MasukGrâce
Je n’ai presque pas dormi.
Peut-être une heure. Deux tout au plus.
Le reste du temps, je suis restée là, les yeux ouverts sur l’obscurité, avec cette sensation d’étranglement au creux de la gorge.
Comme si mes pensées avaient pris toute la place. Comme si mon propre corps était devenu trop étroit pour les contenir.
Mon esprit tourne en boucle.
Encore.
Encore.
Encore.
Les mots de Florent.
Son regard.
Ce moment suspendu où il a frôlé ma peau ou peut-être ma volonté.
Ce pas que j’ai fait en arrière, le seul geste de survie qui me reste.
Je l’ai repoussé, oui. Mais je sais que ce n’était pas une victoire. C’était juste un sursis.
Et ce sursis va durer quatre mois.
C’est ça, la nouvelle réalité :
quatre mois de cohabitation.
Noura et Florent ont quitté leur appartement en travaux, et ils vivent ici, avec nous, jusqu’à la fin de la rénovation.
C’est temporaire.
Mais ce "temporaire" me colle à la peau comme un piège.
Quatre mois à partager les pièces, les repas, les couloirs.
Quatre mois à croiser ses yeux, à entendre sa voix dans la pièce d’à côté, à guetter inconsciemment le son de ses pas dans l’escalier.
Quatre mois à faire semblant.
Je me lève comme on se dégage d’un cauchemar trop dense.
Lentement. En morceaux.
Sous la douche, l’eau est tiède. Inutile. Elle glisse sur ma peau sans me laver de rien.
Je voudrais qu’elle efface la veille. Qu’elle m’arrache cette brûlure qui palpite dans le creux de mon cou, là où il a presque posé les lèvres.
Mais il n’y a rien à effacer. Rien n’a été "fait".
Et pourtant… tout a basculé.
Je m’habille vite. Un pull ample, gris pâle. Un pantalon fluide.
Je ne veux pas qu’on me voie aujourd’hui.
Je ne veux pas qu’il me voie.
Quand je descends, la maison est déjà éveillée.
Le parfum du café m’agresse.
Je sais que c’est lui qui l’a préparé. Il le fait tous les matins, même quand ce n’est pas chez lui. C’est presque sa façon de dire "je suis là".
Et ça me rend folle.
Et puis j’entends sa voix. Pas celle de Florent. Celle de Noura.
Claire. Rieuse. Pleine de vie.
— Tu dors tard aujourd’hui ! Je croyais que tu étais déjà sortie !
Elle est là, assise dans la cuisine, les cheveux encore humides, une tasse dans les mains.
Sa beauté naturelle, sa joie, sa désinvolture me frappent.
Elle est heureuse d’être ici. Elle aime cette maison, cette ambiance.
Elle se sent chez elle.
Et moi… je suis étrangère à moi-même.
— J’ai mal dormi, je réponds. C’est vrai. Mais pas pour les raisons qu’elle croit.
Je m’assieds. Je prends ma propre tasse. Mes doigts tremblent légèrement.
Noura parle. Elle raconte ses rêves, une série qu’elle a commencée, les couleurs qu’elle imagine pour leur futur salon.
Elle me montre des photos sur son téléphone.
Elle rit. Elle rayonne. Elle croit en l’avenir.
Et moi, je suis incapable de suivre.
Florent n’est pas dans la pièce.
Mais je sens qu’il est là.
Dans le couloir. À l’étage. Ou dans ma tête, peu importe.
Il est là.
Il ne me faut pas ses mots. Il suffit de son absence pour qu’il hante déjà l’air.
Je bois une gorgée de thé. Il est tiède, amer. Je me surprends à me demander si c’est lui qui l’a préparé.
Et cette pensée seule me donne envie de pleurer.
— Tu es sûre que ça va ? demande Noura. Son regard se fait plus attentif.
Je me fige.
Une fraction de seconde. C’est tout ce qu’il faut pour que la panique me saisisse.
Est-ce qu’elle sent quelque chose ?
Est-ce que mon silence trahit ? Est-ce que ma main tremble trop ? Mes yeux fuient trop vite ?
Je relève la tête. Je souris.
— Juste un peu fatiguée, je dis. Rien de grave.
