All Chapters of IMPOSTURE: Chapter 31 - Chapter 40

ÉléaLe temps se fige, se suspend dans l'ambre dorée de ce matin. Il n'y a plus que le poids de Milo contre ma poitrine, la chaleur de son petit corps qui s'abandonne, épuisé, à mon épaule. Son souffle régulier contre mon cou est le seul son qui existe. Un souffle de vie. Mon souffle, rendu.Hugo a sorti son téléphone. Sa voix est basse, atone, quand il parle aux policiers. Il donne notre adresse. Il dit : « Une imposture. Un enlèvement. » Les mots résonnent, creux, dans le silence qui a suivi la tempête.Isis ne bouge plus. Agenouillée dans l'herbe, elle semble s'être vidée de toute substance. Ses sanglots se sont tus, remplacés par un silence plus terrible encore. Elle fixe le sol, ses épaules affaissées, ses mains pendantes comme des poids morts. La femme qui, quelques minutes plus tôt, rugissait comme une lionne défendant son petit, n'est plus qu'une coquille brisée. La performance est terminée. Le rideau est tombé. Il ne reste que la ruine de l'actrice.Les sirènes. D'abord loint

ÉléaLa maison est silencieuse, trop silencieuse. Le médecin est venu, a examiné Milo, a prononcé des mots rassurants : « choqué, mais en bonne santé physique. » Ces mots devraient être un baume, mais ils glissent sur moi sans pénétrer. La santé physique. Et le reste ? L'âme d'un enfant de deux ans, nourrie aux mensonges, bercée par une imposture ?Milo dort enfin dans sa chambre, un vrai sommeil, épuisé. Je suis assise à côté de son lit, incapable de le quitter. Ma main repose sur sa petite poitrine qui se soulève et s'abaisse régulièrement. Chaque souffle est une preuve. Il est là. Il est vivant. Il est sauf.Hugo entre sans bruit. Il porte deux tasses de thé. Il en pose une près de moi. Son geste est prudent, comme s'il avait peur de briser l'équilibre précaire de ce moment.— Il dort, murmure-t-il.Je hoche la tête, sans détacher mon regard de Milo.—Je ne peux pas le quitter. Pas encore.— Je comprends.Il s'assoit sur le sol, adossé au mur, face à moi. La distance entre nous est

ÉléaL’interrogatoire est un supplice. Répéter, détailler, justifier. Le bureau du capitaine Valère est spartiate, l’air sent le café froid et l’anxiété. Hugo est à mes côtés, sa présence un rempart silencieux. Mais même lui ne peut pas pénétrer la chambre forte où je me suis réfugiée pour raconter l’horreur.Je décris la cave. La poussière. La seule ampoule qui clignotait, promesse de cécité. Les visites d’Isis. Ses questions, toujours les mêmes, comme un catéchisme pervers. « Comment Hugo aime-t-il son café ? Quel est le livre de chevet de Milo ? Raconte-moi notre premier baiser. » Chaque réponse était un morceau de mon âme qu’elle arrachait pour se l’approprier.— Elle enregistrait votre voix ? demande Valère, son stylo planant au-dessus de son bloc.— Oui. Pour travailler les intonations. Elle me faisait répéter des phrases. « Je t’aime, Hugo. » « Bonne nuit, mon ange. » Elle voulait la perfection.Hugo émet un son étranglé. Je pose ma main sur la sienne, sur la table. Elle est gl

ÉléaLe trajet de retour est un tunnel de silence. Hugo sent le mensonge qui pèse entre nous, lourd et palpable comme un corps étranger. Il pose sa main sur la mienne, une question muette. Je détourne la tête, regardant défiler les murs de la prison qui s'éloignent, symbole de l'emprise qui, elle, ne me lâche pas.— Elle a essayé de te manipuler, c'est ça ? finit-il par dire, sa voix rauque.Je hoche la tête, incapable de prononcer le monstrueux marché. L'entendre à voix haute lui donnerait une réalité, une consistance que je ne peux affronter.—Elle veut rester dans nos vies. D'une manière ou d'une autre.— Jamais, grince-t-il en serrant le volant. Elle ne mettra plus jamais les pieds dans notre existence.Elle n'a pas besoin de mettre les pieds chez nous, pense-je amèrement. Elle veut que je sois son pont. Son messager.La maison nous accueille avec le son des pleurs de Milo. La baby-sitter, désemparée, nous tend notre fils qui se débat, le visage rouge et baigné de larmes.—Il n'a

ÉléaLes jours qui suivent la visite à la prison sont un brouillard de désespoir organisé. Nous sommes des automates. Hugo va travailler, je reste avec Milo. Nous essayons. Nous essayons.Je chante les chansons que je crois être les bonnes. Je lis les livres que je trouve dans sa chambre. Je prépare les plats qu’il aimait avant… avant elle. Rien n’y fait. Chaque tentative est accueillie par des cris, des coups de pied, un rejet catégorique. Je suis une étrangère qui essaie de forcer son entrée dans un royaume dont elle a perdu la clé.Hugo rentre, le visage creusé par une fatigue qui n’est plus seulement physique. Il essaie de prendre le relais, mais Milo, autrefois si proche de son père, se détourne maintenant de lui aussi. Nous sommes devenus les gardiens de sa détresse, les geôliers de son chagrin.— Peut-être… peut-être devrions-nous appeler le pédopsychiatre, suggère Hugo un soir, alors que nous écoutons, impuissants, les sanglots épuisés de Milo qui viennent d’en haut.— Oui, di