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chapitre 5 : Fusain Charnel

Auteur: Scilla
last update Dernière mise à jour: 2025-09-22 13:45:52

J’entends le téléphone sonner dans la salle à manger. Je me dépêche de déposer mes ustensiles sur le comptoir et de m’essuyer les mains. Après trois sonneries, j’arrive enfin au combiné et décroche.

— Allô ma sœur ! Comment tu vas ? J’avais hâte de t’appeler. Avec les travaux et les rénovations, Steve et moi sommes complètement débordés. Je profite que les murs du salon soient en train de sécher pour te passer un petit coup de fil.

— Allô Stella ! Comme je suis contente d’entendre ta voix. Je vais bien, merci. Je commençais à m’ennuyer un peu. Alors, les rénovations avancent, à ce que j’entends ? C’est génial !

— Oui, on agrandit le sous-sol pour y installer une table de billard. Et on va faire tomber un mur pour créer un accès direct à la piscine depuis la maison. J’ai hâte de voir le résultat.

— Oh wow, ça va être superbe ! Et merci pour les photos que tu as glissées dans mes boîtes. Je les ai contemplées pendant des heures le week-end dernier.

— De rien, ça me fait plaisir. Je savais que tu en aurais besoin, là-bas, seule à Soft-Village.

Moi ici, j’en ai déjà plein dans le hall d’entrée. Ça me suffit. J’imagine que tu te débrouilles bien là-bas ?

— Oui, c’est magnifique ici. J’aime la nature, tu sais. Et les études vont bien, comme d’habitude.

— Et tu faisais quoi juste avant que je t’appelle ?

— Euh… je suis en pleine popote dans la cuisine. Je prépare un bon pain de viande maison, comme maman le faisait autrefois. Je ne pourrai pas parler trop longtemps, je dois surveiller la cuisson.

— Hmm, du pain de viande de maman ! Tu m’en garderas un morceau, j’espère ? Ah ah, je blague. Allez, je te laisse. À bientôt, Corine. Je t’embrasse !

— Moi aussi, à bientôt…

Je raccroche et repose le combiné sur la table. L’odeur des épices et de la sauce tomate emplit déjà toute la maison. Je prends un couteau pour faire quelques incisions pendant que le plat est encore chaud. J’adore cuisiner. Ça me ramène à mon enfance, aux plats mijotés par maman, aux après-midis où papa venait couper les légumes à nos côtés.

Je me souviens de la façon dont maman bougeait dans la cuisine, avec précision et tendresse. Très jeune, j’ai commencé à cuisiner en cachette, juste pour le plaisir. Elle me grondait parfois, inquiète que je me blesse ou que je gaspille les ingrédients. Mais aujourd’hui, chaque plat que je prépare est une ode à sa mémoire.

La chaleur dans la cuisine devient étouffante. J’ouvre les fenêtres une à une, espérant que le vent viendra rafraîchir l’atmosphère. Ici, c’est la nature totale. Le soir, l’air est toujours frais et apaisant.

On frappe à la porte. J’essuie mes mains et vais ouvrir. C’est Sofia. Elle me sourit, comme toujours, avec cette douceur dans le regard.

— Salut ! Hmm… ça sent bon chez toi. Qu’est-ce que tu prépares ?

— Bonsoir Sofia. Oui, ça embaume toute la maison. Je fais un plat maison, comme maman le faisait.

— Seigneur, tu as vraiment du talent. Une vraie artiste dans l’âme, et ça se voit ! Alors, prête pour la séance de reproduction au fusain ?

— Bien sûr. Je vais juste préparer mon matériel. Tu peux aller te changer dans la salle de bain si tu as prévu une tenue spéciale pour le croquis.

— Parfait, entendu.

Je lui fais visiter les pièces de la maison, une petite visite guidée avant de l’installer dans mon atelier. J’ai préparé une vieille chaise en bois, recouverte d’un tissu satiné rouge. Les coussins ajoutent une touche de confort. Le rouge profond contraste avec le bois naturel, créant un décor intime et chaleureux.

J’entends la porte de la salle de bain s’ouvrir. Sofia entre dans l’atelier, vêtue d’une robe de nuit en dentelle blanche, parsemée de petits cœurs bleu pâle.

Elle se tient dans l’encadrement de la porte, ses cheveux châtains tombant en cascade sur ses épaules. La lumière révèle les contours de sa peau, douce et dorée.

Elle me regarde, ses grands yeux verts plantés dans les miens. D’un pas lent, elle s’approche, effleurant le tissu satiné du bout des doigts. Je reste figée, captivée par sa présence. Elle est magnifique, presque irréelle

J’étais sans voix, mais j’ai vite compris que Sofia fût captivée par ma présence et ma personne. En d’autre mot, je la séduis depuis le tout premier jour où je l’ai rencontré. Je peux encore sentir son doux parfum de Jasmin. Comme elle sent bon!

Je l’aide à s’installer sur la chaise, avec délicatesse. Nos gestes sont lents, presque chorégraphiés. Le silence entre nous est chargé de quelque chose de nouveau, de fragile et de fort à la fois.

Je prends mon fusain, ajuste la lumière, et commence à dessiner. Chaque trait sur le papier est une caresse, une tentative de capturer ce moment suspendu. Sofia reste immobile, mais son regard me suit, attentif, curieux, peut-être même un peu troublé.

Il n’y a plus que nous deux. Le bruissement du fusain sur le papier. Le parfum de jasmin dans l’air. Et cette étrange sensation que quelque chose est en train de naître — entre les lignes, entre les silences, entre les battements de cœur.

Sa peau est tiède, parfumée de jasmin. Je sens son cœur battre sous mes doigts. Elle glisse ses mains le long de mes bras, puis sur ma nuque, et m’attire doucement vers elle. Nos lèvres se rencontrent dans un baiser lent, profond, presque timide. Il n’y a plus de distance, plus de retenue.

Je l’accompagne jusqu’au canapé, où elle s’allonge dans un murmure. Je la rejoins, et nos corps se cherchent, se découvrent, se répondent. Chaque geste est une caresse, chaque souffle une promesse. Elle ferme les yeux, et je l’observe, fascinée par la lumière qui danse sur ses paupières.

Nos peaux se parlent dans un langage ancien, fait de frissons et de soupirs. Le temps s’efface. Il ne reste que nous, enveloppé dans une bulle de chaleur et de silence.

Plus tard, alors que Sofia s’est assoupie, je reste là, éveillée, le cœur encore vibrant. Le vent s’est levé dehors. Il fait bruisser les feuilles du saule dans la cour.

Et cette phrase me revient, comme un murmure : “Là où le vent ne dort jamais…”

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