All Chapters of L'ÉPOUSE ABANDONNÉE: Chapter 101 - Chapter 110

GRACIASLa voiture roule en silence. Je suis pelotonnée contre la vitre, la veste d’Ézran autour de mes épaules, imprégnée de son parfum qui, pour la première fois ce soir, ne me fait pas mal. C’est une armure contre la nuit. Je regarde les lumières de la ville défiler, floues, comme un mauvais rêve qui s’estompe.Je m’attendais à ce que nous retournions dans cet appartement moderne et froid, plein des ombres de son passé. Mais quand la voiture s’arrête, ce n’est pas devant la tour de verre que je connais. Nous sommes devant une maison. Une vraie maison, basse, discrète, nichée derrière un mur de pierre et une grille en fer forgé.Je lui jette un regard interrogateur.—Où sommes-nous ?Il esquisse un sourire, le premier de la soirée, et il y a une douceur dans ses yeux que je croyais avoir brisée à jamais.—Chez nous. Le vrai.Il descend, vient ouvrir ma portière et me tend la main. Je la saisis, mes doigts glacés se réchauffant contre sa paume. Il pousse la grille qui s’ouvre sans un

ÉZRANLa lumière de l'aube caresse les volets bleus de notre chambre. Gracias dort, blottie contre moi, sa main gauche posée sur ma poitrine, la bague scintillant faiblement. Sa respiration est paisible, son visage apaisé. La voir ainsi, après la tempête, est un cadeau plus précieux que tout ce que je possède.Je me glisse hors du lit sans faire de bruit, enveloppé dans le silence de notre sanctuaire. Je m'habille avec une lenteur délibérée, chaque geste calme et mesuré. Il n'y a plus de place pour la rage impulsive d'hier. Ce qui vient doit être froid, précis, implacable.Dans mon bureau, les murs chaleureux et les étagères remplies de livres créent un contraste saisissant avec la froide détermination qui m'habite. J'allume l'écran de mon ordinateur. Un fichier m'attend, envoyé par un numéro crypté. Je clique.La vidéo s'ouvre. L'angle est parfait. On voit distinctement le visage de Lidia, déformé par le mépris, et celui d'Inès, avide de destruction. Et on entend tout. Chaque mot. Ch

MARIUSLe vide de l’appartement me serre la gorge. Chaque objet, chaque meuble me rappelle le mensonge. Le bonheur feint. La comédie sordide qu’Inès a jouée pendant des mois. L’image du tampon, jeté à ses pieds, est gravée au fer rouge dans mon esprit. Mais c’est une autre image, plus ancienne, plus douloureuse, qui refait surface, écrasante.Gracias. Son visage, ce soir-là, il y a des mois, quand je l’avais chassée. Je l’avais traitée de tous les noms, lui reprochant son prétendu éloignement, sa froideur. Je l’avais accusée de me tromper. Je l’avais mise à la porte, alors qu’elle tentait de me dire quelque chose, les larmes aux yeux. « Marius, s’il te plaît, écoute-moi… »Je ne l’avais pas écoutée.Quelques semaines plus tard, on m’avait appris qu’elle avait été agressée. Tabassée par des inconnus. Elle avait perdu son bébé. Notre bébé.Et moi, rongé par la honte et la culpabilité, je n’étais pas allé la voir. Je m’étais dit qu’elle était mieux sans moi. Que j’étais la cause de son m

GRACIASLa maison est silencieuse, un sanctuaire trop calme après la tempête. Les murs aux couleurs chaudes, les livres alignés, les tapis profonds… tout semble attendre que la vie reprenne son cours. Mais la vie a été marquée du sceau de la trahison. Je marche de pièce en pièce, mes doigts effleurant les objets, cherchant un ancrage dans cette réalité nouvelle et brutale. La bague à mon doigt, si belle, si lourde de promesses, pèse aujourd’hui le poids d’une vérité terrible.Inès. Ma propre sœur. L'architecte de mon cauchemar. Celle qui a ordonné la violence qui m’a enlevé mon enfant.La colère que j’attendais, que je pensais mériter, ne vient pas. À sa place, une tristesse immense, un océan de chagrin pour la petite fille que nous avions été, pour les rires étouffés dans le jardin de notre enfance, pour les liens du sang brisés à jamais. Et au cœur de cet océan, un rocher de douleur pure, aiguë, intemporelle : mon enfant. Notre enfant. Une petite âme envolée avant même d’avoir eu un

DEUX MOIS PLUS TARDGRACIASLe parfum de la cire d'abeille et des vieux livres flotte toujours dans notre maison, un parfum qui est devenu celui de la paix retrouvée. Les ombres de Lidia et d'Inès se sont estompées, reléguées au statut de cauchemars passés. Inès attend son procès en détention, et son nom n'est plus qu'un chuchotement amer dans notre quotidien. Nous avons appris à respirer à nouveau, à rire, à vivre dans le sanctuaire coloré qu'Ézran a créé pour nous.Mais depuis un mois, une ombre différente, plus subtile, plane sur moi. Une fatigue qui s'accroche, tenace, au creux de mes os. Des vertiges soudains qui me forcent à m'asseoir, le temps que le monde cesse de tourner. Des nausées qui montent, irrépressibles, au milieu de la journée. Je les mets sur le compte du stress post-traumatique, du deuil qui refuse de totalement lâcher prise. Je les cache. Soigneusement. La dernière chose que je veux est qu'Ézran s'inquiète à nouveau. Il a déjà porté tant de poids pour moi.Ce mati