Home / Romance / DOMINATION / Chapitre 2

Share

Chapitre 2

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-06-19 03:02:17

Léa sentit la brûlure monter. Elle ne devait pas pleurer. Elle ne pleurait jamais devant personne. Elle pensa à sa mère, aux factures empilées sur la table, à la chimio repoussée.

Elle redressa les épaules.

— Alors testez-moi.

Durval arqua un sourcil.

— Pardon ?

— Testez-moi. Donnez-moi une tâche. Une journée. N’importe quoi.

Il la fixa longuement, puis esquissa un sourire fin, presque amusé. Il ne répondit pas. Il tapota ses doigts sur le bureau.

— On vous rappellera.

Il se leva. Entretien terminé.

Léa ressortit, humiliée. Son visage brûlait. Elle marcha lentement jusqu’à l’accueil, les yeux embués. Elle avait tenu bon. Elle avait donné tout ce qu’elle avait. Et ce n’était pas assez.

Elle atteignait l’entrée quand une voix l’appela dans son dos.

— Mademoiselle Masson !

Elle se retourna. C’était l’assistante en tailleur gris.

— Monsieur Durval vous attend ici demain. 7h30. Il souhaite vous mettre à l’épreuve. Une “journée blanche”, comme il dit. Il veut… voir si vous tenez le choc.

Léa resta figée.

— D’accord. Je serai là.

Elle tourna les talons, un nœud dans la gorge. Quelque chose lui murmurait qu’elle venait de mettre un pied dans un engrenage. Mais elle n’avait pas le choix.

La lumière filtrée de fin d’après-midi baignait la chambre d’hôpital d’un voile doré, presque paisible. Léa, debout près du lit, tenait la main de sa mère sans dire un mot. Le silence était doux, fragile, tendu comme une corde.

Corinne Masson avait perdu du poids. Beaucoup. Ses pommettes saillaient, et ses bras, maigres et livides, semblaient presque étrangers à la femme forte qu’elle avait été. Mais ses yeux étaient encore vifs, encore là. Parfois.

Aujourd’hui, ils l’étaient.

— Tu as mis du parfum, ma chérie, murmura Corinne, un petit sourire au coin des lèvres.

Léa rit doucement, presque gênée.

— Juste un peu… j’avais un entretien ce matin.

— Ah oui ? Raconte-moi tout.

Elle s’assit sur la chaise en plastique et reprit la main osseuse dans la sienne. Elle hésita à raconter toute la vérité. Le regard froid, les remarques cassantes, le dossier refermé sans un mot. Mais elle se contenta d’un résumé

:

— C’est une grande entreprise. Le patron veut me revoir demain pour… une sorte d’essai.

Corinne hocha lentement la tête. Elle savait. Elle sentait la pression. Léa était épuisée, tendue, mais elle ne se plaignait jamais.

— Tu vas l’avoir, dit-elle avec une tendresse féroce. Tu mérites mieux que cette vie-là, Léa.

Mieux que cette vie-là. Les mots résonnèrent dans la tête de Léa pendant tout le trajet du retour.

Le métro était bondé. Léa, debout, calée entre deux épaules étrangères, se laissa emporter par les soubresauts de la rame. Son esprit vagabondait.

“Il veut vous mettre à l’épreuve.”

Qu’est-ce que ça voulait dire exactement ? Une journée de test ? Une simulation ? Ou un vrai poste, sans la reconnaissance officielle ? Elle n’en savait rien. Mais elle savait une chose : Einer Durval n’était pas un homme qui proposait des deuxièmes chances.

Il voulait la pousser à bout. Elle le sentait. Il voulait voir si elle tenait debout sans craquer.

Quand elle rentra à l’appartement, il faisait déjà sombre. Émilie faisait ses devoirs sur la table. Elle leva la tête en entendant la porte.

— Alors ?

— J’y retourne demain. Il m’a donné une chance.

Émilie sourit. Léa posa un baiser sur son front.

— T’as mangé ?

— Oui, j’ai fait des pâtes.

— T’es une chef.

Une fois sa sœur couchée, Léa ouvrit son armoire. Le choix était mince. Deux pantalons corrects, une chemise blanche qu’elle avait déjà mise, et… une robe noire simple, fluide, élégante, qu’elle n’avait portée qu’une seule fois : au mariage d’une cousine, il y a trois ans.

Elle la sortit, la regarda sous la lumière. Sobre. Sérieuse. Presque autoritaire. C’était parfait.

Elle la repassa avec soin, le fer glissant sur le tissu comme une caresse. Ensuite, elle posa la robe sur le dossier d’une chaise, comme on préparerait une armure.

Elle programma deux réveils. Et s’endormit, enfin, dans un demi-sommeil peuplé d’ombres et de regards froids.

Le lendemain, 7h28.

