Camila ne savait pas à quoi s’attendre, mais certainement pas à ça.
Après l’appel étrange de la veille, elle avait reçu un SMS. Sobre, presque inquiétant. Une adresse. Pas de nom, pas d’entreprise, juste une phrase : « Un chauffeur passera vous prendre demain à 17 h 50 précises. Préparez-vous. » Pas de signature, juste ça. L’adresse menait à un quartier résidentiel, loin de ses trajets habituels. Elle avait d’abord cru à une blague. Ou pire, une arnaque. Mais quelque chose, un mélange d’instinct et de curiosité, l’empêchait de supprimer le message. Elle en avait parlé à Léna, brièvement, presque gênée. — Tu vas vraiment y aller ? avait demandé sa coloc, inquiète. — Franchement… je sais pas. Mais si c’est un piège, au moins je serai bien habillée pour me faire kidnapper. Humour défensif. L’arme des désespérées. Le lendemain à 17h, elle se maquillait devant le petit miroir ébréché de la salle de bain. Rien de trop extravagant, mais assez pour se sentir en contrôle. Elle s’était glissée dans une robe noire sobre, élégante, une qu’elle gardait pour les entretiens “importants” — ou les rendez-vous qu’elle espérait un peu plus. À 17h49, la voiture était là. Un monstre noir aux vitres fumées, visiblement sorti tout droit d’un catalogue de luxe. Camila avait hésité à s’approcher, le cœur battant. Mais le chauffeur, en costume impeccable, était sorti, l’avait saluée par son prénom et lui avait ouvert la portière avec une révérence digne d’un film de mafieux. — Camila N’doye ? Montez, s’il vous plaît. Elle s’était exécutée, le cuir des sièges encore tiède. Silence total dans l’habitacle. Pas de musique, pas de mots. Juste le ronronnement discret du moteur et le paysage urbain qui défilait lentement, trop lentement. Le quartier où ils s’étaient arrêtés semblait appartenir à une autre dimension. Des villas gigantesques, des haies taillées au millimètre, un calme presque irréel. Pas un enfant qui crie, pas une voiture qui klaxonne. Tout était... trop parfait. La maison devant laquelle la voiture s’était arrêtée avait des volets gris anthracite, et une porte d’entrée massive, encadrée de marbre. Une odeur florale flottait dans l’air — douce, mais entêtante. Une jeune femme en tailleur beige l’attendait à la porte. — Mademoiselle Camila ? Veuillez me suivre, s’il vous plaît. À l’intérieur, tout n’était que faste et silence feutré. Lustres étincelants, moquette moelleuse sous ses pieds, tableaux qu’on n’ose même pas regarder de trop près. Elle avait été conduite dans un petit salon d’attente, si luxueux qu’elle n’osait même pas poser son sac sur les fauteuils. Elle attendit. Trente longues minutes. Les yeux scrutant chaque détail, chaque objet, espérant comprendre ce qu’elle faisait là. Puis enfin, la porte s’était ouverte. — Camila ? Entrez, je vous en prie. La voix était douce mais ferme. Une femme d’une soixantaine d’années, élégante, tirée à quatre épingles, l'attendait derrière un bureau en acajou. Pas de sourire. Pas de chaleur dans le regard, juste un calme… étrange. Bizarrement Camila avait l'impression de l'avoir déjà vu mais elle n'y fit pas plus attention. Elle entra, le souffle un peu court. — Vous devez vous demander pourquoi vous êtes ici, n’est-ce pas ? Elle hocha la tête. — Oui, un peu… — Bien. Ce que nous allons discuter aujourd’hui, Mademoiselle N’doye, n’est pas un entretien classique. Il n’y aura pas de CV, pas de lettre de motivation. Ce que nous recherchons ne s’apprend pas dans les écoles. Camila sentit une sueur froide lui couler dans le dos. — D'accord… mais… qui êtes-vous exactement ? Un léger sourire se dessina sur les lèvres de la femme. — Appelez-moi Madame E. Mon nom n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est ce que je peux vous offrir. Elle sortit alors une enveloppe noire d’un tiroir. La posa lentement devant elle. — Vous avez du potentiel, Camila. Un potentiel que vous-même, vous ne soupçonnez pas encore. Mais pour le révéler… il faut accepter de sortir du monde que vous connaissez. D’entrer dans un autre. Un silence. Glacial. — Ce que je vous propose, c’est une opportunité. Une vie que vous n’auriez jamais pu imaginer. Mais aussi… un engagement total. Camila sentait son cœur battre dans ses oreilles. Elle aurait dû fuir. Dire non. Mais elle était là, figée, comme si chaque mot de Madame E. tissait une toile invisible autour d’elle. Elle tendit lentement la main vers l’enveloppe noire. La suite allait tout changer.Le bruit de ses talons résonnait dans le couloir d’Aetherium comme un métronome nerveux. Camila avançait d’un pas déterminé, le regard fixé droit devant elle. Ça fesait maintenant trois mois qu'elle travaillait pour Madame E, et trois mois maintenant quelle repoussait sans arrêt sa confrontation avec elle . Mais ce lundi matin là n’avait rien d’un jour banal. Elle avait décidé que le flou, les secrets, les manipulations déguisées en mentorat, tout ça… c’était terminé. Devant la porte en verre du bureau de Madame E, elle inspira profondément. — "Tu veux la voir maintenant ?", demanda la secrétaire, un peu surprise par son assurance inhabituelle. — "Oui. C’est important." La porte s’ouvrit après un court instant. Madame E, comme toujours, impeccable dans son tailleur prune, l’observa longuement avant de lui faire signe d’entrer. — "Ferme la porte derrière toi." Camila s’exécuta, le cœur tambourinant. Elle s’assit face à cette femme qui, pendant des jours l’avait menée par
