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Chapitre 5 — Secrets et Frictions

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-09-03 03:31:36

Élise

La matinée s’installe doucement, filtrée par les rideaux tirés. Mon esprit est encore rempli de la chaleur et de la douceur de la nuit passée, des baisers volés de Lucien, de la promesse silencieuse que nous avons échangée. Pourtant, la réalité m’attend, stricte et froide.

Un léger coup à la porte me tire de mes pensées.

– Mademoiselle Élise, le petit déjeuner est prêt, dit la domestique avec douceur, ouvrant légèrement la porte pour vérifier si je suis levée.

Je me redresse rapidement, ajustant ma chemise et rangeant le souvenir de la nuit dans un coin de mon esprit. Lucien n’est plus là, et je dois faire semblant que tout est normal.

– Merci… je descends tout de suite, murmurai-je en me levant.

Avant de partir, je jette un dernier regard par la fenêtre ouverte. La nuit a disparu, laissant place à la lumière timide du matin, mais le souvenir de Armand est toujours là, brûlant et doux.

Je descends les escaliers lentement, le parquet grinçant légèrement sous mes pas. Dans la salle à manger, mon père est déjà installé, son visage fermé et autoritaire trahissant sa routine matinale.

– Bonjour, père, dis-je avec une politesse mesurée, en m’asseyant.

– Bonjour, Élise, répond-il sèchement, à peine un regard pour moi.

Je sens la tension dans l’air, l’antipathie muette qui nous sépare. Il a toujours été difficile, exigeant, et je déteste cette distance glaciale qu’il entretient entre nous. Pourtant, je cache tout mon tumulte intérieur derrière un masque de calme.

La domestique apporte les plats, déposant les assiettes avec soin. Je m’efforce de parler normalement, d’échanger quelques mots polis avec mon père, mais chaque sourire est forcé, chaque phrase pesée. Mon esprit dérive vers Lucien, et un léger sourire me trahit. Je sais qu’il m’attend encore quelque part, et cela me donne une force insoupçonnée.

Une fois le petit déjeuner terminé, la domestique récupère les assiettes et disparaît, me laissant seule avec mon père. Je respire profondément, prête à quitter la table, quand un frisson me parcourt le corps : Lucien est là, derrière moi, silencieux, à peine perceptible.

– Élise… dit-il doucement, glissant ses mains sur mes épaules.

Je sursaute légèrement, mais un sourire éclaire mon visage.

– Armand ! Tu n’aurais pas dû…

– Je devais… un dernier baiser avant que je parte, murmure-t-il, et avant que je puisse réagir, ses lèvres se posent sur les miennes. Doux, rapide, mais chargé d’une intensité brûlante.

Je ferme les yeux un instant, goûtant cette chaleur qui semble défier le monde extérieur. Puis il recule, ses yeux brillants de tendresse et de gravité.

– Je dois y aller… mais je reviendrai, promet-il, presque avec une supplique silencieuse.

Je hoche la tête, incapable de parler, et il disparaît à nouveau, disparaissant dans l’ombre de la maison. Le silence retombe, mais la chaleur de sa présence flotte encore dans l’air.

Je me redresse, chasse les émotions qui me submergent, et me dirige vers le reste de la journée. Mon père me regarde avec cette froideur habituelle, et je sens à nouveau mon cœur se tendre. Je dois jouer le rôle de la fille obéissante, polie, et cacher ce qui brûle en moi, cette flamme qui grandit à chaque rencontre avec Lucien.

Je m’assois à nouveau, face à lui, et respire profondément. Son regard critique me transperce, mais je souris faiblement, consciente que la véritable force se trouve dans ce que je choisis de cacher.

Armand m’a laissé une étincelle, un feu secret, et je sais que rien, ni même la froideur de mon père, ne pourra l’éteindre.

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