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MON AMOUR A UN PRIX
Les phares aveuglants. Un crissement de pneus. Puis le choc. Eniko revoit la scène en boucle depuis trois mois : cette nuit où son petit frère Kévi, lycéen de 17 ans, avait percuté une BMW noire en rentrant de soirée. A travers la vitre brisée, elle avait aperçu le visage ensanglanté du passager - Junior Mayala, 19 ans, fils cadet de la famille la plus puissante du Bénin. _"Pouls faible! On le perd!"_ hurlaient les urgentistes. Ses mains de future médecin tremblaient. Elle savait. Le garçon ne survivrait pas à cette hémorragie cérébrale. (Présent - 8h17) _"Eniko! Réveille-toi!" Farida lui secoue le bras devant la fac de médecine. Sur son écran de téléphone, les résultats du concours d'internat : 1ère - ADJOKE Eniko. _"T'as réussi! T'es la meilleure de ta promo!"_ Mais Eniko fixe l'article juste en-dessous : "Famille Mayala exige justice après le drame" Son portable vibre. Un SMS de son père : "Urgence. Rentre immédiatement." La Villa Mayala (11h30) Derrière les grilles dorées de Cocotiers, Mayala Kenneth sirote un whisky dans le bureau de son père. Les murs sont couverts de photos : inauguration d'hôtels, poignées de main avec le Président... Et au centre, le portrait de Junior. _"Tu comprends maintenant?" tonne le patriarche. "Ton frère est mort à cause d'un voyou. La justice traditionnelle doit s'appliquer." Kenneth, 26 ans, héritier des hôtels Mayala, se rebiffe : _"Papa, c'était un accident! Le conducteur était mineur!" _"Et sa sœur est en âge de procréer" réplique son père en glissant un dossier vers lui. Photo d'Eniko en blouse blanche. _"Elle te donnera un fils. Pour remplacer Junior." La porte s'ouvre sur Koffi, 28 ans, cousin et directeur financier du groupe : _"Tonton, le ministre vous attend pour le projet Lac..." (Appartement des Adjoke - 14h) L'atmosphère est étouffante dans le modeste salon. Face aux parents d'Eniko, trois hommes en costume. _"Voici nos conditions"_ annonce l'avocat des Mayala. _"Mariage dans un mois. Un héritier dans les deux ans. En échange, l'affaire sera classée." Eniko se lève, choquée : _"Vous parlez de mon utérus comme d'une... machine à bébé?" Son père baisse les yeux : _"Kévi risque 20 ans de prison. Ils ont des preuves contre lui..." Koffi, présent comme témoin, tente d'adoucir : _"Mayala n'est pas d'accord avec ça. Il a tenté de s'y opposer." (Restaurant La Terrasse - 19h45) Mayala arrive en retard exprès. Eniko l'attend, raide dans son jean et son tee-shirt uni. _"Désolé princesse, les embouteillages..."_ Elle le fusille du regard : _"Appelle-moi encore comme ça, et ton précieux héritier peut aller se faire voir."_ Il éclate de rire : _"J'aime ton caractère. Dommage que..." _"Que quoi? Que je sois une pauvre étudiante? Que ton père m'achète comme une pouponnière?" Mayala baisse soudain la voix : _"Je te propose un deal. On joue le jeu devant eux. En privé, tu es libre." Il fait tourner son whisky entre ses doigts, un sourire cynique aux lèvres : - "Alors la grande Eniko Adjoke croit encore à la justice béninoise ? C'est touchant." Elle lui lance un regard à transpercer l'acier : "Ton père ne dirige pas le pays, Mayala. Mon frère est mineur et l'accident a eu lieu sous une averse. Aucun tribunal ne..." Il l'interrompt d'un rire sec : - "Tu as déjà vu nos juges travailler ? Le procureur est un ami d'enfance de mon père. Le médecin légiste doit sa clinique à nos financements." Elle serre son verre jusqu'à blanchir ses jointures. "Et alors ?" Sa voix vibre de colère contenue. "Vous pensez vraiment que je vais accepter de devenir ta pondeuse personnelle ?" Kenneth se penche soudain, coudes sur la table : - "Écoute-moi bien. Mon père a déjà signé l'ordre de transfert de ton frère à la prison civile de Missérété. Tu connais les conditions là-bas ?" Un frisson parcourt Eniko. Les reportages sur cette prison hantent les nuits des Cotonouais. "Tu bluffes." Il sort son téléphone. Photo d'un dossier officiel. "Ordre