Chapitre 3

Point de vue d'Émilie

Je me suis étirée avec un doux sourire paresseux, me retournant dans mon lit tandis que la lumière matinale filtrait à travers les rideaux. Pendant un instant, les craintes de la veille semblaient lointaines. Puis mon portable a vibré sur la table de chevet, et j'ai tendu la main pour l'attraper en marmonnant : « Qui peut bien se lever si tôt... »

Quand j'ai déverrouillé l'écran, un numéro inconnu s'est affiché, suivi d'un message qui m'a glacé le sang :

« Louis t'a trompée. »

« Quoi ? », me suis-je exclamée en me redressant d'un bond. « Non, non, non. Je dois rêver. »

Le téléphone a glissé de mes doigts tremblants et est tombé au sol. Je suis sortie du lit en titubant, avec l'esprit brouillé. Une tempête d'émotions m'a submergée : l'incrédulité, la colère, et une tristesse déchirante. Étais-je la seule dans l'ignorance ? Tout le monde semblait-il être au courant sauf moi ?

« Respire, Émilie, respire. », me suis-je dit en passant une main tremblante dans mes cheveux. « C'est sûrement une blague. Oui, c'est probablement ça. » Mais en prononçant ces mots, j'ai croisé mon reflet dans le miroir de la chambre et j'ai vu le doute sur mon visage.

« J'ai besoin d'air. », ai-je murmuré en me dirigeant vers la cuisine. Les murs de cette demeure somptueuse semblaient se refermer sur moi, m'étouffant de leur silence accusateur.

Au moment où je me suis apprêtée à ouvrir la porte derrière, j'ai entendu la porte d'entrée s'ouvrir.

« Émilie ! Youhou ! » La voix enjouée de ma belle-mère a résonné.

« Pas maintenant, Lucy... », ai-je marmonné pour moi-même. Le timing était impeccable, comme toujours, et jamais dans le bon sens.

Elle est entrée dans la cuisine, tenant un grand thermos. « Je sais que tu as des... difficultés à concevoir, ce qui, comme je le dis depuis le début, est dû à tout ce vin que tu bois. » Évidemment, il fallait qu'elle me fasse passer pour la fautive et pour une ivrognesse par-dessus le marché ! Son faux sourire s'est élargi. « Regarde ce que j'ai apporté ! C'est ma soupe spéciale maison pour la fertilité. Ça va te mettre enceinte presque instantanément ! »

« Ah, euh, merci. », ai-je murmuré, regardant le liquide trouble qu'elle versait dans un bol. J'ai senti une vague de nausée, pas seulement à cause de la soupe mais de tout ce qui s'était révélé ces dernières 24 heures. « Mais je ne pense pas pouvoir... »

Le sourire de Lucy a disparu aussitôt. « Émilie, tu es toujours si ingrate. Tu crois que je me donnerais tout ce mal pour Louis, mon propre fils ? Non ! C'est pour toi, et tu me le rejettes à la figure ! »

Ses paroles m'ont blessée, me rappelant la pression constante pour me conformer à ses attentes, pour être l'épouse parfaite, la belle-fille parfaite. Mais comment pouvais-je me concentrer là-dessus quand je sentais mon monde s'écrouler autour de moi ?

« Je suis désolée, c'est juste que... », ai-je commencé, mais elle m'a interrompue en me fourrant le bol dans les mains. Quand je regardais la soupe, mon estomac s'est retourné et j'ai ravalé ma bile. Flottant parmi les brindilles et les feuilles, il y avait ce qui ressemblait à de minuscules vers morts.

« Mon Dieu. », me suis-je étranglée, avec les mains tremblantes. Le bol a glissé et s'est fracassé au sol.

