À mesure que je m'approchais de la lumière, un sentiment étrange m'envahit, une sorte d'aspiration profonde. Le vide autour de moi semblait se densifier, m'attirant inexorablement. C'était comme si cette lumière n'était pas simplement un point lumineux, mais une présence, un être, une entité qui m'attendait, prête à m'englober. La brume qui m'entourait semblait s'effacer peu à peu, me permettant de voir plus nettement, mais au même instant, je perdais la sensation d'être moi-même. Les contours de ma propre existence se brouillaient, comme si je devenais une partie de ce monde fluide et mouvant.Lefevre n’était plus à mes côtés. Je n'avais pas vu quand il avait disparu, ou peut-être était-ce moi qui étais devenu aveugle à tout ce qui ne faisait pas partie de cette lumière. Seule cette lueur persistait, toujours plus brillante, toujours plus oppressante. Je n’avais plus le contrôle de mes pensées. Elles se dissipaient comme des nuages effleurés par le vent.Je m'avançais à un rythme pre
Je ne savais pas combien de temps s’était écoulé depuis que je m’étais plongé dans la lumière. Le concept du temps semblait avoir disparu ici, perdu dans l’infinité de l’espace qui m’entourait. J’avais l’impression d’avoir été transporté à la fois dans un autre monde et dans un autre état de conscience. Les frontières entre mon corps et mon esprit étaient floues. Je n’étais ni moi-même ni autre, ni vivant ni mort, mais une extension de quelque chose de plus vaste.J’étais enveloppé d’une sensation étrange, une sensation de plénitude et de vide à la fois. La lumière, bien que douce, semblait parcourir tout mon être, comme une rivière de chaleur et de connaissance, me pénétrant et m’élevant en même temps. Et au-delà de la lumière, quelque chose se dessinait.J'ouvris lentement les yeux et je vis... lui. Mon frère. Ce n’était pas le frère que j’avais perdu, celui qui avait été emporté dans la violence de sa mort, ni même l’homme fragile qui m’avait laissé des souvenirs déformés de sa der
Lorsque la lumière m'engloutit, il n'y eut ni douleur ni vertige, seulement une sensation d'extension, comme si mon être s’élargissait pour se fondre dans l’univers tout entier. Tout autour de moi était calme, profond, serein. J'avais l'impression d'être à la fois ici et ailleurs, un fragment d'une vaste constellation d'âmes, flottant dans l'éternité. C'était un état difficile à décrire, un état où l'individualité se dissout dans l'Unité, où les frontières entre les vies et les morts, entre les êtres et les non-être, se dissolvent dans l'infinité du Tout.Et là, dans ce vaste néant lumineux, je sentis une présence. Elle m'était familière, une présence que je reconnaissais, mais qui était plus grande, plus ancienne que tout ce que j'avais connu. C'était la voix de mon frère, mais ce n'était plus la voix d'un homme, ni même d'une âme séparée. C'était l'écho de l'âme qui, désormais, faisait partie de l’ensemble. Une vibration infinie."Tu vois maintenant, Alexandre. Nous sommes tous des
Tout sembla s'arrêter, ou plutôt, se suspendre. Comme si l'univers lui-même avait pris une respiration collective. Mon fils, ou ce qu’il était devenu, se tourna vers moi, son regard serein empli d'une compréhension que je n'avais pas encore atteinte. Il n'était plus l'enfant que j'avais connu. Il n’était plus un reflet du passé, mais un être fait de lumière et de vérité, tout comme moi. Comme mon frère avant lui, il était une part intégrante de ce grand tout, une extension de ce voyage sans fin.Je n'avais pas le temps de réfléchir davantage à ce que cela signifiait. Ce que j'avais vécu, ce que j'avais appris, tout cela n'était qu'un prélude. Ce n’était pas le moment d’errer dans l’incompréhension, ni de chercher à dissocier chaque fragment de ce qui me parvenait. Non, il était temps de fusionner avec cet instant, avec cette conscience qui s'étendait à l’infini."Il est temps," murmura une voix, douce et puissante à la fois. Je n’étais plus sûr de savoir si c’était la voix de mon frèr