Elle hoche la tête. Elle me croit. Ou elle fait semblant.
Elle retourne à son téléphone, me laissant dans le silence.
Mais ce silence-là est terrible.
Parce qu’il est plein de ce que je ne dis pas.
Je n’ai pas embrassé Florent.
Il ne m’a pas touchée.
Mais je le porte en moi.
Pas dans le corps pas encore.
Mais dans mes pensées. Dans cette attente trouble qui m’écœure autant qu’elle m’aimante.
Je sais ce qui m’attend, si je ne fuis pas.
Je sais que chaque jour sera plus difficile que le précédent.
Chaque repas partagé. Chaque regard évité. Chaque contact effleuré dans un couloir trop étroit.
Et je sais surtout… que si je cède, c’est Noura que je détruirai.
Elle est là. Pleine de confiance.
Elle me parle, m’offre sa tendresse sans méfiance.
Et moi, je suis en train de devenir celle qui pourrait lui briser le cœur.
Alors je me lève. Je m’excuse. Je prétexte une balade, une course, un besoin d’air.
— Tu veux que je vienne avec toi ? propose-t-elle, si naturelle, si sincère.
Je secoue la tête trop vite.
— Non, j’ai besoin d’être un peu seule. Ça ira.
Elle ne pose pas de question.
Elle me fait confiance.
Et c’est ça, le plus douloureux.
Je sors.
Je respire fort.
Je marche vite. Trop vite. Comme si fuir à pied pouvait me libérer de ce que j’ai laissé germer.
Le vent me gifle, m’arrache les larmes que je refuse d’avouer.
Mais rien n’efface ce qu’il a réveillé.
Rien ne m’éloigne de cette vérité nue :
je suis en train de brûler de l’intérieur.
Et j’ai peur.
Peur de ne plus savoir comment m’arrêter.
Peur que quatre mois dans la même maison… soient un compte à rebours, pas une épreuve.
LinaLe regard d'Ervan me transperce avant même que ses doigts ne frôlent ma joue. Nous sommes dans ma chambre, l’air épais, chargé de cette tension qui ne nous quitte jamais. Les murs semblent trop proches, le lit derrière moi trop présent. Lui, debout à quelques centimètres, les épaules raides sous sa chemise impeccable, la mâchoire verrouillée comme s’il retenait quelque chose de brutal. Moi, dos contre le mur, la robe collée à ma peau moite, le cœur battant à un rythme qui n’a rien de normal.Il se penche vers moi. Je sens son après-rasage, bois et épices, cette odeur sombre qui me fait toujours vaciller.— Ne fais pas ça.Sa voix râpe ma nuque. Un doigt glisse sur ma joue, lentement, jusqu’à mon menton qu’il relève sans douceur, m’obligeant à croiser son regard.— Pas maintenant.Je détourne les yeux. Pas par provocation. Parce que s’il me regarde trop longtemps, il verra tout. La colère. Le désir. Cette guerre qui me déchire.— Je ne fais rien.Je mens. Ma voix tremble. Il le sa
LinaIl grogne contre ma peau, le son vibrant contre mon sein, avant de passer à l’autre, lui offrant le même traitement. Mes cuisses se serrent l’une contre l’autre, désespérées, mais c’est pire que tout. Le frottement du tissu de ma culotte contre mon clito déjà gonflé me fait presque jouir sur-le-champ.— Tu es si réactive, murmure-t-il en relevant la tête, ses lèvres brillantes de salive. Comme si tu avais attendu ça toute ta vie.Je ne réponds pas. Je ne peux pas. Parce que c’est vrai.Ses mains glissent le long de mon ventre, tracent des motifs invisibles sur ma peau, avant de s’arrêter à la taille de ma culotte. Il hésite une seconde, une seule, avant de tirer d’un coup sec. Le tissu se déchire presque. Je sursaute, mais il est déjà à genoux devant moi, ses doigts agrippant mes hanches pour m’empêcher de reculer.— Regarde-moi, ordonne-t-il.J’obéis.Et puis sa bouche est là.Sa langue me lèche d’un seul coup, large, plate, du bas de ma fente jusqu’à mon clito, et je crie. Vrai
