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Bound to you
Bound to you
Author: Adek

L'odeur du café, la lassitude et une lueur d'espoir

Author: Adek
last update Last Updated: 2025-07-29 01:00:55

Le réveil sonna à 5h45.

Camila ne sursauta même pas. Elle tendit la main, l’éteignit d’un geste mou, puis resta là, les yeux ouverts, fixant le plafond jauni de leur petit studio. Le même plafond qu’elle fixait tous les matins depuis maintenant 3ans, quand elle n’avait pas le temps de rêver, et qu’elle n’avait pas non plus la force de fuir la réalité.

La chambre était silencieuse, à peine troublée par le ronflement étouffé de Léna, sa colocataire, enfouie sous une pile de couvertures. Camila se leva sans bruit, attrapa son jean noir élimé et son t-shirt beige — l’uniforme du jour — et fila à la douche.

Dehors, la ville se réveillait dans un concert de klaxons et de moteurs fatigués. Elle attrapa un pain au chocolat de la veille, encore un peu mou, et s’engouffra dans le bus 208, direction le centre. Ses écouteurs crachaient une playlist bancale, mais c'était suffisant pour couvrir les cris d’un enfant qui pleurait trop fort dans le fond du bus.

Le Café Rivoli était déjà plein quand elle arriva. L’odeur du café brûlé, du sucre renversé sur le comptoir, et de la fatigue collective s’imposait comme un coup de massue. Elle salua vaguement le chef de salle, enfila son tablier, et prit sa première commande de la journée. Un cappuccino avec du lait d’amande, double dose de sucre. Le client, un habitué, ne daigna même pas lever les yeux.

Le grésillement des machines à expresso, les commandes hurlées à moitié comprises, et l’odeur entêtante de caramel brûlé… Voilà le quotidien de Camila depuis presque un an. Un job qu’elle n’aurait jamais imaginé occuper après cinq ans d’études en gestion des affaires, mais la vie, elle, avait d’autres plans. Ou pas de plan du tout, en fait.

La journée s'étira, interminable. Les commandes s’enchaînaient, les remarques désagréables aussi. Une femme s’était plainte que son latte était "tiède comme une piscine municipale". Un homme avait laissé tomber volontairement des pièces sur le sol, attendant qu’elle les ramasse. Et le manager avait trouvé le moyen de la réprimander devant tout le monde, parce qu’elle avait oublié une serviette.

À 17h, elle eut enfin droit à une pause. Elle s’était assise dans l’arrière-salle, une bouteille d’eau entre les mains, les doigts tremblants, le dos en feu. Léna lui avait envoyé un message :

« Courage ma warrior, ce soir je fais du bon foutou. Avec du fromage et de la viande de bœuf, oui oui. »

Camila avait souri. Léna était comme un baume sur ses plaies ouvertes. Elle parlait trop, riait fort, vivait sans filtre. Mais elle savait toujours quand Camila avait besoin de douceur.

La fin de journée fut pire que le début. Un enfant avait vomi sur une banquette, un client avait refusé de payer son addition sous prétexte que son croissant n’était "pas assez croustillant". Quand enfin le rideau métallique s’abaissa, elle avait les mains couvertes de traces de chocolat et l’âme lourde.

De retour au studio, Léna l’attendait, assise en tailleur sur le lit, un bol de foutou fumant entre les mains.

— T’as survécu à l’enfer ?

Camila haussa les épaules et se laissa tomber à côté d’elle.

— À peine. J’ai envie de disparaître.

— Alors mange. C’est tout ce que je peux t’offrir pour le moment.

Elle enfourna une bouchée, sentant enfin la fatigue se relâcher un peu. Il était 22h, elle avait mal aux pieds, à l’orgueil, à ses rêves aussi. Mais elle n’avait pas pleuré. Pas encore.

Et parfois, c’est ça, la vraie victoire.