Léa était debout dans le hall du Conglomérat Durval. Elle avait mis un peu de fond de teint pour camoufler ses cernes, et attaché ses cheveux en un chignon strict. Elle portait la robe noire, des chaussures plates, un sac bien rangé. Tout en elle criait efficacité, propreté, neutralité.

L’assistante en tailleur gris l’accueillit sans émotion.

— Suivez-moi.

Elles marchèrent dans un couloir encore vide. Les bureaux étaient plongés dans le silence. La plupart des employés ne commenceraient leur journée que dans une heure.

On l’installa dans un petit bureau vide, avec un ordinateur, une pile de dossiers et un post-it :

“Classer. Vérifier les fautes. Réorganiser en P*F.”

— E.D

Pas de bonjour. Pas de consigne claire. Juste une tâche, impersonnelle, sèche. Un test.

Léa retroussa ses manches et s’y mit

. Les dossiers étaient un mélange de comptes rendus de réunions, de courriels imprimés, de plannings internes. Mal scannés, parfois flous. Des erreurs, des doublons. Une montagne de travail.

Elle s’enfonça dans le rythme. Corriger. Trier. Sauvegarder. Classer. Ne pas lever les yeux. Ne pas se tromper.

Vers 9h30, une femme entra sans frapper. Elle déposa une autre pile sur le bureau.

— Monsieur Durval veut que ceux-là soient prêts aussi avant midi.

Léa acquiesça sans discuter.

Elle sentit qu’on la regardait. Qu’on l’évaluait. Même si Durval n’était pas là physiquement, il était partout.

À 13h, personne ne lui avait parlé de pause déjeuner. Elle continua. La tête lui tournait un peu. Elle n’osait pas quitter sa place.

À 14h, l’assistante revint :

— Monsieur Durval souhaite que vous assistiez à la réunion à 15h. Salle 8. Ne parlez pas. Prenez des notes.

— Très bien.

Elle réajusta sa robe, but une gorgée d’eau tiède, et partit vers la salle de réunion.

La salle était remplie de cadres supérieurs. Tous tirés à quatre épingles. Elle entra en silence, s’installa au fond, carnet en main. Durval arriva cinq minutes plus tard.

Costume noir, sans cravate, regard coupant. Il ne la salua pas.

Il parlait vite, d’un ton sec, précis. Il dirigeait la réunion comme un chef d’orchestre autoritaire. À plusieurs reprises, il interrompit ses collaborateurs, corrigea leurs chiffres, humiliant l’un d’eux d’un simple regard.

Léa prenait note. Chaque mot. Chaque inflexion

À la fin, il s’adressa à elle sans la regarder :

— Je veux le compte rendu sur mon bureau demain à 7h. Puis il sortit.

La journée se termina à 19h30. Léa quitta l’immeuble épuisée, le dos raide, les yeux lourds. Elle ne savait pas si elle avait réussi. Mais une chose était claire. Durval savait qu’elle reviendrait. Et quelque part, il comptait sur ça.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • DOMINATION    Bonus 2

    Dix années avaient passé.Le temps, patient et discret, avait poli les blessures comme la mer polit la pierre.La maison des Durval n’était plus cet endroit silencieux et glacé d’autrefois. Les rires des enfants, les pas légers sur le parquet, les parfums de gâteaux et de café chaud emplissaient chaque recoin. On y respirait la paix.Maxime avait maintenant seize ans.Brillant, réfléchi, posé il aidait son père à l’entreprise, observant tout, apprenant en silence.Einer se reconnaissait parfois en lui, mais sans l’ombre qu’il portait jadis.Maxime était différent : curieux sans arrogance, sûr de lui sans dureté. Léa disait souvent qu’il avait “le cœur de sa mère et la rigueur de son père”.Les jumeaux, Nel et Veil, douze ans déjà, apportaient la vie partout où ils passaient.Deux garçons identiques, mais si différents. Nel, le rêveur, passait des heures à dessiner ; Veil, l’impulsif, voulait déjà conduire la voiture de son père.Ils se chamaillaient sans cesse, riaient fort, et

  • DOMINATION    Bonus 1

    Le matin s’annonçait calme. Une lumière pâle filtrait à travers les rideaux, dessinant sur le mur les ombres des feuilles du manguier. Léa s’affairait dans la cuisine, préparant le petit-déjeuner, tandis qu’Einer, encore en pyjama, feuilletait distraitement un dossier sur la table. Le café fumait dans sa tasse, les enfants jouaient dans le salon — un dimanche ordinaire, presque parfait.Puis le téléphone vibra.Une sonnerie courte, étouffée par le bruit des rires et des couverts.Einer jeta un œil à l’écran : un numéro inconnu.Il hésita un instant avant de décrocher.— Allô ?Un silence, puis une voix grave, officielle, un peu embarrassée :— Monsieur Durval ? Ici le docteur Renaud. Je vous appelle de Saint-Malo… C’est à propos de votre père.Un battement suspendu.Einer sentit sa gorge se serrer.— Quoi, mon père ?— Il est décédé cette nuit. Dans son sommeil. Une mort paisible. Il était en vacances dans une maison de bord de mer.Les mots tombèrent, nets, froids, irréversible