Le visage de Lucy s'est tordu de rage. « Sale petite ingrate ! », a-t-elle hurlé. « Tu fais ça pour me contrarier, n'est-ce pas ? Tu crois que tu peux jouer avec mes émotions, c'est ça ? »

J'ai reculé d'un pas, regardant la soupe et les morceaux de céramique. Ça avait l'air encore plus répugnant par terre. « Non, je... »

« Tu es tellement manipulatrice, je savais que mon fils avait choisi une horrible épouse, je l'ai su dès le début ! »

Malgré tout, la colère est montée en moi face à ces attaques personnelles. « Lucy », ai-je dit d'une voix à peine maîtrisée, « tu es particulièrement grossière et... »

Lucy a éclaté de rire. « C'est toi qui me traites de grossière ? Quelle ironie ! » Elle a secoué la tête comme si ses insultes l'amusaient. Puis un rictus est revenu sur son visage, et elle a sorti son téléphone.

« Je vais te montrer ce qu'est la grossièreté. J'appelle ton père, et je retire mes fonds ! Je vais m'assurer que son entreprise soit ruinée. »

L'effroi m'a parcouru l'échine. « Lucy, arrête ! », ai-je supplié. « Il n'a rien à voir là-dedans ! » L'entreprise de mon père avait déjà connu une année difficile, ils ne pouvaient pas se permettre de perdre davantage de financement. Le fait que nos vies soient si étroitement liées rendait toute cette situation dix fois pire. Que ferais-je si Louis avait vraiment... ?

Avant que je puisse réagir, sa main a fusé, me giflant violemment. La douleur était vive et j'ai vacillé. Lucy n'aurait pas dû pouvoir frapper si fort. Je n'aurais pas dû me sentir si anéantie par ce coup. Mais j'ai presque perdu l'équilibre sous l'impact. J'ai respiré difficilement en touchant ma joue, sentant la chaleur monter sous mes doigts.

Les souvenirs de la veille ont resurgi : la boîte de préservatifs, les cheveux blonds, le parfum inconnu. Chaque réminiscence semblait être un nouveau clou dans mon cercueil, alors j'ai secoué la tête, essayant de clarifier mes pensées. Était-ce de la paranoïa ? Ou avais-je ignoré tous les signes ? L'idée d'avoir pu être aveugle à la vérité était presque aussi douloureuse que la trahison.

Et Lucy. Mon Dieu, Lucy avait été une épine dans mon pied tout au long de ce mariage, même avant qu'on se marie. Elle avait saboté ma soirée d'enterrement de vie de jeune fille, lançant des rumeurs sur ma petite sœur qui l'avaient fait pleurer. Elle avait insisté pour venir en vacances avec nous l'année dernière et nous avait donné des ordres tout au long. Et il y a deux mois, elle avait raconté à toute la famille les soi-disant problèmes de fertilité dont je ne pensais même pas souffrir ! Lucy était une belle-mère infernale qui me tourmentait à chaque occasion.

Quand j'ai pris pleinement conscience de tout cela, quelque chose s'est brisé en moi. J'ai saisi mon téléphone et j'ai composé le numéro de Louis.

« Qu'est-ce que tu crois faire ? », a hurlé Lucy en arrière-plan, mais je l'ai ignorée, concentrée sur un seul objectif.

Finalement, Louis a décroché. « Émilie ? Qu'est-ce qui ne va pas ? » Sa voix a résonné, teintée d'inquiétude. « Tu n'appelles jamais pendant les heures de travail. »

« C'est fini ! », ai-je crié. « Je veux divorcer ! » Les mots ont jailli, alimentés par la colère, la douleur et toutes les émotions qui s'étaient accumulées depuis, j'ai réalisé, dix ans. C'étaient des mots que je n'aurais jamais imaginé prononcer, mais à cet instant, ils semblaient être le seul moyen de reprendre le contrôle sur cette situation.

« Quoi ? Émilie, calme-toi. Que s'est-il passé ? », a demandé Louis, sa voix montant dans la panique.

Mais la pièce tournait. Alors que l'obscurité m'envahissait, j'ai entendu Louis appeler mon nom, sa voix s'estompant tandis que je m'effondrais au sol.