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ClaraJe serre doucement ma fille contre moi, ce petit corps chaud et fragile qui dort sans souci, ignorant les déchirures de ce monde que je quitte encore une fois, mais cette fois, c’est pour de bon, ou du moins, je l’espère. Je descends les escaliers sans bruit, les murs semblent retenir leur souffle, comme s’ils savaient ce qui se trame, je fuis les regards, les mots non dits, les blessures invisibles qui saignent sans cicatrice, je pousse doucement la porte, sens l’air froid de la nuit glisser sur ma peau nue, cette fraîcheur comme une caresse cruelle qui me rappelle que je suis bien vivante malgré tout. Je ferme la porte derrière moi sans un bruit, et puis je marche dans la nuit, l’obscurité douce comme un voile protecteur, un manteau qui m’enveloppe et me cache, jusqu’à la maison de la voisine, là où les murs ont des oreilles mais pas de jugements, là où je pourrai enfin pleurer, sans masque, sans retenue, sans que personne ne me voie m’effondrer.Je sens ses petits doigts se r

JadeJe le vois là, affaibli, presque brisé, prisonnier de ses propres démons. Pourtant, ce soir, je refuse de le laisser tomber, de le laisser se noyer dans ce passé qui le dévore. Ce soir, je serai sa force. Son rocher. Son ordre inébranlable.Mes pas sont sûrs, décidés, tandis que mes mains effleurent doucement son visage, cherchant à rallumer cette étincelle vacillante dans ses yeux fatigués. Son souffle est court, ses épaules tremblent, mais je ne lui laisse aucune échappatoire.— Éric, oublie tout, murmurai-je, toute la douceur d’un ordre dans la voix. Oublie Clara, oublie la douleur qui te déchire, oublie chaque murmure de ce passé qui te ronge. Ce soir, tu n’as qu’une seule mission : me choisir, m’aimer, te perdre en moi.Je serre doucement son poignet, l’entraînant hors de la salle de bain, au travers du couloir silencieux. Chaque pas que nous faisons résonne comme un serment. Ses hésitations vibrent dans l’air, je sens ses mains trembler, son cœur battant à tout rompre sous

JadeLa chaleur du lit m’enveloppe encore, comme une mer douce dans laquelle je pourrais me laisser dériver pendant des heures. Éric a déjà entrouvert les yeux, et dans son regard brille cette lumière paresseuse des matins où l’on n’a pas envie de se lever. Ses cheveux sont en bataille, son sourire encore absent, mais il y a dans la courbe de sa bouche et la lenteur de ses gestes une tendresse qui m’ancre.Je me hisse contre lui, dépose un baiser rapide sur sa joue, puis sur sa mâchoire.— Viens… murmure-t-il, la voix encore ensommeillée, légèrement rauque.Je me laisse glisser hors des draps, mais aussitôt je sens sa main effleurer ma hanche, comme s’il voulait me retenir encore quelques secondes dans notre cocon. Cette fois, c’est moi qui le tire doucement, un sourire au coin des lèvres.La salle de bain est tiède, déjà envahie par une vapeur douce dès que l’eau chaude commence à couler. La buée grimpe sur le miroir, dessinant des halos flous autour de nos silhouettes. Éric m’attire

ÉricTrois mois.Trois mois à croire qu’on avait trouvé notre rythme, notre souffle, notre façon à nous de tenir debout contre le reste du monde. Trois mois à partager chaque réveil, chaque dîner tardif, chaque fou rire volé sous la douche. Trois mois à penser que son regard était un ancrage et non une promesse fragile .Trois mois à m’endormir en pensant que le matin, elle serait encore là.Et puis ce soir-là, elle est entrée dans l’appartement avec cette expression… figée. Pas fermée, pas en colère. Juste… distante. Comme si elle avait déjà posé un océan entre nous.— Il faut qu’on parle, a-t-elle dit.Pas de baiser. Pas de sourire. Ses clés déjà prêtes à ressortir.Je l’ai regardée, encore haletant de ma journée, avec ce réflexe idiot de chercher dans son visage un signe que je me trompais.— Qu’est-ce qui se passe ?Elle n’a pas tourné autour du pot.— C’est fini, Éric.Le mot est tombé comme un bloc de glace. J’ai eu l’impression qu’il s’écrasait dans ma poitrine, éclatant en écl

CLARADeux jours.C’est le temps qu’il lui a fallu pour me rappeler qu’on n’avait « toujours pas pris ce dîner dont il m’avait parlé ». Sa voix, au téléphone, était calme… trop calme. Derrière cette neutralité, j’ai cru entendre un léger sourire, à peine perceptible mais suffisant pour me faire accepter sans réfléchir.Et maintenant, je suis là, devant sa porte. Lila tient ma main, impatiente. Moi, je sens chaque battement de mon cœur dans mes tempes.La porte s’ouvre.Lucas nous accueille d’un « Bonsoir » bas et posé, qui me frôle la peau comme une caresse involontaire. L’air qui s’échappe de son appartement est chaud, enveloppant, chargé d’une odeur d’épices et de bois ciré. Dans la lumière douce, il porte une chemise sombre, manches retroussées, et son regard glisse sur nous avec cette intensité qu’il ne masque jamais.— Papa ! s’écrie Mathieu en surgissant du couloir.Lila rit, et avant que j’aie le temps de dire quoi que ce soit, elle lui saute dans les bras. Les deux disparaisse