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Chapitre 5 – Les Démons du Passé

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-15 07:03:38

Éva

La soirée s’étend devant moi comme une mer calme, mais chaque vague qui la traverse me rappelle que j’ai fait un choix que je ne peux pas effacer. Le vent léger fouette mon visage alors que je m’éloigne du café, mais rien ne parvient à dissiper l’étau invisible qui se resserre autour de ma poitrine. Je marche sans but, mes pas me menant où le cœur veut, et c’est là, dans cette errance nocturne, que je sens la pression d’un poids trop lourd pour mes épaules.

Je m’étais dit que je pourrais fuir, m’échapper de ce monde où tout n’était que manipulation et jeux d’ombres. Je m’étais convaincue qu’une vie sans l’ombre de Victor me permettrait enfin de respirer, de retrouver cette légèreté que je croyais perdue. Mais à chaque pas que je fais, je me rends compte que ce monde, aussi repoussant soit-il, ne m’a jamais quitté. Il m’habite toujours. Lui et ses règles. Ses promesses. Son contrôle.

Victor a raison. Lune n’est pas un souvenir, c’est une partie de moi. Une partie qui ne peut être ni effacée ni ignorée. Et cette pensée me brûle de l’intérieur, comme une marque indélébile. Je suis condamnée à être cette femme, à porter cette peau de traître, à jouer ce rôle jusqu’au dernier acte. Mais ce n’est pas tout ce que je suis. Pas seulement cette ombre, cette manipulatrice. Il y a aussi Éva. Celle qui a rêvé d’une vie différente, d’un chemin où l’amour et la rédemption avaient encore leur place. Mais ces rêves sont en train de s’effriter, sous le poids de la réalité qui revient frapper à ma porte.

Je me trouve devant mon appartement sans m’en rendre compte, les clés entre les mains, le cœur trop lourd pour bouger. La porte s’ouvre sur ce silence familier, cette solitude qui me pèse de plus en plus. J’entre et je pose mes clés sur la table. Mon regard se pose sur le carnet. Le carnet vide. Le carnet qui attend toujours que je le remplisse. Mais comment, après tout ce que j’ai perdu ?

Je me laisse tomber sur le canapé, les mains tremblantes, et je ferme les yeux, cherchant à faire le vide dans mon esprit. Mais tout ce que je vois, ce sont des flashes du passé. Des images de lui. De Victor. Et de moi, Lune. La femme qu’il a faite. La femme que je suis encore.

Une porte frappe dans l’appartement, et je me redresse brusquement. C’est le téléphone. Celui que Victor m’a laissé. Le téléphone crypté. Il vibre. Un message. Je l’ouvre lentement, et les mots me frappent en plein cœur.

Il ne faut pas que tu reviennes. Mais tu reviendras.

Le message est de lui. Je le sais, même avant de le lire. Il me connaît trop bien. Il sait que je n’aurai d’autre choix que de jouer à ce jeu qu’il m’impose. Il me manipule avec la même facilité qu’auparavant. Et, comme avant, je me laisse faire. Je n’ai plus la force de lutter.

Je prends une longue inspiration, cherchant à calmer les battements de mon cœur. Il faut que je reprenne le contrôle. Mais les souvenirs déferlent, et je me souviens de ce que j’ai fait pour lui. Ce que j’ai fait pour survivre. Ce que j’ai perdu dans ce monde. Et je n’arrive plus à respirer.

Je ferme les yeux à nouveau, mais cette fois, ce ne sont pas les images de Victor qui s’imposent. C’est mon reflet. Celui que je vois dans le miroir chaque matin. La femme que je suis devenue. Ce visage marqué par des années d’abnégation, de sacrifices, et de fausses identités. Cette femme qui a cru pouvoir échapper à son passé.

Je me lève brusquement, l’envie de briser quelque chose m’envahit. De hurler. De crier à l’injustice de ce monde qui ne me laisse pas respirer, qui me force à revenir encore et encore. Mais je sais que ça ne servirait à rien. Les démons ne s’en vont pas en criant. Ils restent, immobiles, silencieux, attendant que l’on les affronte. Ou que l’on se soumette.

Une larme solitaire glisse sur ma joue, mais je ne la sèche pas. Je la laisse tomber, comme un symbole de tout ce que j’ai perdu. Ce que je perds encore, à chaque minute qui passe dans ce monde où je n’ai plus de place.

Je me dirige vers le téléphone. Un autre message. Celui-ci est plus court.

Tu as fait le bon choix.

Je souris amèrement. Il veut me faire croire que je suis libre de choisir, mais tout ce que j’ai fait jusqu’à maintenant, tout ce que j’ai accepté de faire, c’était son choix. Et il m’a laissé l’illusion de la liberté. Mais cette liberté est aussi fragile qu’un mirage. Elle disparaît dès qu’on s’en approche. Il sait ce qu’il fait.

Je prends une profonde inspiration, les poings serrés. Il veut que je revienne. Mais peut-être que, cette fois, je n’y retournerai pas seule. Peut-être que, cette fois, je ferai de lui la dernière victime de ce monde de ténèbres. Peut-être qu’au fond de cette désillusion, il y a encore une part de moi qui peut se battre.

Une part de Lune. Ou de celle que je suis devenue.

Je repose le téléphone et regarde autour de moi. Mon appartement. Mon refuge. Mon piège.

Et soudain, je suis frappée par une pensée, qui m’envahit avec une clarté glacée : même si je fuis, même si je me cache, je ne serai jamais loin de lui. Je suis trop marquée par son empreinte, trop liée à lui pour vraiment m’échapper.

Je ferme les yeux une dernière fois. Je ne veux plus de ce monde. Mais je dois y retourner. Parce qu’il est trop tard. Parce que, quelque part en moi, une voix me dit que je n’ai pas encore fini d’affronter mes démons.

Et cette fois, je les détruirai. Ou je mourrai en essayant.

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