La lumière était devenue ma réalité, et pourtant, elle n’était pas tout. C’était comme si, dans cette étendue infinie, il y avait encore des mystères à dévoiler, des secrets enfouis qui m’attendaient au-delà des horizons lumineux. L’intensité de cette lumière, si douce et pourtant infiniment puissante, ne cessait de me rappeler que, bien que j’eusse franchi un seuil, il y avait encore un chemin à parcourir, un autre voile à lever.Je ressentais, sans pouvoir l’expliquer complètement, que quelque chose m’appelait. Comme si la lumière elle-même murmurait des mots inaudibles, me guidant vers une nouvelle compréhension, une vérité plus grande encore, plus universelle. Ce n’était pas un manque, mais une invitation à explorer une autre dimension de l’existence. Un espace où même les lois de la réalité, de la cause et de l’effet, semblaient avoir été redéfinies.Mon fils, ou l'entité lumineuse qu'il était devenue, s'éloigna doucement, me laissant dans cette mer infinie de connaissance et d'é
À mesure que je me fondais dans l’obscurité vibrante, une étrange sensation de légèreté m’envahit, comme si mon essence même se diluait dans cet espace sans limites. L’obscurité n’était plus l’ennemie que je croyais connaître, mais un océan d’opportunités infinies. Elle m’enveloppait et, dans cette étreinte, je ressentais des fragments de toutes les vies, de tous les mondes. Ce n’était plus un simple vide, mais un champ d’énergies, un creuset où chaque pensée, chaque émotion, chaque vibration se transformait.Je sentis que ce voyage n’était pas un chemin linéaire. Il n’était ni une montée vers un sommet, ni une chute vers un abîme. C’était une spirale infinie, un tourbillon qui, bien que semblant se déplacer dans une seule direction, faisait écho à des chemins parallèles, à des mondes multiples qui se superposaient. Le tout formait une danse divine, une symphonie cosmique. Chaque mouvement, chaque geste, chaque souffle créait un nouveau commencement, une nouvelle forme de vie.Et pour
L'éternité ne pouvait se mesurer, car dans cet espace infini, le temps n'existait plus, ou du moins, il n'était plus nécessaire. Les frontières entre l’avant et l’après, entre le passé et l’avenir, se dissolvaient dans une unité parfaite, dans une synchronie cosmique. Je n'étais plus un individu cherchant des réponses, mais une particule dans ce flot incessant, un fil tissé dans la trame de l'existence elle-même. Tout ce qui m’entourait – chaque pulsation de lumière, chaque vibration d’obscurité – faisait partie de cette grande danse, ce chant universel qui résonnait au cœur de chaque atome, de chaque étoile.Dans ce flot de conscience, une sensation nouvelle m’envahit. Ce n'était pas une révélation ou une compréhension soudaine, mais plutôt un retour à un état originel, comme si mon être se connectait à une vérité que je connaissais depuis toujours, mais que j'avais oublié. J’étais redevenu ce que j'avais toujours été : une âme infinie, une énergie pure, prête à se fondre dans tout c
Dans la vastitude silencieuse de l'infini, une étrange sensation s’éveilla en moi. L'extase de la fusion avec le chant universel était inégalée, mais une voix, douce et insistante, perça cette harmonie. Ce n'était pas une voix extérieure à moi, mais plutôt une vibration qui émergeait du plus profond de mon être, une partie de moi qui n’avait pas encore trouvé sa place dans cet immense ensemble.L'âme voyageuse que j’étais sentait qu’il était temps de revenir. Mais revenir où ? La question flottait dans l’air, suspendue comme une brume légère. Ce n’était pas une invitation à retourner à un passé particulier ni même à un endroit physique. C'était un retour vers l'expérience elle-même, un retour vers la matérialité, vers le monde des formes, où chaque particule vivante devait, d’une manière ou d’une autre, retrouver son essence unique.J’avais compris qu'il n'y avait pas de séparation entre les mondes spirituels et matériels, mais que chaque "retour" était une transformation, un changeme