LinaLa pénombre enveloppe ma chambre comme un voile épais, filtrant les derniers rayons du soleil couchant à travers les rideaux tirés. L’air est lourd, chargé d’une tension électrique qui me fait frissonner malgré la chaleur étouffante. Je suis assise sur le bord du lit, les doigts crispés sur le tissu froissé de ma robe d’été, trop légère, trop transparente. Pourquoi je l’ai mise, celle-là ? Une question stupide. Je connais la réponse. Parce que je savais. Parce que je l’ai voulu.La porte s’entrouvre sans un bruit, comme si le bois lui-même retenait son souffle. Mes épaules se raidissent, mais je ne me retourne pas. Je ne peux pas. Pas encore. Pas avant qu’il ne soit trop tard pour reculer.Ses pas sont feutrés, presque imperceptibles, mais je les sens vibrer dans chaque terminaison nerveuse de mon corps. Il s’approche. L’odeur de son parfum, boisé, épicé, avec cette pointe de tabac froid qui me fait toujours tourner la tête, m’enveloppe avant même que ses doigts n’effleurent mon
EvanJe mens avec une facilité déconcertante. C’est devenu une seconde nature. Mentir à Jade est comme respirer. Mentir à Lina… c’est un sport. Un art. Elle, au moins, sait que je mens. Elle voit les ficelles. Cela rend le jeu bien plus excitant.Je l’ai observée ce matin. Les cernes sous ses yeux. La pâleur de son visage. La façon dont elle évitait tout contact, même visuel. Elle est détruite. Pas par la violence, mais par la révélation. La révélation de sa propre faiblesse. De son désir pour le loup dans la bergerie.C’est parfait.La fragiliser était nécessaire. Maintenant, elle sait. Elle sait qu’elle n’est pas aussi forte qu’elle le croit. Qu’elle n’est pas immunisée contre moi. Le mépris est toujours là, je le sens. Mais il est mêlé à la peur, et à quelque chose d’autre… de la fascination. Une fascination répugnée, mais réelle.Le plan initial reste le même : protéger mon image, mon couple avec Jade, mon intégration dans cette famille confortable. Lina était une menace. Elle l’e
LinaLe soleil perce à travers les lattes des volets, striant le lit de bandes de lumière crues. Je suis éveillée depuis des heures, immobile, les yeux grands ouverts fixant le plafond. Mon corps est un champ de ruines. Chaque muscle est douloureux, chaque nerf à vif, comme si on m’avait battue. Mais les pires blessures sont invisibles. Elles brûlent à l’intérieur, honteuses et profondes.La nuit a été un long cauchemar de veille. Chaque fois que je fermais les yeux, je le revoyais. Sa silhouette dans l’ombre. Sa main sur ma peau. La chaleur de sa langue. Le son de ma propre voix, brisée par le plaisir. Je me suis levée à l’aube pour prendre une deuxième douche, froide celle-là, frottant ma peau jusqu’à ce qu’elle soit rose et douloureuse, essayant de me laver de lui. En vain. La sensation est gravée. L’odeur de son savon, mêlée à celle de mon propre désir traître, semble imprégnée dans les murs.Un bruit dans le couloir. Des pas légers. Jade.Mon cœur se serre à s’arrêter. La culpabi
LinaLe retour est un brouillard. La voiture de Théo, l'odeur de son après-rasage trop doux, le bruit du moteur… tout semble étouffé, lointain. Mon corps est encore une plaie vive, chaque nerf vibrant du choc de la confrontation avec Evan. La victoire dans les toilettes du bar a un goût de cendres. C’était une retraite, pas une défaite pour lui. Je l’ai senti.Devant ma porte, Théo me sourit, doux, prévisible. Il se penche et pose ses lèvres sur les miennes. C’est un baiser gentil, pressant, plein d’une intention tendre. Je devrais m’y accrocher. Je devrais y chercher un refuge, un antidote. Mais mon sang reste de glace. Ma peau est sourde. Il n’éveille rien, si ce n’est une vague gratitude teintée de culpabilité. Je réponds par politesse, par devoir, par l’espoir fou que quelque chose, enfin, s’enflamme.— À demain, Lina ? murmure-t-il contre ma bouche.—À demain, Théo.Je monte l’escalier, chaque marche un poids supplémentaire. La maison est silencieuse, endormie. La chambre de Jade







