All Chapters of L'ALPHA MAUDIT : Chapter 61 - Chapter 70

SarahLe palais est silencieux. Trop silencieux. La peur a étouffé tous les bruits, laissant place à un vide que même le vent n'ose plus traverser. Les courtisans se cachent, les serviteurs marchent sur la pointe des pieds. Ils ont vu la colère du Roi. Ils ont senti l'ombre qu'il a laissée derrière lui en partant.Et moi, je règne.Je règne sur des cendres.Je suis assise sur le trône de Zarek. Le métal froid me transperce même à travers mes vêtements. Il conserve encore l'empreinte de son corps, le souvenir de sa chaleur. Maintenant, il n'y a que moi. Une reine humaine sur un trône de loup. Une mère sans son fils. Une âme sœur sans son autre moitié.Lyra est blottie contre moi, sa petite tête posée sur mes genoux. Elle ne pleure plus de sang, mais sa lumière a pâli. Elle est terne, comme une braise qui s'éteint. Elle cherche Kaël. Elle le cherche sans cesse, tendant son petit pouvoir comme un filet dans l'obscurité, ne trouvant que le néant. Son chagrin est une plaie ouverte dans mon

ZarekLe froid de mon fils est une empreinte fantôme sur ma conscience. Je le traque comme un loup sentirait la faible chaleur d’un agneau perçu à travers une tempesse de glace. Il est là. Quelque part. Cette certitude est devenue une colonne vertébrale de fer, empêchant l’ombre de me courber tout à fait.Je suis sorti des Terres Silencieuses. Le paysage a changé, mais pas l’homme qui le traverse. Devant moi s’étendent les Steppes Hurlantes, une étendue de verre brisé. Personne ne sait ce qui a pu, un jour, faire fondre le sable en une mer de cristal, puis la briser en milliards d’éclats. Le vent qui balaye cette plaine sans fin s’engouffre dans les fissures, produisant un sifflement aigu, constant, une plainte perpétuelle qui semble venir de la terre elle-même.C’est une musique appropriée pour la cacophonie qui gronde dans ma tête.La trace de Kaël est plus forte ici. Elle flotte dans l’air, un fil de givre que mes sens déchirés sont les seuls à pouvoir suivre. Il a été emmené ici.

ZarekMa main se serre sur la poignée de mon épée. Ce n'est pas un piège sophistiqué. C'est une démonstration de mépris. Une autre lettre écrite avec du sang.La trace de Kaël passe au milieu de ce charnier et disparaît dans le plus large des tunnels de mine.Je m'y engage, l'épée à la main. L'obscurité est totale, mais mes yeux, désormais habitués aux ténèbres, perçoivent tout. Les murs sont striés de marques d'outils. Par endroits, des éclats d'obsidienne brillent comme des larmes noires.Je marche pendant une heure, peut-être plus. La chaleur augmente. Le silence est oppressant, brisé seulement par le bruit de mes pas et le grésillement de l'ombre dans mon dos.Soudain, la galerie débouche sur une caverne si vaste que le plafond se perd dans les ténèbres. Et au centre, se dresse une structure qui n'a rien de naturel.Une arche. Faite d'ossements et de métal froid, tordue comme un cri figé. Elle grésille d'une énergie mauvaise qui fait vibrer l'air. Une porte. Une porte qui ne devra

KaëlLe froid est la première chose. Le premier et le dernier. Il n'est pas à la surface de la peau ; il est à l'intérieur, un noyau de glace immobile là où mon cœur devrait battre. Il a remplacé le sang, les os, les pensées. Je suis devenu un réceptacle pour le froid.La cage de cristal n'est pas une prison que l'on peut toucher. C'est une géométrie de gel, une architecture qui plie la lumière et le son pour en faire des instruments de torture. Je flotte au centre, ou peut-être que je suis étendu. Les sens sont devenus inutiles. Il n'y a que la conscience. Une conscience pure, aiguisée, incapable de s'éteindre.Ils m'observent. Les Architectes. Je ne les vois pas, je ne les entends pas. Je perçois leur présence comme des perturbations dans le champ de force glacé qui me tient. Des ombres froides qui étudient l'ombre froide que je suis devenu. Je suis leur expérience. Le sujet de leur dernière étude sur l'âme humaine.Ils veulent comprendre comment elle se brise.Ils ne comprennent pa

KaëlLa chaleur est la première trahison.Elle n'est pas douce. Elle est violente. Elle me brûle de l'intérieur, comme si on versait de la lave dans des veines qui ne connaissaient plus que le gel. Je halète, un son rauque et étranglé dans ma propre gorge. Une gorge d'enfant.Mes yeux s'ouvrent, et la lumière des bougies me transperce le crâne. Trop vive. Trop jaune. Elle éclaire des tentures de velours, des boiseries sombres, le lourd baldaquin du lit. La chambre de mes parents. L'odeur de cire et de rose, autrefois un réconfort, est maintenant un poison qui m'étouffe.Je suis revenu.Arraché à la cage de cristal, à la pureté du néant, et jeté ici, dans ce corps faible et tremblant. Ce corps qui se souvient de la chaleur, des câlins, de la sécurité. C'est un piège. Une illusion tissée avec les fils les plus doux de ma mémoire pour que j'y reste enfermé.Je serre les poings. Les jointures sont petites, blanches. La colère est un feu qui ne réchauffe pas. Elle consume.— Kaël ?Sa voix