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Chapitre 4

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-06-19 03:03:47

Le ciel était d’un gris pâle, presque blanc, comme si le dimanche lui-même hésitait à exister.

Léa tenait Émilie par la main, un petit bouquet de pivoines dans l’autre. Elles remontaient l’allée goudronnée qui menait à l’hôpital Saint-Martin.

— T’as vu ? On dirait des nuages qui se sont perdus, dit Émilie en levant les yeux.

Léa sourit faiblement. Son dos était encore douloureux de la semaine passée. Et dans sa tête, l’ombre de Durval traînait, accrochée à ses pensées comme une vrille. Mais ce matin, elle refusait de le laisser entrer.

Aujourd’hui, elle avait besoin de douceur. De silence. De quelque chose de vrai.

Elles passèrent la porte du service d’oncologie et montèrent les escaliers jusqu’à la chambre 326. Léa frappa doucement, puis entra. Corinne, leur mère, était éveillée, les yeux un peu creux, mais le sourire lumineux.

— Mes deux soleils !

Émilie courut jusqu’au lit, grimpa sur le rebord avec l’agilité d’un chaton.

— On t’a apporté des pivoines ! Elles étaient à moitié fermées, alors ça veut dire qu’elles vont durer, hein Léa ?— Exactement, répondit Léa en déposant le bouquet sur la tablette. On a choisi les plus belles.

La pièce sentait la lavande synthétique et l’alcool désinfectant. Léa ouvrit un peu la fenêtre pour laisser entrer l’air. Corinne l’observait, devinant dans les cernes et les gestes mécaniques de sa fille la fatigue accumulée.

— Tu veux t’asseoir, chérie ?

— Oui… un peu. Je t’ai ramené du jus de mangue. Et quelques biscuits. Et… j’ai une surprise.

— Une surprise ?

Avant que Léa ne réponde, on frappa à la porte. Elle se retourna. Un homme apparut dans l’entrebâillement, un bouquet de lys blancs à la main.

— Bonjour… je peux entrer ?

Le cœur de Léa fit un bond.

— Charles ?!

Il entra, un grand sourire au visage, les bras déjà ouverts.

— Surprise.

Elle se leva, fonça vers lui, et se jeta dans ses bras. L’étreinte fut longue, forte, urgente. Comme si elle retenait une partie d’elle-même depuis des mois, et qu’elle retrouvait enfin un souffle oublié.

— Mais… t’es là… pourquoi ? Comment ?

— J’ai pu écourter ma mission. Et je ne supportais plus de t’imaginer seule ici. Alors j’ai sauté dans un train.

Il déposa un baiser sur son front, puis sur le haut de sa tête.

— Bonjour, madame, dit-il en se tournant vers Corinne avec un sourire doux. Je vous ai apporté vos fleurs préférées.

Corinne rit, une main sur la poitrine.

— Tu es toujours aussi galant. Et charmant. C’est un plaisir de te revoir, Charles.

— Moi aussi, madame. Vous êtes rayonnante.

— Mens encore, va. Mais reste un peu, ça me change des blouses blanches.

Charles posa les lys dans un vase vide près du lit. Léa le regardait avec un mélange d’amour et de soulagement. Il avait changé. Juste un peu. Ses traits étaient plus tirés, ses cheveux plus courts. Mais ses yeux bruns étaient toujours aussi clairs, et son regard, toujours aussi franc.

Émilie le regardait aussi, un peu timide.

— T’es revenu pour de bon ?

— Pour quelques semaines. Après… on verra. Mais je vais rester proche cette fois.

Il s’assit sur le fauteuil en plastique. Léa, à ses côtés, entrelaça ses doigts aux siens.

— Il s’est passé tellement de choses, dit-elle doucement.

— Raconte-moi tout.

Pendant que Charles nettoyait le vase, retirant les anciennes fleurs fanées avec soin, Léa lui parla de l’entretien, de Durval, de l’essai, de la journée blanche. Elle évita les détails trop sombres, mais il comprit vite.

— Ce type… c’est quoi son problème ? Il t’a traitée comme une stagiaire sans valeur ?

— Non. Pire. Comme un objet utile, un outil qu’on teste avant usage. Il est… intelligent, mais froid. Tu sens qu’il attend que tu fasses un faux pas pour te broyer.

Charles fronça les sourcils.

— Tu peux pas rester là, Léa. Pas si ça devient malsain.

— J’ai pas le choix. Maman a encore trois séances. Les médicaments coûtent une fortune. Et le loyer… Émilie a besoin de stabilité.

Il serra sa main plus fort. Son regard se radoucit.

— Je vais t’aider. Je suis là maintenant.

Elle baissa les yeux.

— J’ai appris à ne pas compter sur les promesses.

Il resta silencieux un moment.

— C’est pas une promesse, Léa. C’est un rappel. Tu n’es pas seule.

Corinne toussota doucement, attirant leur attention.

— Si je puis me permettre… vous êtes adorables, mais je veux pas que ma chambre d’hôpital devienne un théâtre de mélodrames.

Tout le monde rit doucement.

— Alors, Charles, dit-elle, t’as trouvé du travail ici ?

— Pas encore, madame. Mais j’ai quelques contacts. Je suis sur le coup.

— Un homme qui change des fleurs et prend soin de ma fille ? Je lui mets 10 sur 10, dit-elle en clin d’œil à Émilie.

La petite rit, puis grimpa sur les genoux de sa mère.

— Maman, tu crois que quand tu sortiras, on pourra faire un pique-nique, juste nous quatre ?

— Bien sûr, ma puce. Même si je dois me traîner en fauteuil roulant, on ira.

Quand l’heure des visites toucha à sa fin, Charles proposa de raccompagner Léa et Émilie chez elles. Dehors, le vent s’était levé. Les feuilles mortes tourbillonnaient autour d’eux.

— Tu sais, dit Léa, en regardant la route, parfois j’ai l’impression que ma vie c’est une corde raide. Et qu’on a oublié de m’attacher.

— Alors laisse-moi au moins marcher dessous. Pour te rattraper si tu tombes.

Elle ne répondit pas. Mais serra sa main.

Et ce soir-là, pour la première fois depuis longtemps, elle dormit profondément.

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