  • DOMINATION    Chapitre 118/ épilogue

    Julien hocha la tête, un peu plus à l’aise.— Oui, on s’est rencontrés dans le club de rédaction du lycée.— Mmh, intéressant, intervint Einer, la voix grave. Donc tu es un garçon de mots. J’espère que tu sais aussi te taire quand il faut.Léa lui lança un regard noir.— Einer…Il haussa légèrement les épaules.— Je plaisante, évidemment.Mais personne ne rit.Émilie, un peu rouge, posa la main sur celle de Julien.— … il est gentil, tu sais. Il m’aide beaucoup en cours.— J’en doute pas, répondit Einer d’un ton qui signifiait exactement le contraire.Maxime, qui suivait la scène depuis le canapé, chuchota à voix haute :— Papa, tu veux faire comme les papas des films qui font peur aux amoureux de leur fille ?Tout le monde éclata de rire, sauf Einer qui leva les yeux au ciel.— Très drôle, Maxime.Léa vint s’asseoir à côté de son mari, lui attrapant la main discrètement sous la table.— Laisse-les un peu respirer, murmura-t-elle. Regarde-les, ils sont mignons.Einer soupira lo

  • DOMINATION    Chapitre 117 / 2

    Ils se regardèrent avec tendresse. L’amour entre eux n’avait pas faibli ; il s’était transformé, plus profond, plus complice. Les tempêtes appartenaient au passé.Un peu plus tard, Einer déposa Maxime à l’école. Léa partit pour son bureau : elle avait repris son poste de secrétaire au sein du groupe Durval depuis un an. Revenir travailler là, aux côtés de son mari, avait été une décision difficile mais nécessaire.Elle aimait cette vie active, ce mélange de famille et de professionnalisme.Dans l’ascenseur du siège, elle croisa Marie Besson, la directrice d’administration, toujours aussi stricte et élégante. Leur relation restait cordiale, bien que tiède.— Bonjour Léa, dit Marie en feuilletant des dossiers. Votre mari a confirmé la réunion de onze heures ?— Oui, tout est noté, répondit Léa poliment.Elles échangèrent un sourire convenu. Depuis des années, une certaine rivalité silencieuse persistait entre elles, comme un vieux parfum qui refuse de disparaître. Mais Léa ne s’en so

  • DOMINATION    Chapitre 116

    Et, d’un mouvement hésitant mais décidé, Maxime repartit. Ses pas étaient maladroits, son équilibre incertain, mais la joie qu’il mettait dans chacun d’eux faisait oublier le reste.À chaque tentative, il tombait, riait, se relevait. Parfois il rampait, parfois il courait presque, mais jamais il n’abandonnait. Et à chaque réussite, Léa battait des mains, le cœur débordant d’amour.Vers midi, la fatigue finit par le gagner. Il s’endormit dans les bras de sa mère, ses petites mains encore agrippées à son col. Léa s’assit sur le canapé, le berçant doucement.— Il a marché, murmura-t-elle, toujours un peu incrédule.— Oui, répondit Einer, adossé à la rambarde de l’escalier. Et tu as vu son regard ? Il savait exactement ce qu’il faisait.Émilie hocha la tête.— Il voulait qu’on le voie.Un silence doux s’installa. Le genre de silence rare, rempli de sens et de paix. Le tic-tac régulier de l’horloge semblait lui aussi battre au rythme des respirations du bébé.Einer finit par s’approcher.

  • DOMINATION    Change 117

    Elle désigna Émilie, qui riait aux éclats avec ses amies, et Maxime, sur les genoux de son grand-père Jason, qui lui tendait une cuillère de gâteau. L’homme, vieilli mais adouci, semblait apaisé lui aussi. Il parlait doucement au bébé, ses yeux brillants d’une fierté qu’il ne cherchait plus à masquer.— Ton père a beaucoup changé, dit Léa.— Oui, répondit Einer, pensif. Peut-être que… moi aussi.Léa posa sa main sur la sienne.— Non, pas peut-être. Tu as changé, Einer. Pour de vrai.Il la regarda longuement, puis lui rendit son sourire.— Alors c’est lui qui m’a sauvé, chuchota-t-il en désignant leur fils.Un instant, le temps sembla suspendu. Puis un cri joyeux les ramena à la réalité :— Le gâteau ! Le gâteau arrive !Tout le monde se rassembla autour de la grande table du jardin. Une immense pâtisserie à deux étages fut déposée devant Maxime. De petites étoiles dorées ornaient la surface, et une bougie en forme de « 1 » trônait au sommet.— Allez, mon grand, fais un vœu, dit Lé

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status