Camila n’avait jamais vraiment su ce que signifiait le mot “chance”. Depuis toute petite, la vie semblait s’être amusée à la tester, à gratter chaque centimètre de son espoir comme on gratterait une vieille peinture écaillée. Son père était parti un matin, sans un mot, sans un au revoir. Juste une ombre qui disparaît. Et sa mère… Sa mère avait tenté de rester forte, jusqu’au dernier souffle. Un cancer. Rapide, violent. Comme si même la maladie ne voulait pas lui accorder le luxe de la lenteur.

Aujourd’hui, Camila survivait. À peine. Le café où elle travaillait l’avalait chaque jour un peu plus. Les clients désagréables, les horaires épuisants, le salaire qui ne suffisait jamais. Et pourtant, chaque semaine, elle imprimait religieusement plusieurs exemplaires de son CV, et les déposait dans des entreprises où elle n’avait aucune chance. Diplôme en gestion des affaires ou pas, quand on n’a ni réseau, ni nom, ni sourire figé dans les bons codes sociaux… on attend. Et l’attente, elle, ne payait pas le loyer.

Léna, sa colocataire, était la seule touche de lumière dans son quotidien gris. Exubérante, bordélique, mais d’une loyauté sans faille. C’est elle qui forçait Camila à manger quand elle rentrait le soir, exténuée. C’est elle aussi qui relisait ses lettres de motivation, et qui lançait des blagues nulles juste pour lui arracher un sourire. Léna n’avait peut-être pas de solutions, mais elle savait panser l’âme, à sa manière.

Ce soir-là, Camila était rentrée plus épuisée que d’habitude. Le métro empestait l’humidité et les conversations creuses, ses jambes flanchaient à chaque marche. En remontant les quatre étages jusqu’à l’appartement, elle s'était demandé, le cœur lourd, si sa vie se résumerait éternellement à survivre plutôt que vivre. Elle avait beau sourire pour rassurer Léna, elle se sentait sombrer, un peu plus chaque jour. Ce soir-là, elle se sentait vide. Après une journée où elle s’était fait renverser un latte brûlant sur les bras, où un client avait vomi dans les toilettes sans prévenir, et où son patron avait réduit son planning sans explication, Camila s’affala sur le canapé du salon, ses baskets toujours aux pieds. Léna, installée au sol avec un pot de yaourt dans une main et un roman de dark romance dans l’autre, leva les yeux.

— Encore une journée de rêve ?

— Une journée sponsorisée par les enfers, ouais.

Camila ferma les yeux un instant. Sa gorge était nouée. Elle ne savait même plus si elle avait encore la force de pleurer. Tout était trop lourd. Trop répétitif. Trop vide.

Puis, son téléphone vibra.

Un appel. Numéro inconnu.

Elle hésita. Elle n’avait pas l’énergie pour un spam ou une erreur de numéro. Pourtant, elle décrocha.

— Allô ?

— Mademoiselle Camila N’doye ? Ici M. Lemoine. Vous avez postulé chez… (un nom d’entreprise flotta dans l’air, qu’elle ne reconnaissait presque plus). Nous aimerions vous rencontrer pour un entretien demain à 18h. Cela vous convient ?

Camila se redressa, comme si on venait de l’électrocuter.

— Euh… Oui ! Oui, bien sûr !

— Très bien. L’adresse et les détails vous seront envoyés par SMS. Merci.

Il raccrocha.

Léna bondit.

— C’était quoi ça ? Un ex qui revient ? Une nouvelle pour un jeu concours de riches ?

— Non… Un entretien. Un vrai. Pour un poste. Ils ont rappelé. J’ai postulé il y a des semaines, je pensais que…

Elle n’osa pas finir sa phrase. Son cœur battait vite. C’était étrange. L’appel avait été formel, mais quelque chose dans le ton du type… comme un mystère. Une tension.

Mais elle n’avait pas le luxe de faire la fine bouche. C’était peut-être enfin le moment où la roue tourne. Ou du moins, où elle commence à couiner.

Demain, 18h.

Elle irait. Peu importe ce que ça impliquait.

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