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Chapitre 2 — La Soif et le Souvenir

Penulis: L'invincible
last update Terakhir Diperbarui: 2025-05-06 19:21:14

Kael

Le silence est plus cruel que le sang.

Je suis resté là longtemps après son départ. Figé. Comme si bouger risquait de briser quelque chose de fragile. De sacré. Le hurlement de la louve résonne encore dans mes os, dans ma mémoire. Un chant ancien, brut, vibrant d’une douleur que je reconnais. Et d’une promesse que je n’osais plus espérer.

Aelya.

Je goûte son nom comme une prière interdite. Il claque sous ma langue, sauvage et vivant, un contraste brutal avec le vide qui m’habite depuis des siècles. J’ai oublié le goût de l’espoir. Jusqu’à cette nuit.

Je ne devrais pas être ici.

Le fleuve que j’ai traversé est plus qu’un simple cours d’eau. C’est une frontière de feu et de haine, dessinée par des siècles de guerre. Loups et vampires, deux lignées nées de malédictions différentes, se pourchassent dans l’ombre du monde humain. J’ai tué des loups. Des dizaines. Peut-être des centaines. Je n’ai jamais hésité. On m’a élevé ainsi. Tu es un prédateur, Kael. Un prince des ténèbres. Tu ne ressens rien. Tu obéis. Tu anéantis.

Et pourtant, ce soir… je suis resté immobile.

Je n’ai pas levé la main.

Je l’ai regardée.

Et j’ai su.

Quelque chose en elle m’est familier. Sa voix. Son regard. Sa fureur contenue. Comme une chanson entendue dans un rêve ancien. Comme si mon corps se souvenait d’elle avant mon esprit.

Je ferme les yeux. Je me remémore chaque détail. La façon dont elle s’est tenue, malgré la douleur. L’éclat de lumière dans ses iris sombres. Sa peau tachée de boue et de sang. Cette force brute. Indomptable. Elle aurait dû fuir. Elle aurait dû trembler. Mais elle a grondé. Hurlé. Vivante. Intouchable.

Elle m’a vu. Et elle ne m’a pas craint.

Ou peut-être que si. Mais elle a refusé de le montrer.

Et ça, je n’ai pas su l’oublier.

Je fais demi-tour.

Le chemin vers les montagnes est long. Et je dois chasser. Ma gorge brûle. La soif me lacère. Elle monte lentement, perfide, comme la marée noire d’un poison ancien. Je ne bois pas le sang des innocents. Pas depuis longtemps. Je refuse de devenir l’ombre que le monde croit que je suis. Mais la soif… elle attend. Tapie. Chaque nuit un peu plus forte.

Je cours à travers les bois, rapide, invisible. La forêt me connaît aussi, même si elle ne m’aime pas. Je sens les racines se tendre sous mes pas, les branches se refermer dans mon dos. Je suis une intrusion, un intrus dans ce monde vivant. Et pourtant, cette nuit, la nature semble hésiter.

Comme si elle aussi avait entendu le hurlement.

Je chasse un cerf. Lentement. En silence. Je n’ai plus la force pour la subtilité. Quand mes crocs percent la chair, ce n’est pas le plaisir qui m’envahit. C’est la honte. La nécessité. Et un vide immense.

Je bois, mais ce n’est pas ce que je veux. Ce n’est pas ce que je cherche.

Je m’effondre contre un rocher, le souffle court. Mon cœur — ou ce qu’il en reste — bat lentement, mécaniquement. Une imitation de vie. Je ferme les yeux.

Et je me souviens.

Elle. Une autre. Autrefois.

Elle avait des cheveux d’or et des yeux de miel. Elle s’appelait Lys.

Et elle m’aimait.

Avant la guerre. Avant les ténèbres. Avant que je devienne ce que je suis.

Nous étions jeunes. Fous. Vivants. Et je croyais que l’amour suffisait à tout. Mais la malédiction est venue. Et les crocs. Et le sang. Et la trahison.

Je l’ai perdue dans les flammes.

Je l’ai cherchée pendant des siècles dans chaque visage, chaque cri, chaque rêve. En vain.

Et pourtant, ce soir… quand j’ai vu Aelya… ce n’était pas Lys.

C’était plus ancien encore.

Plus profond.

Comme si elle venait d’un autre âge.

Comme si elle m’avait été arrachée avant même que je la connaisse.

Je rouvre les yeux.

Je ne peux pas rester ici.

Je dois comprendre. Je dois savoir. Ce lien, cette voix, ce hurlement… ce n’est pas un hasard. Quelque chose d’ancien s’est réveillé sous l’éclipse. Une force que je croyais disparue.

Et si ce n’était pas une malédiction ?

Et si c’était un rappel ?

Un rappel d’un pacte oublié, d’un amour jamais né, d’une promesse scellée avant la chute des premiers royaumes ?

Je suis fatigué.

Je suis seul.

Mais cette nuit, je ne suis plus vide.

Quelque chose a bougé.

Une faille. Une lumière. Un battement.

Aelya.

Je me lève, chancelant, et regarde vers le sud.

Vers elle.

Vers la meute.

Vers la guerre que je n’ai jamais voulu rallumer… mais qui gronde à nouveau.

Je n’ai pas peur.

Je suis prêt.

Parce qu’au fond de moi, une certitude est née.

Ce n’est pas la fin.

C’est le commencement.

Et Aelya n’est pas mon ennemie.

Elle est… la clef.

De quoi ? Je l’ignore encore.

Mais je suis prêt à le découvrir.

Même si cela doit me coûter ma dernière goutte d’éternité.

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