> « Les silences entre certaines personnes sont plus bruyants que mille mots. »Le week-end avait démarré comme une échappée. Léna, fidèle à elle-même, s'était réveillé avec cette envie furieuse d’oublier les mecs, le taf et les déceptions.— "Ma chérie, ce week-end on est en mode Beyoncé & Rihanna. Aucun homme n’a le droit de rentrer dans notre aura.", avait-elle déclaré. Camila avait éclaté de rire, incapable de lui dire non. Léna avait ce pouvoir de remettre du soleil dans sa tête, même quand l’orage grondait dedans. Depuis sa discussion avec Seth, elle avait évité tout contact. Même les messages s’étaient transformés en néant.Et ce silence… la bouffait.---Samedi soir – Lumières, musique et fureurUn peu (beaucoup) maquillées, habillées comme des bombes prêtes à faire exploser une boîte, elles étaient sorties. Léna portait une robe en cuir rouge, Camila une combinaison noire au dos nu vertigineux. Elles faisaient tourner des têtes. Et elles le savaient.— "Ce soir, on danse co
La journée tirait lentement à sa fin.Dans les couloirs silencieux d’Aetherium, Camila déambulait comme un automate, le visage impassible, les gestes précis… mais le cœur, lui, se décomposait peu à peu.Elle n’avait rien laissé paraître. Elle avait salué, souri, rempli les tâches qu’on lui confiait sans broncher. Même quand elle croisait Seth au détour d’un couloir, elle se contentait d’un bref regard, sans un mot. Comme si de rien n’était. Comme si son monde ne venait pas de se fissurer.Mais dès qu’elle poussa la porte de son appartement, la façade s’effondra.Elle se laissa glisser le long du mur de l’entrée, ses jambes enfin libérées du poids de la retenue. Les larmes jaillirent sans prévenir, brûlantes, silencieuses, incontrôlables.Elle finit par se traîner jusqu’à sa chambre, après salué Léna et refusé de dîner. Quand Lena frappa timidement à la porte, Camila répondit d’une voix éteinte :— Je suis juste fatiguée… J’ai mal à la tête. Je vais dormir.— Tu veux pas manger quelqu
Il était presque deux heures du matin quand Seth poussa enfin la porte de son appartement. L’air était froid, silencieux, presque menaçant. Il avait encore dans les veines les restes chauds du vin rouge partagé avec Camila, et sur les lèvres… le goût d’un "presque-baiser".Son téléphone vibra faiblement sur la console d’entrée. Un message.> Camila : J’espère que tu es bien rentré.Il laissa l’écran allumé quelques secondes, le regard dur, les mâchoires contractées. Puis, sans même répondre, il balança l’appareil sur son bureau avec une force sèche. D’un geste brusque, il renversa tout ce qui s’y trouvait : papiers, verres, livres, dossiers. Un fracas éclata dans la pièce. Son souffle était court.— Tu as de beaux yeux…, répéta-t-il à voix basse, presque avec dégoût.Mais qu’est-ce qui lui avait pris ?Il fit quelques pas dans la pièce, le regard vide, puis se laissa tomber sur le canapé. Les coudes sur les genoux, la tête entre les mains.— Bordel, Seth… ressaisis-toi. Tu vas tout fo
Les jours s’étaient écoulés lentement, avec ce goût étrange d’attente suspendue. Le jeudi arriva enfin. Le gala était à 21 heures précises. A 19h 30 déjà l'équipe de maquilleuses et stylistes recrutée par Madame E étaient au domicile de Camila. Ils l'avaient sublimé de la tête aux pieds. A 20h 15 Seth arriva pour la chercher , il fut accueilli par Léna qui le conduisit directement dans la chambre de Camila . Il avait l’habitude des femmes belles. Trop belles. Celles qui savaient qu’elles l’étaient, et celles qui essayaient de le faire croire. Il les avait toutes croisées. Toutes séduites. Toutes oubliées. Mais ce soir-là, lorsqu’il entra dans la chambre baigné de lumière douce et vit Camila en train de se faire maquiller, il sentit... une étrange tension au creux de son ventre. Rien qu’un peu de nervosité, sans doute. Il s’efforça de rester impassible. Elle portait une robe émeraude, fendue juste ce qu’il fallait, épousant ses courbes sans vulgarité. Sa peau semblait encore plus do
Le silence avait lentement envahi le bureau de Camila, à peine rompu par le bruissement des pages et les soupirs de lassitude. Elle avait fini par ravaler sa nausée, se redressant lentement, un verre d’eau entre les mains, les yeux toujours rivés au dossier. — Bon... reprit-elle d’un ton plus assuré. On y va . Seth, adossé au mur bras croisés, l’observait. Il hocha lentement la tête avant de s’asseoir en face d’elle. — On va devoir s’y prendre avec méthode. Ce type est un vrai serpent, et il ne fait confiance à personne. Il aime les jeunes femmes exotiques, ambitieuses, qui semblent "dociles", mais qui ont du répondant... si c’est bien dosé. — Charmant, grimaça Camila. — Tu vas devoir l’approcher via un gala caritatif ce jeudi. Il y sera. Ce sera notre porte d’entrée. — Un gala. Et tu comptes me déguiser en princesse pour l’occasion ? — En reine, répondit Seth avec un demi-sourire. Camila leva les yeux au ciel, puis se pencha à nouveau sur les documents. Ensemble, ils