MasukÉva
Je me suis retrouvée là, à marcher dans les rues de Paris, avec cette boîte noire entre les mains. Chaque pas que je fais me rapproche de cette réalité que je croyais avoir fuie. Mon passé. Lune. Ce nom, cette identité que j’avais laissée derrière moi, et que je pensais pouvoir oublier comme une peau morte. Mais ce n’était pas aussi simple. Rien n’est jamais aussi simple avec Victor.
Je me rappelle encore de la première fois que je l’ai rencontré. C’était à la sortie d’une réunion où j’avais mis en œuvre tous mes talents pour manipuler une situation à mon avantage. Il avait observé chaque geste, chaque mot. Et il m’avait vue, tout entière, dans ma splendeur et dans mes faiblesses. Une rencontre qui avait changé ma vie.
Victor… Il n’était pas un homme comme les autres. Il était l'ombre dans laquelle je m'étais perdue. D'abord, il était un mentor, un guide dans l'ombre. Puis, il est devenu plus que cela. Un manipulateur, un maître du jeu. Un homme impitoyable, dont l'esprit tranchant savait toujours où frapper. Mais ce qui m’avait fascinée, c’était sa capacité à voir au-delà des apparences. Il m’avait vue telle que j’étais, sans faux-semblant. Et pour la première fois, j’avais cru qu’il me comprenait.
Présentation d’Éva :
Éva, ou plutôt Lune, est une femme que la vie a forgée dans les ténèbres. Née dans la rue, elle a dû apprendre très jeune à manipuler son environnement pour survivre. Autodidacte, elle a gagné sa place dans le monde impitoyable des affaires, notamment dans le secteur du renseignement et de l’espionnage industriel. Bien que brillante et audacieuse, elle porte en elle les stigmates d’une enfance difficile et d’un passé tumultueux, qui la poussent à fuir toute forme de vulnérabilité. Lorsque l’opportunité de changer de vie se présente, elle prend la décision de laisser derrière elle ce monde de manipulation et de pouvoir, se reconstruisant sous un nouveau nom, Éva. Mais son passé la rattrape, toujours, comme un écho qu’elle ne peut échapper.
Victor :
Victor, d'une stature imposante, est l'incarnation du pouvoir caché. Chef d'une organisation secrète, il manipule les fils du destin à sa guise, tant dans le monde des affaires que dans l’ombre de la politique. Son charisme naturel, associé à un esprit stratégique hors pair, le place en tête de ses ennemis et alliés. Comme Éva, il a une histoire sombre, marquée par des choix qui l’ont éloigné de toute humanité. Il voit les autres comme des pions dans son grand jeu, mais il y a une exception : Éva. Il l’a formée, façonnée, et connaît ses faiblesses comme personne. C’est un homme implacable, capable de tout pour atteindre ses objectifs. Quand il parle, c’est comme si le monde entier se pliait à ses volontés. Mais derrière son masque de pouvoir se cache un homme qui, parfois, doute.
Je me dirige vers le café où nous nous étions donnés rendez-vous, le cœur lourd de ce que je viens de laisser derrière moi. Un souffle d’air frais me frappe le visage, mais rien ne parvient à apaiser la chaleur de mon angoisse. Le retour dans ce monde, ce monde de trahisons et de calculs, me glace.
Il est là, assis dans un coin discret, son regard froid posé sur moi dès que je franchis la porte. Il ne sourit pas, il ne bouge pas. Il me scrute. Comme il l’a toujours fait.
— Tu es en retard, Éva.
Sa voix, grave, traverse l’air comme un couperet. Je me force à sourire, mais je sais que c’est une façade. Il sait que je suis nerveuse.
— Désolée. Je ne voulais pas qu’on me voie arriver.
Il hoche la tête, mais il ne semble pas pressé. Il prend son temps. Le temps, c’est son arme. Il sait qu’il a tout le contrôle. Moi, je ne suis qu’un pion qu’il déplace sur son échiquier.
Je m’assois en face de lui, une distance de sécurité, mais je sens l’espace entre nous se rétrécir à chaque seconde. Ce qu’il veut de moi, ce n’est pas simplement une mission. C’est un retour dans sa sphère, un retour dans l’ombre où il m’a façonnée. Où il m’a détruite, peut-être.
— Qu’est-ce que tu veux exactement, Victor ?
Ma question tombe dans l’air lourd du café. Il me regarde fixement, avec ce regard glacé qui semble tout voir.
