All Chapters of Les chaînes du Destin: Chapter 51 - Chapter 60

Les couloirs du siège de Valcourt Industries avaient perdu leur éclat. Les tapis rouges ne masquaient plus la fatigue des jours, et les parois vitrées n’amplifiaient que le vide. Le silence, lui, était devenu pesant, chargé de non-dits, de regards fuyants et de soupirs étouffés.Depuis le départ de Livia, Raphaël n’était plus que l’ombre de lui-même.Il errait dans les bureaux comme un spectre en costume froissé, le regard trouble, les gestes imprécis. Sa chemise blanche, jadis impeccable, était désormais boutonnée de travers, tachée de vin ou de café froid. Les assistants n’osaient plus croiser son regard, et même Victor, fidèle parmi les fidèles, gardait ses distances. Parce qu’il savait.Il savait que Raphaël buvait. Trop. Et mal.Tout avait commencé la nuit même où Livia était partie. Une bouteille ouverte dans le salon privé du dernier étage. Puis deux. Puis une troisième. Il avait ri. Pleuré. Juré. Et fini par s’endormir sur le sol, seul, entouré de ses échecs.Depuis, l’alcool

Il était un peu plus de vingt heures quand Livia referma la grille rouillée de la petite librairie. Le vent marin soulevait sa chevelure lâchée, et l’odeur du sel, mêlée à celle des vieux livres, s’accrochait à son manteau.Elle n’avait pas dormi la nuit précédente. Depuis qu’elle avait trouvé cette enveloppe anonyme glissée sous sa porte, son cœur battait trop vite. « Tu peux changer de ville, de nom, de silence. Mais pas de destin. » Des mots simples, terrifiants. Intimes. Quelqu’un la connaissait. Quelqu’un était là.Elle avait tenté de rationnaliser. Un mauvais plaisantin. Une coïncidence. Un message adressé à quelqu’un d’autre. Mais elle savait.Ce soir, elle avait décidé de ne plus fuir. Elle allait affronter ce spectre.Elle pressa le pas, ses bottes claquant sur les pavés. Elle traversa une ruelle déserte, le cœur martelant dans sa poitrine. À mesure qu’elle approchait de chez elle, une tension sourde lui montait dans les tempes. Chaque vitrine, chaque ombre semblait l’épier

Chaque matin, Livia posait les mains sur son ventre encore plat, comme pour se convaincre que tout cela était réel. Les jours passaient, lents et incertains, et son corps changeait en silence, témoin discret d’une transformation invisible aux yeux des autres. Dans son petit studio où régnait l’anonymat, elle construisait en secret une forteresse autour de cette vie naissante.Les nausées la prenaient souvent par surprise, la forçant à s’appuyer contre les murs froids de la salle de bain pour ne pas vaciller. Elle déclina plusieurs fois les invitations de sa logeuse à partager un repas, prétextant des migraines, une fatigue chronique, tout ce qu’il fallait pour conserver son isolement.Elle avait trouvé un emploi temporaire dans une petite boutique de papeterie, à deux rues de son immeuble. Le patron était un vieil homme sourd et paisible, qui ne posait jamais de questions. Elle y trouvait un certain réconfort : la routine, l’odeur de l’encre, le froissement du papier, tout semblait su

La porte claqua derrière Raphaël avec une violence sourde, résonnant dans le parking souterrain comme un coup de tonnerre. Sous les néons vacillants, son ombre s'étira sur le bitume taché d'huile, fauve blessé traquant celui qu'il jugeait responsable. Il serrait dans sa main une photo froissée de Livia. Livia, enceinte. Seule. Cachée. La même photo que Pierre Moreau lui avait jetée au visage quelques heures plus tôt.Ses pas résonnaient lourdement, chaque enjambée trahissant une rage contenue, une douleur qu’il ne parvenait plus à canaliser. À mesure qu’il s’approchait, ses pensées se bousculaient : la trahison, l’abandon, le vide insoutenable qu’elle avait laissé.Pierre l'attendait, adossé à un pilier de béton, les bras croisés. Son visage était grave, sculpté par les années et les secrets familiaux. Il savait que Raphaël viendrait. Il l'avait vu dans ses yeux, plus tôt, cette lueur démente que seule une vérité fracassante peut faire jaillir.— Tu le savais, murmura Raphaël d'une vo

Le matin suivant s'étira dans un silence pesant, à peine troublé par le craquement des lattes de bois sous les pas prudents de Livia. Le chalet baignait dans une lumière laiteuse, figé dans une atmosphère de veille. Le café infusait, mais personne ne parlait. Raphaël était assis à la table de la cuisine, les mains croisées sous le menton, les yeux perdus dans les flammes du poêle. Livia, debout, le dos raidi, évitait de croiser son regard. Tout en elle hurlait de sortir, mais tout en elle tremblait à l'idée de ce qu'elle pouvait affronter dehors.— Tu comptes me garder ici combien de temps ? demanda-t-elle enfin, d'une voix cassante.Il ne répondit pas tout de suite. Il leva lentement les yeux vers elle, comme s'il sortait d'un rêve lointain.— Autant qu'il faudra, murmura-t-il. Jusqu'à ce que tu comprennes.— Comprendre quoi ? Que tu m'as enlevée ? Que tu décides de ma vie comme si je t'appartenais ? Tu me prends pour quoi, Raphaël ? Une marionnette ? Une détenue ?— Pour quelqu'un q