All Chapters of Piège de la chaire: Chapter 31 - Chapter 40

LiamTrois semaines. La maison a avalé notre temps et notre énergie. Nous l'avons nettoyée, meublée sommairement, apprivoisée. Elle est devenue notre forteresse, notre cocon, notre cage. Chloé a changé. Une détermination froide a remplacé son hésitation. Elle élabore des protocoles, des "exercices d'introspection radicale". Elle est magnifique, mon archange déchu, prête à trancher dans l'âme des autres avec la précision qui la terrifiait autrefois.Nos premiers "invités" arrivent demain. Un couple. Markus et Elara. Lui, un magnat de la finance allemand en burn-out total, assoiffé de sens. Elle, son épouse, une femme éthérée et silencieuse, hantée par des terreurs nocturnes qu'aucun thérapeute n'a su exorciser. Ils ont payé une somme obscène. Leur désespoir est notre capital.Ce soir, une tempête se prépare. La mer se déchaîne, frappant la falaise avec une fureur qui fait trembler les vitres. Le vent hurle dans les cheminées. C'est le décor parfait.Je trouve Chloé dans la grande salle

ChloéLe lendemain, la tempête s'est calmée, laissant derrière elle un ciel d'un bleu cru et une mer d'huile. La maison, lavée par la pluie, semble plus imposante, plus réelle. Elle n'est plus un décor de cauchemar, mais une institution. Notre institution.Markus et Elara arrivent en début d'après-midi. Une berline noire et discrète les dépose au bout de l'allée. Ils en sortent comme on sort d'une bulle, lents, hésitants, éblouis par la lumière sauvage. Lui, Markus, est grand, taillé dans le granit, costume sombre impeccable malgré le voyage. Mais son visage est un masque de fatigue, ses yeux cernés trahissent un homme au bord de l'implosion. Elle, Elara, est menu, vêtue de lin blanc, des yeux immenses et pâles qui semblent absorber la lumière sans la rendre. Une feuille prête à se déchirer.Liam les accueille sur le perron, le sourire lisse du parfait hôte. Moi, je reste en retrait, sur le seuil de la porte, observant. Analysant. Déjà, je décortique leur langage corporel, la distance

ChloéTrois jours se sont écoulés. Trois jours à naviguer dans les eaux troubles de l'esprit de Markus et d'Elara. Les progrès, comme Liam les appelle, sont profonds. Trop profonds, peut-être.Markus n'est plus que l'ombre de l'homme arrogant qui est arrivé. Les séances avec Liam l'ont réduit à l'état de loque. Il erre dans la maison, murmurant des fragments de ses échecs, de ses trahisons d'affaires, de la haine qu'il porte à son père. Liam a démonté pièce par pièce l'édifice de son ego. Il n'en reste qu'un vide tremblant.Elara, au contraire, semble s'épanouir. Ses sessions avec moi sont devenues des dialogues à trois – elle, moi, et l'Entité, comme nous l'appelons maintenant. L'Entité se fait plus précise, plus personnelle. Elle donne des conseils, des avertissements. Elle a prédit la chute boursière d'une entreprise que Markus convoitait, une information qu'Elara ne pouvait pas connaître. Markus, lorsqu'il l'a appris, a regardé sa femme avec une terreur mêlée de convoitise. Un out

Chloé—Les jours qui suivent sont étrangement calmes. La maison semble retenir son souffle, digérant le choc, le sang. Liam repose dans notre chambre, sous ma surveillance constante. La fièvre le tenaille, mais l'infection semble s'éloigner. Son corps, si fort, si dominant, est vulnérable. Je change ses bandages, je lui donne de l'eau, je surveille son sommeil agité. Chaque geste est une réaffirmation de mon pouvoir sur lui. L'élève a soigné le maître.Markus et Elara errent comme des fantômes. L'incident les a profondément marqués. Markus, surtout. Avoir été témoin de la vulnérabilité de Liam, de ma propre transformation en chirurgien de fortune, a brisé ses dernières résistances. Il est devenu docile, presque transparent. Elara, elle, semble renforcée. Son Entité, dit-elle, a été satisfaite par "l'offrande". Elle passe ses journées à la fenêtre, à regarder la mer, murmurant des conversations que nous ne pouvons entendre.Quant au clochard… Nous l'avons enfermé à nouveau au sous-sol

Liam—Le corps du clochard repose dans l'ancienne glacière à vin, au sous-sol. Le froid ralentira la décomposition. Nous devons décider de son devenir ultime. La mer, peut-être. Une tombe anonyme dans les pins. Les détails pratiques, soudain, prennent une importance macabre.Mais pour l'instant, c'est le silence qui règne.Markus et Elara sont retournés dans leurs chambres, choqués, transformés. Markus a vomi après la scène. Elara, elle, est entrée dans une transe, murmurant des remerciements à son Entité pour le "spectacle". Leurs réactions opposées dessinent les limites de ce que nous pouvons leur faire endurer. Ou de ce qu'ils peuvent accepter d'eux-mêmes.Chloé est assise près de la fenêtre de notre chambre, le regard vide, les mains immaculées. Elle les a lavées avec une frénésie méticuleuse, mais je sais qu'elle sent encore le poids du couteau, la résistance de la chair, le jaillissement chaud du sang. C'était elle qui tenait la lame. Moi, je n'ai fait que guider son bras, une