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Chapitre 3

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-06-19 03:03:08

Le réveil sonna à 5h45. Léa était déjà debout.

Ses yeux brûlaient encore des heures passées à rédiger le compte rendu de la réunion d’hier. Elle l’avait revu trois fois, vérifié chaque chiffre, soigné la mise en page. Elle avait tout envoyé à l’adresse personnelle du directeur, comme indiqué. Aucune réponse. Évidemment.

À 7h00, elle franchit à nouveau les portes du Conglomérat Durval. Toujours cette impression d’entrer dans une cage de verre. Belle. Silencieuse. Dangereuse.

Elle était la première dans l’ascenseur. La lumière crue du plafond lui rappelait une salle d’opération. Lorsqu’elle arriva à son bureau improvisé, les dossiers de la veille avaient disparu. À la place, un post-it collé sur l’écran :

“Venez me voir. Bureau 42. Maintenant. — E.D.”

Un frisson lui remonta la colonne. Cette fois, elle allait le voir, seule. Pas pour un entretien. Pas pour un test anonyme. Pour un face-à-face.

Elle ajusta sa chemise, lissa sa jupe, et marcha dans le couloir silencieux comme un couvent d’acier.

Le bureau 42 était au dernier étage. Elle frappa. Une voix grave répondit :

— Entrez.

Elle ouvrit. Einer Durval était debout, dos à elle, face à la baie vitrée. Il ne se retourna pas.

— Approchez.

Elle obéit, lentement. Il tourna enfin la tête vers elle, son visage toujours aussi fermé, mais ses yeux… curieux. Comme s’il observait un insecte rare.

— Votre compte rendu est impeccable. Vous écrivez mieux que certains de mes adjoints. Je ne m’y attendais pas.

— Merci, monsieur.

— Mais ce n’est pas suffisant.

Il se retourna entièrement, croisa les bras.

— L’excellence, mademoiselle Masson, n’est pas un acte ponctuel. C’est un état permanent. Une exigence absolue.

Elle hocha la tête, les mains croisées devant elle pour masquer leur léger tremblement.

— Avez-vous déjà été confrontée à une charge excessive ? À des situations de tension où l’on attend de vous de l’exécution immédiate, sans formation préalable ?

— Oui, en stage. Et aussi en gérant la maladie de ma mère tout en m’occupant de ma sœur.

Elle regretta ses mots aussitôt dits. Elle n’avait pas prévu de parler de sa vie personnelle. Trop tard.

Durval plissa les yeux, curieux.

— Votre mère est malade ?

— Un cancer. Elle est en chimiothérapie.

— Vous vivez seule avec votre sœur, n’est-ce pas ?

— Oui. Elle a dix ans.

Un silence. Léa aurait voulu disparaître. Il n’avait pas le droit de savoir ça. Pas si tôt.

Il fit quelques pas vers elle. Lentement. Mesuré.

— Cela explique votre besoin… d’acceptation. Votre insistance.

Ses mots, polis, sentaient l’analyse. Elle n’était pas une candidate. Elle était une expérience de laboratoire.

— J’ai besoin de ce travail, oui. Mais je suis aussi capable. Je ne suis pas là par charité.

Un coin de sa bouche se releva. Pas tout à fait un sourire. Plutôt un frisson de satisfaction.

— Je n’offre jamais de charité.

Il retourna à son bureau, saisit un dossier et le lui tendit.

— Vous allez assister à toutes mes réunions cette semaine. Vous prendrez des notes, vous ferez les suivis, les synthèses. Vous resterez discrète. Mais toujours là.

Elle prit le dossier. Son cœur battait fort.

— Très bien, monsieur.

— Une dernière chose.

Elle s’arrêta, la main sur la poignée.

— Il y aura des regards. Des jalousies. Vous êtes… nouvelle. Je ne tolère pas les distractions dans mon environnement. Soyez… neutre.

Il la fixa. Elle comprit.

Ne pas rire. Ne pas séduire. Ne pas déranger.

Ne pas exister.

Les jours suivants furent un tourbillon.

Léa suivait Durval comme une ombre. Réunions tendues, appels impérieux, changements d’agenda à la dernière minute. Il était exigeant, oui. Mais aussi d’une précision redoutable. Et parfois… étrangement attentif.

Un matin, elle entra dans son bureau avec le dossier d’un client qu’il attendait. Elle portait une robe bleu nuit, sobre mais élégante, et un foulard beige autour du cou pour cacher une éruption de stress.

Il leva les yeux. Ses pupilles s’attardèrent une seconde de trop.

— Vous avez changé de style ?

Elle rougit.

— Juste une robe. Plus confortable.

— Mieux.

Puis il reprit sa lecture, comme si rien n’avait été dit.

Mais quelque chose s’était glissé dans l’échange. Léa le sentit. Comme une première éraflure dans la paroi glacée entre eux.

Le vendredi, il l’appela à 20h. Elle venait de rentrer, encore en train d’enlever ses chaussures.

— Léa ? C’est Durval. Je vous envoie un mail ce soir. J’aurai besoin que vous passiez demain matin au bureau. Il y a des documents à préparer pour un dossier urgent.

— Demain matin ? C’est… samedi.

— Et ?

Elle ravala sa remarque.

— Très bien. À quelle heure ?

— 9h. Et venez seule. J’ai besoin de discrétion.

Il raccrocha.

Elle resta un moment le téléphone collé à l’oreille, même après la fin de l’appel.

Le samedi matin, elle était là. Encore.

Les locaux étaient vides. L’écho de ses pas sur le carrelage la fit frissonner.

Elle monta jusqu’au bureau 42. La porte était entrouverte.

— Entrez, lança la voix grave.

Il était en chemise ouverte, veste posée sur le dossier de sa chaise. Une tasse de café à la main.

— Merci d’être venue.

— J’avais dit que je ferais mes preuves.

Il lui tendit une enveloppe.

— Rapport confidentiel. Ne le lisez pas. Mais tapez-moi un compte rendu synthétique. Vous avez une heure.

Elle s’exécuta. Silencieuse. Concentrée.Mais elle sentait son regard sur elle.

— Vous êtes différente des autres.

Elle ne répondit pas.

— Vous êtes… malléable. Mais avec un feu à l’intérieur. Ça vous rend intéressante.

Léa se raidit.

— Je suis ici pour travailler, monsieur.

Il sourit. Franc. Glacial.

— Et je vous observe. Moi aussi. Le venin commençait à couler.

Elle ne savait pas encore dans quelle mesure. Mais elle avait franchi un seuil.

Et Durval… avait planté ses crochets.

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