All Chapters of Dernière Mission: Chapter 41 - Chapter 50

Victor06h43 — Sur la route, quelque part entre Gdańsk et Varsovie.La pluie tombe fine, froide, un voile humide qui trouble la vitre à ma droite. Je ne la regarde pas vraiment. Je suis ailleurs. Loin du bitume glissant, loin des phares croisés. Plus loin. Plus profond. Là où l’écho d’un nom me résonne encore, même quand le silence est trop lourd pour être porté.Elle s’appelle Aléa.Parfois, dans le tumulte d’un moteur, dans le froissement d’un essuie-glace, j’entends son nom, un murmure fragile, une incantation lancée au creux des heures vides. Une mélodie douce-amère qui fait battre mon cœur en décalage, comme un rythme cassé dont je n’arrive pas à me défaire.Je ferme les yeux un instant. Juste pour sentir. Pour retenir.Son odeur me revient, subtile, presque effacée par le temps. Un mélange de jasmin sauvage et de pluie tiède sur la terre. Ses mains, fines et fortes, qui avaient le pouvoir de calmer mes tempêtes, que je voulais toujours garder contre moi. Sa voix, un souffle, une

Belmont21h37 — Quartier industriel, Varsovie.La nuit a tout enveloppé. Les lampadaires crèvent le noir comme des éclairs figés, jetant une lumière froide et parcellaire sur les entrepôts abandonnés et les ruelles désertes.Je suis là, au bord de l’ombre, avec l’équipe. La tension est palpable. Chacun sait ce qu’il risque, ce qu’il peut perdre. Mais personne ne recule.Éva est là aussi, concentrée, prête à rallumer cette flamme dans le cœur de ceux qu’on a oubliés.Je serre les dents en observant les environs. Le plan est clair : frapper un point névralgique du Faiseur, un centre de communication utilisé pour brouiller les signaux et diffuser ses fausses nouvelles. S’il tombe, son emprise vacille.Un coup précis, chirurgical.21h45Le signal passe. Radios en sourdine. Les silences parlent plus fort que les mots.Nous avançons, silhouettes découpées dans la nuit, furtifs comme des ombres.Arvid mène le groupe de front, arme au poing, vigilant. Je ferme la marche, mes sens en alerte ma

Éva07h03 — Appartement 5B, quartier sécurisé du Vieux-CentreLa serrure grince. Pas assez pour déranger un voisin. Juste assez pour dire qu’on est là. Qu’on revient. Qu’on a survécu.Je pousse la porte. Belmont entre derrière moi, referme sans un mot. Pas de lumière. Juste la pâle lueur qui glisse à travers les stores entrouverts.La pièce sent le renfermé et le café froid. Des livres empilés, des armes déchargées, une veste abandonnée sur un fauteuil. Rien n’a bougé. Comme si cet endroit nous avait attendus. Comme si lui aussi avait retenu son souffle.Je reste là, debout au milieu du salon. Le silence est un velours épais sur mes tempes. Il ne pèse pas. Il enveloppe. Il dit : Tu peux t’asseoir maintenant.Mais je n’y arrive pas. Pas encore.Mon corps est revenu, pas moi. Pas tout à fait.Belmont retire sa veste d’un geste lent. Le tissu est rigide, taché, durci par le sang séché et la poussière. Il la laisse tomber au sol. S’approche de la fenêtre. Écarte un pan du rideau. Ses yeux

ÉvaLa lumière décline lentement, glissant en nappes épaisses de cuivre sur les murs écaillés de l’appartement. Varsovie s’assombrit, comme si la ville elle-même retenait son souffle, fatiguée de lutter contre le poids des heures, des jours, des nuits. Les ombres s’allongent, déformant les meubles familiers, les rendant étrangers et pourtant rassurants.Le repas est terminé depuis un moment. Deux assiettes à moitié pleines, oubliées sur la table basse. Une casserole tiède repose sur la plaque éteinte, vestige d’une routine que l’on s’efforce de retrouver. Œufs brouillés, riz froid, pain grillé. Rien de luxueux, rien d’exceptionnel. Mais dans ce simple repas, dans la lenteur avec laquelle on a mâché, avalé, partagé un silence lourd de sens — il y avait une force plus profonde que dans tous les discours prononcés.Je m’assieds sur le bord du canapé, mes jambes repliées sous moi, cherchant un point d’ancrage. Le cuir froid mord mes jambes à travers le tissu. Belmont débarrasse la table,

ÉvaLe matin s’infiltre doucement, timide, comme s’il avait peur de troubler le silence de la chambre. Une lumière pâle s’étire sur les draps froissés, glisse sur les corps emmêlés, caresse la peau nue encore marquée par la nuit.Je n’ouvre pas les yeux. Je n’en ai pas besoin pour le sentir. Il est là. Tout contre moi. Sa main repose sur ma taille, paume chaude, douce, comme une ancre. Son souffle régulier effleure ma nuque, paisible. Il dort encore.Je reste immobile, offerte à cette quiétude. Mon corps me semble léger, étiré, vivant. Je sens encore la trace de ses mains sur moi, comme une empreinte invisible. Et en moi, cette chaleur lente, résiduelle, qui ne s’éteint pas. Elle s’accroche à moi comme un fil invisible entre la nuit et le jour.Il n’y a plus de peur. Plus de honte. Plus de souvenirs trop lourds pour respirer.Il y a juste lui. Et moi. Et ce matin.Sa main bouge légèrement, puis se resserre autour de ma taille. Il m’attire contre lui, son torse contre mon dos, son nez