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La lune s’était levée, pleine et claire, comme une veilleuse géante suspendue au-dessus de la forêt. Le sol, humide de rosée, rendait mes pas silencieux. Je marchais sans but précis, portée par une inquiétude diffuse qui ne me quittait plus depuis ma dernière transformation.Il y avait en moi cette sensation étrange, comme deux pulsations qui ne battaient pas toujours à l’unisson. L’une était familière : la respiration humaine, irrégulière, fragile. L’autre… plus profonde, plus stable. Celle de ma louve. Elle ne se cachait plus. Elle vivait là, juste sous la surface, prête à se glisser dans mes gestes au moindre frisson de danger.Je m’arrêtai près d’un vieux chêne. Ma main glissa sur l’écorce rugueuse, cherchant un ancrage.- Qu’est-ce que tu attends de moi ? murmurai-je à voix basse.Pas de réponse. Seul le bruissement des feuilles. Mais je sentais sa présence, chaude et dense, envelopper mes pensées.Je repris ma marche, plus lente. La nuit sentait la terre humide, le pin, et quelq

Le camp vibrait d’une activité maîtrisée, comme une fourmilière avant un départ. Les guerriers passaient d’un poste à l’autre, portant des caisses, inspectant les armes, vérifiant les montures. Les sangles des harnais claquaient sous les mains, les lames reflétaient la lumière lorsqu’on les faisait tourner, et l’odeur mêlée du cuir, de la sueur et du fer emplissait l’air. Les ordres fusaient, nets et brefs. Chacun savait ce qu’il avait à faire. Moi, je m’étais tenue près des chevaux, aidant à fixer des sacs contre les flancs des montures.C’est alors que tout changea. Pas brusquement. Pas avec un cri ou un éclat de métal. Non, c’était plus subtil : une tension dans l’air, un courant qui passait de l’un à l’autre et stoppait les gestes. Comme si l’air avait retenu son souffle. Les têtes se tournèrent d’elles-mêmes vers l’entrée du camp.Une silhouette approchait, lente mais déterminée. Sous une cape sombre usée par le temps, on devinait la carrure fine et voûtée d’une femme âgée. Sa cap

Je revins aux ruines le lendemain, seule. Le soleil, encore bas, filtrait à travers les arbres en traçant des lignes pâles sur les pierres anciennes. L’air avait cette densité particulière des matins où le passé semble plus proche que le présent. Je ne savais pas exactement ce que je cherchais, seulement que mes pas me ramenaient là, comme si la bague dans ma poche pesait plus lourd que tout mon corps.Le vieil ermite n’était plus là. À sa place, le silence. Un silence compact, presque palpable, comme si le lieu lui-même retenait son souffle. Je franchis à nouveau le cercle de pierres brisées et me laissai guider par une sensation étrange : une tension sous ma peau, comme un frémissement nerveux qui me tirait vers l’arrière du sanctuaire effondré.Les pierres étaient disposées en arc, certaines penchées, d’autres entièrement tombées, mais un motif se dessinait à demi sous la mousse. Je me penchai. Là, gravée en creux dans la roche, une spirale entourée de traits qui rappelaient ceux de

Le hurlement déchira la nuit comme une lame arrache la chair. Sec, guttural, porteur d’un avertissement aussi ancien que les meutes. Je me redressai d’un coup, le souffle court. Dans l’obscurité de la chambre, Kaël était déjà debout, torse nu, l’arc de son dos tendu comme avant l’impact d’un coup. La marque dans ma nuque vibrait. Un grondement traversa le lien.- Ils arrivent.L’attaque n’attendit pas. Avant même que les cloches ne résonnent, un deuxième hurlement retentit, plus proche, suivi d’un claquement sourd contre les portes extérieures. Les sentinelles n’avaient pas eu le temps d’envoyer les messagers. Les ombres fondaient sur nous.- Que tous les anciens soient immédiatement conduits dans le cercle, ordonna Kaël en sortant.La panique se propageait déjà à l’intérieur du camp. Les torches s’allumaient les unes après les autres, dessinant des silhouettes affolées, des ombres de guerriers courant à travers les allées. Les tambours de guerre résonnèrent, appelant chaque loup à sa

L’aube s’est levée sur un silence que je n’avais jamais connu. Pas celui d’un matin tranquille, ni celui qui suit une tempête. C’est un silence plus profond, comme si la terre entière retenait son souffle. La lumière pâle glisse sur le sol labouré par la nuit. Les empreintes s’entremêlent avec les traînées sombres du sang séché. Chaque marque raconte une lutte, un corps qui a résisté, un autre qui est tombé. Et au milieu de tout cela, les vivants. Debout. Les yeux clairs. Fatigués, mais présents.Je marche pieds nus jusqu’au cercle des anciens. La rosée se mêle à la poussière sur ma peau. La cape que j’ai gardée toute la nuit glisse sur mes épaules meurtries. Je sens la vibration de ma marque, discrète, comme un battement supplémentaire au creux de ma nuque. Quand mon regard croise celui de Kaël, je retrouve cette chaleur familière, cet ancrage qui m’a tenue debout dans les moments où tout menaçait de basculer. Nous ne parlons pas. Nous n’avons pas besoin de mots pour comprendre que n