All Chapters of IMPOSTURE: Chapter 41 - Chapter 50

ÉléaLe soleil est trop brillant. Il ricoche sur les vitres, éclabousse la pelouse d’une lumière crue, menteuse. Après la tempête de la nuit, ce calme est une insulte. Milo est silencieux, les yeux cernés, serrant contre lui la petite voiture en métal qu’Hugo lui a offerte ce matin, une offrande de paix. Il a à peine touché à son petit-déjeuner.Le projet de jardin secret pèse entre nous comme un vœu pieux. Les plans dessinés hier semblent naïfs, ridicules face à la réalité de ses cauchemars.— On va commencer, aujourd’hui ? demande soudain Milo d’une petite voix.Sa question surprend Hugo qui sirote son café, les traits tirés.—Commencer quoi, mon grand ?— Le jardin. La cabane.Il nous regarde, et dans ses yeux, je vois une lueur têtue, un besoin farouche de croire à cette promesse, à cet endroit « rien qu’à nous » qui le protégerait. C’est une bouée. Il s’y accroche.— Bien sûr, dis-je aussitôt, la voix un peu trop enjouée. On va délimiter l’espace. Choisir l’endroit exact.Hugo ho

ÉLÉALa terre sous mes ongles est encore là, une pellicule sombre et tenace. Je me regarde dans le miroir de la salle de bains, les mains posées sur le rebord du lavabo. La femme qui me fait face a les yeux cernés, mais son regard est clair. Pour la première fois depuis des mois, je me reconnais. Je reconnais la détermination dans la ligne de mes mâchoires, la fermeté retrouvée de ma bouche. La peur est toujours là, tapi dans un coin de ma poitrine, mais elle n’est plus aux commandes.Derrière la porte close, j’entends les bruits familiers du soir. Le choc doux d’une tasse posée sur la table de la cuisine. Les pas d’Hugo qui monte l’escalier pour mettre Milo au lit. La voix basse et grave de mon mari qui lit une histoire. Notre histoire, me dis-je. Pas celle qu’Isis a voulu écrire pour nous.Je passe mes mains sous l’eau froide, je frotte la terre. Elle ne part pas entièrement. Des traces persistent dans les rainures de ma peau, sous les ongles. Des traces de notre serment. Je les lai

ÉLÉALe réveil est doux, enveloppé dans la chaleur d’un corps familier. Mes yeux s’ouvrent sur la lumière filtrant à travers les stores, dessinant des raies dorées sur le drap. Je suis tournée vers la fenêtre, et dans mon dos, la présence d’Hugo est solide, tangible. Son bras est passé autour de ma taille, sa main ouverte à plat sur mon sternum, comme pour sentir les battements de mon cœur pendant la nuit. Nous ne nous sommes pas endormis ainsi. Nos mains entrelacées se sont dénouées, nos corps ont cherché cette proximité dans le sommeil, par une mémoire plus ancienne que la méfiance.Je ne bouge pas. Je reste là, à savourer la sensation oubliée. La sécurité. La simple chaleur humaine. Le poids de son bras n’est pas un piège, c’est un ancrage. Je respire profondément, et sa main monte et descend avec ma respiration. Il dort encore. Son souffle est régulier contre ma nuque.Puis, le souvenir de la veille déferle, non pas comme une vague froide, mais comme une validation. Le serment. Le

ÉléaTrois mois. Quatre mois loin. Loin de cette maison qui renaît. Loin du jardin à peine planté. Loin d’Hugo et de Milo, au moment où nous tentons de reconstruire le pont entre nous.— Luc… C’est… C’est trop tôt. C’est trop loin.— Éléa, ma chérie. C’est une opportunité qui ne se représentera pas. Barrand est un génie, mais il est aussi têtu. S’il te veut, c’est pour toi. Pas pour ton carnet d’adresses. C’est un rôle qui peut tout changer. Tout. Ta carrière, ta crédibilité, ton avenir. Réfléchis. Ne dis pas non tout de suite. J’envoie le script par courrier aujourd’hui. Lis-le. Juste lis-le. Et appelle-moi dans la semaine.Il raccroche avant que je puisse ajouter quoi que ce soit. Je reste debout dans la cuisine, le téléphone silencieux à la main, à regarder par la fenêtre le dos d’Hugo, penché sur les plants de tomates avec Milo. Leurs deux têtes, l’une sombre, l’autre blonde, si proches. Leur monde, petit, fragile, en reconstruction.Et voilà que l’univers, le grand, le bruyant, l

HUGOEt oui. Dieu, oui. Sous la cendre des mois de silence et de méfiance, la braise est toujours là, brûlante, vive. Le goût d’Éléa, un peu salé, un peu doux. La manière dont ses lèvres cèdent sous les miennes, puis répondent avec une fermeté croissante.Le baiser s’approfondit, naturellement, comme une marée montante. Mes mains quittent ses épaules, glissent le long de ses bras, remontent pour s’enfoncer dans ses cheveux. Ses mains, elles, s’accrochent à mon tee-shirt, serrent le tissu, puis se glissent en dessous. Le contact de ses paumes sur ma peau, nue, me fait grogner de plaisir dans sa bouche. Un son animal, involontaire. Un son qu’elle n’a pas entendu depuis si longtemps.Nous nous séparons pour respirer, le front toujours collé. Nos souffles sont courts, chauds.— Toujours là, souffle-t-elle, les yeux fermés, un sourire tremblant aux lèvres.— Toujours là, je confirme.Je prends son visage entre mes mains. Je l’embrasse à nouveau, avec plus d’assurance cette fois. Ma langue