La perfection trop tardive
D'après le médecin, sans le nouveau traitement expérimental, il me restait seulement 72 heures à vivre.
Mais la seule place pour ce traitement, Adrien Leroux l'a donnée à Éléna Lemoine.
« Son insuffisance rénale est plus grave », a-t-il dit.
J'ai hoché la tête, puis j'ai avalé les comprimés blancs qui allaient accélérer ma mort.
Durant le temps qu'il me restait, j'ai fait beaucoup de choses.
Au moment de signer, la main de l'avocat tremblait.
« Vous voulez vraiment céder la totalité des actions ? Vingt milliards ? »
J'ai répondu : « Oui. Donnez-les à Éléna. »
Ma fille, Chloé, riait dans les bras d'Éléna : « Éléna m'a acheté une nouvelle robe ! »
J'ai dit : « Elle te va bien. Il faudra bien l'écouter, d'accord ? »
La galerie que j'avais fondée de mes propres mains porte désormais le nom d'Éléna.
« Tu es magnifique, Camille », a-t-elle pleuré.
J'ai dit : « Tu la géreras mieux que moi. »
Même le fonds fiduciaire de mes parents, j'y ai renoncé.
Et Adrien Leroux a enfin souri pour la première fois en toutes ces années. Un vrai sourire.
« Camille, tu as changé. Tu n'es plus aussi agressive qu'avant. Tu es belle comme ça. »
Oui. Moi, Camille, sur le point de mourir, je suis enfin devenue cette femme parfaite à leurs yeux - docile, généreuse, silencieuse.
Le compte à rebours des 72 heures a commencé.
Je me demande, à l'instant où mon cœur cessera de battre, qu'est-ce qu'ils retiendront de moi ?
L'épouse exemplaire qui a enfin appris à lâcher prise, ou cette femme qui a choisi la mort comme ultime revanche ?