éveillés.Le garçon fixe le plafond. Le visage parfaitement lisse, comme vidé. La fille, elle, observe Naëra.Pas avec peur.Pas avec hostilité.Avec une patience ancienne.Un regard de marbre.Un regard de se