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Chapitre 3 — reflet du monstre et protecteur

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-06-02 05:07:10

L’odeur de la ruelle était âcre, chargée d’humidité et de relents de la nuit passée. Lisa marchait vite, le visage dissimulé sous un foulard noir, les bras serrés contre son manteau comme si elle voulait empêcher son cœur d’éclater.

Elle avait quitté la maison de Sesar avant l’aube, alors que les couloirs étaient encore plongés dans le silence. Personne ne l’avait arrêtée. Elle était libre de ses mouvements, à condition de revenir quand il le déciderait. C’était ce qu’il avait dit, nonchalamment, comme on parle à un chien bien dressé.

Ses talons claquaient sur le béton, résonnant dans sa tête comme un écho de ce qu’elle avait vécu quelques heures plus tôt. Elle n’arrivait pas à respirer. Tout son corps lui faisait mal, pas seulement à cause du contact physique, mais à cause de ce qu’elle avait dû faire. Ce qu’elle avait laissé faire.

Une fois devant la petite porte grise de son immeuble, elle marqua une pause. Sa main tremblait. Elle lutta pour introduire la clé dans la serrure. Puis elle entra.

Il faisait encore sombre à l’intérieur. Le calme du petit appartement tranchait violemment avec la violence de la nuit. Elle retira ses chaussures, avança sur la pointe des pieds jusqu’au salon. Le premier rayon de soleil filtrait à travers les rideaux usés. Il y avait une douce odeur de lessive dans l’air. Une sécurité illusoire.

Et là, sur le canapé, roulé en boule sous une couverture Spider-Man, il dormait.

Bobby.

Son fils.

Son bébé.

Son fardeau.

Elle resta là, figée, à le regarder. Il avait cinq ans, et déjà il ressemblait trop à lui. Ces cheveux noirs, ce regard perçant, ce froncement de sourcils même en dormant… Elle avait beau lui donner tout l’amour du monde, elle ne parvenait jamais à oublier d’où il venait.

Et ce matin-là, après ce qu’elle venait de vivre, la ressemblance la frappa en pleine poitrine.

Un hoquet lui échappa. Puis un autre. Elle porta une main à sa bouche pour étouffer les sanglots, mais c’était trop tard.

Lisa s’effondra à genoux, au beau milieu du salon.

Elle pleurait. Elle criait sans un son, les épaules secouées, les larmes inondant son visage maquillé. Elle avait envie de vomir. Elle avait envie de le secouer, de lui hurler “Tu es son fils !”.

Mais il n’y était pour rien.

Il n’avait rien demandé.

Il était innocent.

Et pourtant… chaque jour, il lui rappelait ce qu’elle avait perdu.

Elle se rapprocha lentement, s’assit au sol, la tête contre le bord du canapé. Bobby ouvrit les yeux, doucement, et lorsqu’il la vit, son visage s’éclaira d’un sourire endormi.

— Maman…

Elle se mordit la lèvre pour ne pas éclater en sanglots à nouveau.

— Tu es rentrée, murmura-t-il en tendant la main.

Elle prit cette petite main dans la sienne, et l’embrassa, longuement, les larmes coulant toujours.

— Oui, mon ange. Maman est là.

Il se redressa à moitié, vint poser sa tête contre son épaule.

— Tu pleures ?

Elle ferma les yeux, le serra contre elle.

— Juste un mauvais rêve, mon cœur.

Un cauchemar qui n’en finissait pas.

Un cauchemar dont elle devait se servir pour tout détruire.

Et pourtant, en le serrant contre elle, elle savait qu’elle ne pourrait jamais le haïr.

Il était l’enfant d’un monstre, oui.

Mais il était le sien aussi. Et malgré la douleur, malgré les souvenirs, elle l’aimait.

Elle passerait l’enfer pour lui.

Mais elle jura ce matin-là, en caressant ses cheveux noirs comme ceux de Sesar, que ce cauchemar ne se répéterait jamais. Que ce monde-là ne serait jamais le sien.

Elle se releva, sécha ses larmes, et regarda une dernière fois son fils.

“Je vais le faire tomber. Pour moi. Pour toi. Pour que tu n’aies jamais à savoir.”

Le salon était empli de fumée de cigare. L’air sentait la puissance, l’argent, et l’autorité. Raphael Wood trônait dans son fauteuil en cuir, le regard perçant braqué sur le jeune homme qui se tenait devant lui, droit comme un soldat, les mains croisées dans le dos. Il avait ce calme froid que peu de gens arboraient dans cette maison. Ce calme qui en disait long sur les choses qu’il avait déjà vues… et faites.

— Lisa, viens ici.

Elle avait onze ans. Une robe bleue, des couettes. Elle sortait tout juste de sa leçon de piano, encore les doigts tachés de craie. Mais elle accourut, obéissante, les yeux pétillants d’amour pour cet homme qu’elle appelait papa, et qui régnait comme un roi sur un empire invisible.

— Oui, papa ?

Raphael l’attira à lui et la fit asseoir sur l’accoudoir, posant une main protectrice sur son épaule.

— Je veux que tu rencontres quelqu’un. Lui, c’est Sesar McGir. Tu sais ce que je fais, ma chérie. Tu sais ce que je dirige. Et un jour, tout ça sera à toi. C’est dans ton sang. T’es ma fille, t’es une Wood. Et pour régner, il faut savoir s’entourer.

Elle regarda le jeune homme. Vingt ans, peut-être un peu plus. Froid. Silencieux. Mais ses yeux sombres avaient croisé les siens, et un sourire léger, presque imperceptible, avait effleuré ses lèvres. Il s’était accroupi pour être à sa hauteur.

— Salut, princesse.

Elle avait rougi.

Raphael rit doucement.

— Il est jeune, mais c’est le meilleur de mes gars. Il a été loyal. Efficace. Il m’a sauvé la vie plus d’une fois. Et maintenant… il va être ton protecteur.

Lisa l’avait regardé, fascinée. Sesar avait tendu une main.

— Tant que je respire, rien ne t’arrivera, Lisa.

Et elle l’avait cru.

Elle l’avait cru.

Retour à la réalité.

Lisa se redressa brutalement du canapé, le souffle court, les mains tremblantes. Ses yeux fixaient un point invisible sur le mur. Le passé venait de lui revenir en pleine figure, comme un coup de couteau dans le ventre.

— Tu étais censé me protéger…, murmura-t-elle.

Sa gorge se serra.

— Tu étais censé me protéger, Sesar !

Sa voix monta, déchirante. Elle recula jusqu’à heurter le mur. Sa main couvrait sa bouche, puis elle hurla.

— Monstre !

Ses poings s’abattirent sur la table basse. Des jouets tombèrent. Bobby sursauta dans son sommeil, mais elle ne l’entendait plus.

— Traitre !

Son cri fendit l’air, rage pure, douleur brute.

— Tu as tué mon père ! Tu m’as détruite ! Et maintenant tu vis comme un roi, pendant que je vis dans ton ombre, avec ton reflet en miniature qui me regarde chaque matin !

Elle s’effondra à genoux, sanglotant à nouveau, frappant le sol, le cœur en miettes.

Mais quand elle releva la tête, ses yeux brillaient d’une lumière différente.

La rage froide de la vengeance.

— Tu vas tomber, Sesar.

Et cette fois, ce n’est pas la petite princesse que tu as violée que tu vas affronter…

C’est la tempête que tu as créée.

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