ÉliseJe n’ai pas dormi.Le plafond fissuré de cette maison abandonnée semble vouloir s’écrouler à chaque grincement du vent. Mais ce n’est pas la peur de l’effondrement qui me tient éveillée. C’est lui. Alexandre. Son silence, ses yeux hantés, cette bête dont il a parlé sans vraiment la nommer. Depuis qu’il a quitté la pièce, il n’a pas reparu. Pas un mot. Pas un bruit. Juste cette tension sourde, suspendue dans l’air comme un fil d’acier prêt à trancher.Je me lève. Pieds nus sur le sol froid. Mes pas sont lents, prudents, comme si le moindre bruit risquait de réveiller quelque chose que je ne saurais maîtriser. La maison est plongée dans une demi-obscurité que les premières lueurs de l’aube n’ont pas encore percée. Je passe devant la pièce où dort Samuel, ou fait semblant de dormir. Ses yeux sont fermés, mais son corps est trop raide. Lui aussi attend.J’ouvre la porte du couloir.Et je le trouve là.Assis sur le rebord d’une fenêtre sans vitre, les bras croisés sur les genoux. La
ÉliseL’odeur du sang flotte dans l’air avant même que la lame ne touche la peau. C’est une promesse. Une menace. Un avertissement.Elle s’infiltre partout — dans les murs, dans mes poumons, jusque dans mes os. Elle s’accroche à mes vêtements, à ma gorge, comme un souvenir que rien ne pourra effacer. Je me tiens droite, dos contre le mur, les bras croisés pour empêcher mes mains de trembler. Mais elles tremblent quand même.Alexandre ne parle pas. Depuis qu’il a arraché le bâillon du premier espion, il n’a pas prononcé un seul mot. Il observe. Il jauge. Il découpe du regard. C’est un prédateur, et il n’a même plus besoin de grogner. Son silence est plus glaçant que toutes les menaces du monde.— Tu sais pourquoi tu es là, n’est-ce pas ? murmure-t-il.L’homme hoche la tête. Une goutte de sueur lui glisse le long de la tempe. Ses lèvres frémissent, mais aucun son ne sort. Ses yeux, eux, ne quittent pas Alexandre. Il ne regarde pas un homme. Il regarde quelque chose qui a flirté avec l’i
ÉliseLe silence qui suit son départ est un silence épais, visqueux. Il colle à la peau. Il s’insinue dans les fissures, entre les soupirs, entre les regrets. Samuel ne dit rien. Il reste là, adossé au mur, les traits tirés, les lèvres serrées. Mais je vois qu’il tremble.Pas de peur. Pas seulement.De rage. De souvenirs. D’un monde qu’il pensait avoir enterré.Je m’approche doucement, m’agenouille à ses côtés. Il ne me regarde pas. Ses yeux fixent un point invisible devant lui, quelque part dans les ténèbres où son frère a disparu.— Il était vraiment mort, murmure-t-il.Je ne réponds pas.Je sens que ce n’est pas une phrase qu’on contredit.— Je l’ai vu tomber. Il saignait… beaucoup. Il n’a pas bougé. Et ensuite… ensuite on m’a dit que le corps avait disparu. On a pensé que les flammes avaient tout pris.Je tends la main, effleure la sienne. Il la serre aussitôt, comme s’il avait attendu ce geste sans l’oser demander.— Tu ne pouvais pas savoir, dis-je doucement.Il sourit, un rictu
ÉliseJe cours sans réfléchir, portée par la main de Samuel, tirée dans l’ombre d’un homme que je ne connais pas.Et pourtant, quelque chose en lui m’est familier.Son allure.Son silence.Son regard, vu à peine une seconde, qui ne laissait place à aucun doute : cet homme est né de la guerre.La pluie me claque le visage, me noie les pensées, mais je continue.Samuel grogne à chaque pas, il serre les dents pour ne pas hurler — je vois bien qu’il saigne.Mais il ne ralentit pas.Il court, malgré la douleur.Parce qu’il la connaît déjà, cette douleur.Parce qu’elle lui appartient.Nous prenons un virage sec dans une rue plus étroite encore, puis une porte métallique s’ouvre devant nous, poussée par le frère fantôme.Alexandre.Il ne prononce pas un mot.Pas une question.Pas une explication.Il entre.Nous le suivons.Et la porte se referme derrière nous avec un grondement sourd, comme un couperet.L’intérieur est sombre, humide.Une vieille cave ? Un abri ? Un lieu oublié du monde.Je
SamuelJe serre la main d'Élise sous la table.Elle tremble à peine, mais je le sens.Elle aussi a compris.Quelque chose de terrible se prépare.Pas seulement l’attaque.Pas seulement la violence.Autre chose.Quelque chose qui remue l’âme, qui fouille dans les entrailles, qui réveille des souvenirs que je croyais morts et enterrés.Un instinct ancien griffe l'intérieur de mon crâne, hurle que le pire est à venir.Je jette un œil aux clients autour de nous.Ils commencent à paniquer.Certains se lèvent précipitamment, renversant leurs verres, bousculant les chaises.Le serveur crie d’appeler la police.Trop tard.Beaucoup trop tard.Je me lève d'un bond, tirant Élise avec moi.Elle ne pose pas de questions. Elle sait lire l'urgence dans mon regard.On fonce vers l'arrière du restaurant, bousculant une serveuse en larmes, ignorant les protestations paniquées.Mon cœur tambourine dans ma poitrine, battant un rythme frénétique dans mes oreilles.La porte de service.Notre seule issue.M