signé ce matin. Demain, ton petit frère partage une cellule avec des trafiquants de drogue." Eniko se lève si brusquement que sa chaise tombe. Les autres clients se retournent. - "Je vais te dire ce que je pense de ton chantage." Elle attrape son sac. - "Mon avocat vous enverra une mise en demeure avant 48h." Kenneth ne bouge pas, voix soudain plus basse : - "C'est qui ton fameux avocat ? Le docteur en droit de ta fac qui plaque des citations latines ?" Elle se fige. Comment sait-il ? "Parce que oui," continue-t-il en se levant enfin, "j'ai fait vérifier. Tu n'as engagé personne. Et ton 'ami' avocat ? Un stagiaire qui n'a jamais plaidé." Le coup porte. Eniko sent ses joues brûler. "Alors voici ma dernière offre," dit-il en glissant une carte dans sa main. "Tu viens demain 10h à mon cabinet. Seule. On discute des vraies solutions." Elle veut jeter la carte. Elle devrait. Mais l'image de Kévi dans une cellule la paralyse. "Pourquoi ?" murmure-t-elle. "Tu pourrais juste laisser ton père me broyer." Kenneth hésite. Pour la première fois, son masque de playboy craque : - "Peut-être que je déteste ses méthodes autant que toi." Un silence électrique. Puis Eniko fourre la carte dans sa poche et part sans un mot. --- Dans le taxi qui la ramène, les doigts d'Eniko tremblent en composant le numéro de son ami étudiant en droit. Trois appels sans réponse. Le cœur lourd, elle pousse la porte de l'appartement familial. "Alors ?" Sa mère se lève d'un bond, yeux rougis. "J'ai une solution. Un ami avocat..." Son père explose : "Quel ami ? Celui qui n'a même pas payé sa cotisation au barreau ? Ton entêtement va tuer ton frère !" Kévi, assis dans un coin, lève un visage ravagé : - "Laisse tomber, sœur. J'irai en prison. C'est moi qui ai pris le volant après trois bières." - "Non !" Le cri lui échappe. "Je vais voir Kenneth demain. Je... je trouverai un compromis." Le mot "compromis" sonne comme une trahison. Dans le miroir du couloir, son reflet lui semble soudain étranger.Chapitre 37 Cinq mois que la vie de Kenneth Mayala avait bifurqué vers une dualité étrange. D'un côté, il y avait la lumière : Eniko, son ventre maintenant joliment arrondi, rayonnante malgré les nausées persistantes. Ses études de médecine avançaient bien, et elle trouvait même la force de s'inquiéter pour lui, de lui préparer des repas équilibrés qu'il avalait souvent entre deux réunions. Elle était son ancrage, son sanctuaire.De l'autre côté, il y avait les ténèbres : l'élaboration méticuleuse de la chute de Félix. Le plan du « Diamant Vert » était en place, les premiers leurres avaient été mordus. Félix, de plus en plus acculé par les rumeurs que Kenneth avait lui-même semées, commençait à montrer un intérêt vorace pour ce projet qu'il croyait être le point faible de son neveu.Maya, quant à elle, jouait son rôle à la perfection. La belle-mère repentie, discrète, qui apportait des tisanes à Eniko et lui prodiguait des conseils de grossesse. Elle était si convaincante que parfois
Chapitre 36 Les derniers ronflements de Félix, diffusés en direct s'étaient éteints, laissant place à un silence lourd de sens dans le bureau de Kenneth. La vitrine panoramique offrait une vue froide et impersonnelle sur la ville endormie.« L'humiliation est publique et son crédit est nul. Mais un animal acculé est encore plus dangereux. »Kenneth, les doigts joints sous son menton, se détourna de la ville. Son regard était celui d'un stratège qui voit dix coups d'avance. « Justement. Son crédit est nul, mais son arrogance, elle, est intacte. C'est cette faille que nous allons exploiter. La première humiliation n'était que le prélude. La vraie chute commence maintenant. »Il se leva, ouvrit un coffre-fort dissimulé derrière un tableau, et en sortit non pas un dossier épais, mais une liasse de documents anciens, marqués du sceau personnel de son père. Il les posa avec une révérence calculée sur le bureau.« Pour le vaincre, il faut utiliser une arme qu'il méprise au point d'en avoir
