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Chapitre 26 — Les Cendres du Choix

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-11-02 04:19:44

ÉLISE

Le sol est froid, humide, il transperce la fine étoffe de ma robe. Mes genoux sont ancrés dans la terre, mes poings serrés sur l'herbe trempée comme pour m'empêcher de m'effondrer complètement. Je ne pleure plus. Les larmes sont gelées à l'intérieur, remplacées par un vide brûlant. Je l'ai vu disparaître. Non pas en héros, mais en fantôme. Une chose brisée que Charles-Antoine a renvoyée dans les ténèbres.

Je relève la tête. En contrebas, il est toujours là. Charles-Antoine. Il essuie son pistolet avec un calme obscène, puis le range dans sa redingote. Il ne se presse pas. Il savoure. Il est le maître de ce théâtre de boue et de sang, et je n'en fus que la marionnette effrayée.

Je me redresse. Mes jambes tremblent, mais elles me portent. Je ne dois pas rester ici. Je ne dois pas lui offrir le spectacle de ma défaite complète. Je regagne la maison, chaque pas un effort démesuré. Les murs semblent se resserrer, les portraits des ancêtres Montbray me toisent avec une pitié méprisant
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    CINQ ANS PLUS TARDLe vent qui balaie la Fagne n’a plus le goût de la cendre. Il sent le foin fraîchement coupé et la terre retournée. Là où le hameau des Saules fut rasé, un nouveau village a poussé, plus modeste, plus solide. Ses maisons sont bâties en pierre des champs et en bois de chêne, et chaque famille a son lopin de terre. Il n’a pas de nom. On l’appelle simplement « le Nouveau ».Au centre, là où la vieille Mélisande avait sa cabane, se dresse une simple stèle de granit. Aucun nom n’y est gravé. Seul un mot : SOUVENS-TOI.Je marche entre les maisons, un enfant endormi sur mon épaule. Son petit souffle chaud contre mon cou est le rythme le plus paisible que je connaisse. Ils m’appellent encore « Madame Élise », par habitude, mais le titre n’a plus de poids. Je suis celle qui vit dans la vieille maison du garde-chasse, en lisière de bois. Je suis celle qui aide à compter les récoltes, qui écoute les disputes, qui soigne les fièvres avec les herbes que Mélisande m’a apprises.L

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