All Chapters of Piège de la chaire: Chapter 21 - Chapter 30

ChloéLa nuit a été un champ de bataille silencieux. Allongée à côté de Liam, son corps une forteresse familière, j'ai senti nos démons se livrer une guerre sans merci dans l'espace entre nous. Il respirait calmement, endormi ou en train de feindre. Moi, je fixais le plafond, les mots d'Élise et de Liam se mélangeant en un poison concentré.« On ne joue pas avec le feu sans finir par brûler. »« Tu es devenue une version de moi. »Au petit matin, une résolution froide et tranchante s'est formée en moi. Je ne peux pas continuer ainsi. Je ne peux pas être cette chose hybride, cette thérapeute démoniaque. Je dois voir. Voir l'étendue réelle des dégâts. Comprendre jusqu'où je suis tombée. Et pour ça, il me faut une preuve. Une preuve qui ne soit pas dans les mots de Liam, mais dans les conséquences de mes actes.Je me lève avant lui. Je m'habille dans la pénombre. Je laisse un mot sur la table de la cuisine, un mensonge simple : « Urgence au cabinet. À ce soir. »Mon premier arrêt n'est p

ChloéLe bureau du Docteur Lavigne est exactement comme dans mes souvenirs. Des livres jusqu’au plafond, l’odeur du cuir et du café fort, une atmosphère de sagesse tranquille et immuable. Assise en face de lui, dans le fauteuil confortable réservé aux visiteurs, je me sens redevenir une étudiante, impressionnée et un peu intimidée.— Chloé. Quelle surprise, dit-il en ajustant ses lunettes. Mais une agréable surprise. Tu as l’air… fatiguée.Ses yeux bienveillants mais perçants me scrutent. Il voit tout, comme toujours. Je respire un grand coup, prête à tout déballer. Les mots sont sur le point de jaillir, une confession tumultueuse, un appel à l’aide.C’est alors que mon téléphone vibre dans la poche de mon manteau.Un réflexe. Je le sors, jetant un coup d’œil rapide à l’écueil.Et le monde s’écroule.La photo. Moi. Nue. Endormie. Paisible. Et sur mon épaule, la marque pourpre de ses dents. Un souvenir cuisant de cette nuit de fusion sauvage, de cette abdication totale.Et ses mots. «

ChloéLa vérité est un acide. Elle a brûlé son chemin hors de ma gorge, laissant un goût de cendre et de libération empoisonnée. J'avais envie de ton enfer. Ces mots, dits à voix haute, ont brisé quelque chose en moi. La dernière paroi. La dernière illusion.Liam ne me touche plus avec colère. Son corps sur le mien est une chute consentie, une noyade mutuelle. Quand il entre en moi, c'est avec la lenteur d'une sentence. Nos regards sont rivés l'un à l'autre. Il n'y a plus de larmes. Seule une acceptation vitreuse, un vertige partagé.— Maintenant, tu es mienne, murmure-t-il, sa voix rauque contre mon oreille. Pas à cause de mes menaces. Pas à cause de mes jeux. Parce que tu as choisi l'ombre. Comme moi.Je ne réponds pas. Je n'ai plus de mots. Mon corps est son acquiescement.Plus tard, nous sommes allongés dans le noir, nos souffles mêlés. La paix qui règne est fausse, comme le calme après une explosion nucléaire. Tout est irradié, changé à jamais.— Tu ne retourneras pas voir Lavign

LiamL'avion est un tunnel bruyant pressurisé, traversant la nuit. Chloé dort contre mon épaule, son souffle régulier bercé par le ronronnement des moteurs. Moi, je veille. Je regarde par le hublot l'obscurité infinie. Nous sommes entre deux mondes. Entre deux vies. L'ancienne est morte. La nouvelle n'a pas encore commencé.Mon esprit, toujours en alerte, fait le bilan. J'ai gagné. J'ai cette femme, autrefois si forte, si contrôlée, maintenant brisée et reconstruite à mon image. J'ai son âme entre mes mains, aussi malléable que de l'argile humide.Mais la victoire a un goût étrange. Moins sucré que je ne l'imaginais.Je repense à la scène de l'aéroport. Le carnet. Sa tentative désespérée de garder une trace. Une partie de moi a compris, à cet instant, que je ne détruisais pas seulement une ennemie. J'effaçais une œuvre d'art. La Docteur Valois était une construction magnifique, un équilibre précaire de force et de vulnérabilité, d'éthique et de compassion. Et je l'ai réduite en cendre

ChloéLa maison se dresse au bord d'une falaise surplombant la mer Noire, à plusieurs heures d'Istanbul. Isolée, entourée de pins noirs qui murmurent avec le vent, elle semble tout droit sortie d'un conte gothique. Trois étages de pierre sombre, des volets clos comme des paupières mortes, une allée de gravier qui crisse sous nos pas. C'est Liam qui l'a trouvée. "Une perle rare", avait-il dit. Une tombe, pense-je.— Elle est parfaite, commente-t-il en en faisant le tour, les mains sur les hanches. Assez éloignée pour ne pas être dérangée. Assez grande pour accueillir nos... invités.Invités. Le mot est élégant. Il cache la vérité : nos cobayes. Les âmes égarées que nous allons attirer ici pour notre expérience sans filet.— Elle a l'air... hantée, dis-je en frissonnant, bien que le soleil tape fort.— Tous les lieux de vérité le sont. Les murs retiennent les échos des confessions.Il s'approche de la lourde porte en chêne, sort une clé ancienne – pas la clé de laiton, une autre – et l'