Chapitre 35 La voiture de Maya se faufilait dans la nuit de Cotonou, roulant non pas vers sa propre maison, ce lieu désormais empreint de solitude et de remords, mais vers une discrète villa en retrait du boulevard de la Marina, un repaire qu'elle connaissait trop bien. À l'intérieur de son sac, le mouchard émettait son signal silencieux, transmettant chaque bruit, chaque respiration saccadée, chaque juron qu'elle murmurait pour elle-même.Elle gara sa voiture à l'arrière et se précipita vers la porte d'entrée, clé en main. À peine eut-elle franchi le seuil qu'une main l'attrapa et l'écrasa contre le mur du vestibule. Félix, le visage déformé par la rage et l'impuissance, lui bloquait le passage.« Alors ? » gronda-t-il, son haleine chargée d'alcool lui chauffant le visage. « Tu as réussi à attendrir le petit prodige ? »Au lieu de répondre, Maya, comme hypnotisée par le besoin maladif de réconfort et de validation, se dressa sur la pointe des pieds et colla ses lèvres aux siennes da
Chapitre 34La voiture de Kenneth glissa silencieusement dans l'allée gravier de la résidence. La tension de la journée semblait se dissiper à mesure qu'il approchait du havre de paix que représentait sa maison. En poussant la porte d'entrée, une délicieuse odeur d'épices et de bonheur familial lui chatouilla les narines. Il suivit le parfum jusqu'à la cuisine et s'arrêta sur le seuil, le cœur soudain plus léger. Eniko, un tablier noué sur sa tenue de stage, remuait quelque chose dans une grande casserole, ses cheveux relevés en un chignon décontracté qui laissait voir la nuque. « Ça sent bon, » dit-il doucement pour annoncer sa présence.Elle se retourna, son visage s'illuminant d'un sourire qui chassait les dernières ombres de sa journée. « Tu es en avance ! Parfait, ça sera prêt dans dix minutes. »Il s'approcha, l'enlaça par-derrière et déposa un baiser dans son cou, respirant profondément son parfum mêlé à celui du repas. « J'avais besoin de ça, » murmura-t-il.Pendant qu'elle
Chapitre 33 La réunion s'était terminée sur une note de victoire froide et absolue pour Kenneth. Les derniers directeurs avaient quitté la pièce avec une hâte feutrée, évitant son regard comme s'ils craignaient de se consumer. Le silence qui régnait maintenant dans la salle de conférence était bizarre, presque tangible, chargé du pouvoir qu'il venait d'affirmer avec une brutalité calculée.Il regagna son bureau, l'esprit déjà en train de planifier les prochaines étapes. Les actionnaires influencés par Félix étaient sur la défensive, certains même commençaient à envoyer des messages discrets de loyauté. Assis dans le fauteuil en cuir de son père, il parcourait des rapports, signant des documents d'un geste vif...Toc, toc. Kenneth leva à peine la tête. « Entrez. »La porte s'ouvrit, et la silhouette qui se découpa dans l'encadrement le fit geler, son stylo suspendu au-dessus du document.Maya Hortense Mayala !Vêtue non pas de ses tenues de deuil habituelles, mais d'un tailleur sévè
Chapitre 32Le lendemain matin, une douce lumière inondait la chambre, chassant les ombres de la veille. Kenneth, déjà impeccable dans un costume qui soulignait ses épaules et son air sérieux, regardait Eniko avec une tendresse qu’il ne cherchait plus à cacher. Elle bouclait son sac, vêtue de sa tenue de stage – une blouse blanche sobre et un pantalon tailleur –, mais il devinait la petite appréhension derrière son geste appliqué.Il s’approcha sans bruit et l’enlaça par derrière, ses mains se posant naturellement sur son ventre encore plat. Il se pencha et déposa un baiser doux, presque chuchotant, juste en dessous de son oreille, puis un autre, plus intentionnel, sur le léger renflement que seule sa connaissance intime du corps d’Eniko pouvait deviner.« Fais attention à toi, aujourd’hui, » murmura-t-il, la voix encore un peu rauque de sommeil, mais empreinte d’une sollicitude nouvelle. « Surtout, attention à notre petit trésor caché. N’hésite pas à t’asseoir, à boire de l’eau. »En