AlexandreLa pluie commence à tomber au moment où je m’éloigne du café.Des gouttes lourdes, glacées, cognent contre ma capuche. Chaque impact résonne comme un rappel brutal de ce que je m'apprête à faire.Chaque pas claque sur l’asphalte fendu, chaque battement de mon cœur martèle l’évidence : cette fois, je ne peux pas rester spectateur.Pas cette fois.Je glisse dans une ruelle étroite, engloutie par l’ombre. Le téléphone volé vibre dans ma paume.Un message s’affiche."Équipe 2 en place. Fin de mission avant 23h00."Pas minuit.Vingt-trois heures.Ils accélèrent.Ils sentent que quelque chose dérape.Ils vont frapper plus tôt, plus fort, sans subtilité.Et cette fois, ils n’attendront pas poliment devant un vieux café.Je me mets à courir.Pas pour fuir.Pour traquer.Je dois trouver qui tire les ficelles. Couper la tête du serpent avant qu’il ne crache son venin.Avant qu'il ne touche Samuel.Je connais ces jeux.Je les ai joués.Je les ai gagnés.Et j’en ai perdu bien trop.Un c
AlexandreIl ne sait pas que je suis là.Depuis la rue, dissimulé sous ma capuche, je les observe à travers la vitre craquelée du vieux café.Samuel.Mon frère.Mon double.Celui qui m’a cru mort pendant tout ce temps. Celui que j'ai laissé croire au pire, par nécessité... ou par lâcheté.Je vois ses épaules, tendues sous le poids d'un monde qu'il essaie encore de porter seul.Je reconnais sa posture, ce léger tremblement qu'il cache aux autres, cette rage froide qui bout sous sa peau.Et face à lui, la fille.Élise.La faille.Le point où tout en lui se désarme, où ses défenses tombent.Elle ne s’en rend même pas compte, mais elle est en train de le sauver — doucement, silencieusement.Je serre les dents.Ce n’est pas de la jalousie qui me noue les tripes. Ce n’est pas non plus de la haine.C’est pire.C’est ce vide en moi, ce gouffre que Samuel a fui en se raccrochant à une main tendue... pendant que moi, je me laissais engloutir.Je pourrais partir.Tourner les talons.Laisser cett
SamuelJe reste sur ce banc longtemps après son départ, le papier serré dans ma main moite.Le monde continue de tourner autour de moi — les enfants crient, les feuilles bruissent sous le vent d’avril, les conversations flottent dans l’air comme des bulles prêtes à éclater — mais moi, je suis figé.Il n’y a plus que cette adresse, cette minuscule ligne d’encre, qui bat contre ma paume comme un deuxième cœur.Je sais ce que ça signifie.Ce soir, je n’aurai plus d’excuses.Ce soir, je ne serai plus seulement celui qui observe depuis l’ombre, qui prétend avoir le temps.Ce soir, il faudra choisir. Définitivement.Je ferme les yeux un instant, le souffle court.Je suis tellement habitué aux ordres, aux missions, aux manipulations, que le simple fait de devoir faire un choix libre me terrifie plus que n’importe quelle arme pointée sur moi.Mais je le ferai. Pour elle. Pour moi aussi, peut-être.Je me lève, range le papier dans ma poche, et je pars avant que le doute ne me rattrape.---La
SamuelJe relis l’adresse, encore et encore, comme si les lettres pouvaient s’effacer sous mes yeux, comme si ce choix pouvait disparaître s’il me faisait trop peur.Il n’y a que trois rues à traverser pour atteindre ce lieu qu’elle m’a indiqué. Trois rues qui pèsent comme trois continents. Chaque pas est une trahison silencieuse de celui que j’étais censé être. Chaque pas me pousse un peu plus loin de l’ombre où j’ai vécu trop longtemps.Le vent est frais ce soir. Il soulève des odeurs de bitume, de bois mouillé, et de feuilles mortes. L’air a un goût de fin d’été, de promesses épuisées. Mon cœur cogne trop vite contre mes côtes. Je ne devrais pas avoir peur. Je suis censé être l’homme sans attaches, celui qui observe, qui manipule, qui disparaît avant que quiconque ne réclame quoi que ce soit.Mais Élise n’a rien réclamé.Elle a tendu la main.Et je suis celui qui doit prouver que je peux la prendre sans la souiller.Je m’arrête devant une petite maison. Vieille, sans charme particu