— Je veux juste que tu fasses ce pour quoi tu es douée, Éva. Lune. Tu n’as pas vraiment changé, tu sais. Tu joues à être quelqu’un d’autre, mais c’est en toi, tout ça.
Je ferme les yeux un instant. Il a raison. C’est dans ma nature. Je l’ai toujours su. Mais ça ne veut pas dire que je veux y revenir. J’ai choisi une autre vie, une vie de liberté. Je ne suis plus la femme qui jouait avec les hommes comme des pièces d’échecs. Je ne veux plus faire ça. Mais Victor… Il sait appuyer là où ça fait mal.
— Je t’ai donné une chance, Éva. Ne me fais pas regretter d’avoir cru que tu pouvais changer.
Il attend, impassible. Et je sais que s’il le faut, il me brisera pour me forcer à revenir. Une pression sur mon cœur, une promesse d’enfer.
— Et si je refuse ?
Je vois l’étincelle de menace dans ses yeux, froide, calculée.
— Tu ne peux pas. Je peux te briser, Éva. Comme ça. Et tout ce que tu as reconstruit s’effondrera. Ta nouvelle vie, tes nouveaux amis, ton avenir. Tout.
Je déglutis, ma gorge se serre. Une peur sourde me monte à la tête. Mais je garde ma voix ferme.
— Je n’ai plus rien à voir avec ce monde. Je ne suis plus cette femme.
Il rit, un rire bas, qui ne réchauffe pas la pièce.
— Tu es toujours celle que j’ai formée. Tu ne peux pas fuir ce que tu es.
Je détourne le regard, essayant de reprendre le contrôle. C’est difficile, si difficile. Mais je dois me rappeler pourquoi j’ai choisi cette nouvelle vie. Je dois tenir bon. Il n’a pas ce pouvoir sur moi.
Mais la vérité s’impose, comme une douleur sourde : il a raison. Lune est toujours là. Et elle ne me quittera jamais.
— Je vais le faire. Mais après ça… Je disparais. Je veux qu’on m’oublie.
Victor sourit, satisfait.
— Tu disparais quand je le dirai, Éva. Pas avant.
Et je sais, à ce moment-là, qu’il n’a pas tort. Pas encore. Pas maintenant.
Éva Le claquement de la porte résonna longtemps après son départ. Un écho qui se cognait aux murs nus, qui faisait trembler l’air même. Vis, Éva. Même sans moi. Les mots creusaient, déchiraient. La douleur n’était plus une émotion, c’était un état. Une chape de plomb qui alourdissait chaque parcelle de mon être.Je restais à genoux sur le parquet glacé, les doigts enfouis dans la texture rugueuse du bois. La chaleur de son corps sur ma joue était déjà un souvenir qui s’estompait, remplacé par le froid mordant de la réalité. Il était parti. Il avait choisi de respirer sans moi. Et dans le sillage de son absence, une vérité atroce germait : il avait eu peur de l’ombre en moi, sans savoir que cette ombre, on me l’avait greffée.Une colère nouvelle naquit, lente et radicale. Elle me donna la force de me relever. Mes jambes flageolaient, mais une résolution de granit durcissait mon âme. Je ne pouvais pas le laisser partir avec ce mensonge empoisonné. Je devais lui offrir la vérité, même s
ÉVALe jour s’est levé sans couleur, une clarté grise qui se répand dans la pièce comme une brume sans chaleur.Belmont s’est levé avant moi, il a remis du bois dans la cheminée sans allumer le feu, juste pour s’occuper les mains, pour éviter de me regarder.Je sens qu’il s’éloigne déjà, même si ses pas ne bougent pas vraiment.L’air entre nous est devenu lourd, presque solide, comme si chaque souffle menaçait de tout briser.Je m’approche, pieds nus, le parquet froid sous ma peau.Il se fige quand j’arrive derrière lui.Je voudrais qu’il me prenne dans ses bras, qu’il dise que tout va s’arranger, mais il reste droit, rigide, enfermé dans un silence qui me déchire.— Belmont, murmuré-je, ne me tourne pas le dos.Il ne répond pas.Je contourne la table, le force à me regarder.Ses yeux sont sombres, lavés par une nuit sans sommeil, et pourtant je vois dedans quelque chose que je n’avais jamais vu avant : de la peur.Pas la peur pour moi.La peur de moi.— Je ne peux plus, dit-il enfin.
ÉVAQuand j’ouvre les yeux, la lumière est différente, presque douce, presque fausse.Il y a ce silence suspendu, cette impression d’être revenue d’un lieu trop loin pour en parler.Le feu s’est éteint, les braises fument à peine, et l’air a cette odeur de cendre et de laine chaude.Je sens son bras autour de moi, lourd, immobile, comme s’il n’avait pas bougé depuis des heures.Son souffle effleure ma nuque, régulier, mais tendu, retenu.Je ne sais pas si je dois parler, s’il dort, s’il fait semblant.Je reste là, à écouter le battement de son cœur contre mon dos, cette cadence trop calme pour être paisible.Je ferme les yeux à nouveau.Je voudrais pleurer, mais les larmes se sont figées quelque part en moi, comme le reste.Son bras bouge enfin.Il se dégage lentement, sans brusquerie.Je sens le vide tout de suite.Je me retourne, il est déjà assis au bord du canapé, les coudes sur les genoux, les mains jointes.Son visage est fermé, presque froid, mais ses yeux me trahissent ils brû
BELMONTJe ne sais pas quand la nuit a commencé à se dissoudre, peut-être quand le vent a cessé de gémir sous les tuiles, ou quand la lampe s’est éteinte d’elle-même, ou peut-être quand mon corps a enfin cessé de lutter contre le sommeil.Je suis resté là, assis contre la porte, les bras croisés sur mes genoux, le menton posé sur mes poignets, à écouter son silence à elle, ce silence qui s’étirait, s’épaississait, prenait la forme d’un pressentiment.Je sens quelque chose changer , pas un bruit, pas un cri, juste une absence qui devient trop grande.Je me redresse d’un coup, j’écoute, je tends l’oreille, je colle ma joue contre le bois.Rien.Pas un souffle.Pas un frôlement.Le cœur me monte à la gorge.Je me lève, j’appuie mes paumes contre la porte, je frappe doucement.— Éva…Le vent me répond.Je sens le froid de l’extérieur à travers les interstices, un froid lourd, coupant, presque métallique.Je tourne la poignée.Elle résiste d’abord, puis cède dans un craquement sec.Et le m
ÉVALe bois froid contre mon front, mes paumes plaquées sur la porte comme sur un torse, je sens encore sa chaleur derrière, je la respire, je la bois, mais elle se retire déjà, il ne reste que la fibre rugueuse du bois sous mes doigts, j’ai le cœur en charpie, la respiration brisée, je me fais toute petite contre le battant comme une enfant punie qui attend qu’on l’appelle, mes cheveux collés par les larmes, mes genoux remontés contre ma poitrine, le vent s’infiltre dans mes vêtements, mord mes chevilles nues, je tremble, je murmure son nom encore et encore jusqu’à ce qu’il devienne un souffle sans voyelles .— Belmont… ouvre-moi… je t’en supplie…Ma voix se perd dans la nuit comme un fil qui se rompt, je gratte doucement le bois du bout des ongles, j’ai mal aux doigts mais je continue, c’est comme caresser une plaie, je sais qu’il est là derrière, je le sens, son ombre pèse contre moi, son silence est trop lourd pour qu’il soit parti, il est là, je le sais, et moi je suis dehors com
ÉVAJe ne lâche pas son bras, mes ongles s’enfoncent dans sa manche comme pour m’accrocher à sa peau, je sens les muscles de son avant-bras se tendre sous mes doigts, cette force que j’ai tant désirée et qui maintenant se retourne contre moi comme une lame de glace, je murmure son nom, je le supplie encore, ma voix n’est plus qu’un souffle cassé, mais il ne m’écoute plus, il est déjà loin, enfermé derrière un mur invisible où je n’ai plus d’accès, derrière une forteresse qu’aucun cri ne fissure .— Éva, lâche-moi, souffle-t-il d’une voix sourde, tu m’as assez pris, assez menti, assez enchaîné .Je secoue la tête, mes larmes se mêlent à ma respiration coupée, j’ai l’impression que ma cage thoracique va éclater sous le poids de mes sanglots, que chaque battement de mon cœur est un coup de marteau contre mes côtes, je me cramponne plus fort, je voudrais que mes mains s’enracinent en lui, qu’elles deviennent des chaînes vivantes, qu’il sente à quel point je n’existe plus qu’à travers sa p







