LOGINZoé
Je suis debout devant le miroir. Trois tenues éparpillées sur le lit. L’une trop stricte, l’autre trop sexy. Et la dernière ? On dirait que j’ai volé la garde-robe d’une prof de yoga vegan divorcée. Bref. Rien ne va.
— C’est un café professionnel, Zoé. Pas un rencard, je me répète. Encore. Et encore.
Sauf que ma culotte est assortie à mon soutien-gorge, et ça, c’est signe de faiblesse érotique préméditée. On ne fait pas ça quand on s’en fout. On fait ça quand on espère. Et j’espère. Peut-être même trop.
Je choisis finalement une robe fluide, noire, avec une fente discrète. Assez neutre pour paraître innocente, assez glissante pour qu’il me regarde comme hier. J’ajoute du rouge sur mes lèvres. Le même que j’ai laissé rouler entre mes jambes. Subtile, la meuf.
Café Lumen. 14h03.
Jules est déjà là. Il est assis au fond, près de la baie vitrée. Il m’accueille avec un sourire lent, comme s’il m’attendait depuis toujours.
— Tu es en retard, dit-il sans méchanceté.
— Non, tu es juste trop ponctuel.
Il rit , bordel, ce rire. On devrait l’interdire dans les lieux publics. Il fait fondre mes défenses comme une glace sous un soleil torride. Et j’ai déjà chaud. Trop chaud pour un mois de mars.
Il commande un espresso. Moi, un latte. Il me parle de son projet photo. Une série de portraits de femmes, mais pas lisses, pas jolies des vraies, dans leur complexité, leur désir, leur chaos. Il veut qu’on collabore. Qu’on mêle mes dessins à ses photos.
— Je veux capturer ce qu’on cache. Les failles. Les fantasmes. Les endroits qu’on ne montre pas, même quand on est nu.
Je croise les jambes. Sa voix me donne des frissons, et son regard, c’est pire : il me regarde comme si j’étais déjà son modèle. Sa muse. Sa prochaine obsession.
Je me penche vers lui, sans réfléchir. Et je murmure :
— Et moi, tu veux me capturer aussi ?
Le silence tombe, chaud, lourd, palpitant.
Il ne sourit plus. Il me regarde droit dans les yeux, et dit, très doucement :
— Je crois que j’ai déjà commencé.
On ressort du café une heure plus tard. Mon cœur tape contre mes côtes. Je sais qu’il va se passer quelque chose. Peut-être pas aujourd’hui. Peut-être pas ce soir. Mais ce regard ? Il laisse des traces.
Et quand je tourne la tête, Raphaël est là. Sur le trottoir d’en face. Il m’a vue. Avec lui. Il s’approche, lentement.
Je le connais assez pour comprendre, juste à sa façon de me regarder, que quelque chose a changé.
— Salut, dit-il, un peu trop calme.
Jules s’éclipse , il a une course à faire, ou peut-être qu’il sent déjà qu’il y a une autre tension ici. Une autre guerre en coulisses.
Je reste seule avec Raphaël. Et mon cœur, cette fois, bat autrement.
Il m’observe. Il ne plaisante pas. Pas cette fois.
— C’est lui, ton photographe ?
Je hoche la tête.
— Et il te plaît ?
Je reste figée. Je déteste cette question. Je déteste cette réponse.
— C’est pas la question, Rafa.
Il s’approche. Il me regarde comme il ne l’a jamais fait. Pas en ami. Pas aujourd’hui.
— Alors c’est quoi, la question ? Parce que moi, je suis là depuis dix ans, Zoé. Et je t’ai jamais vue regarder personne comme tu me regardes quand tu crois que je le vois pas.
Je recule d’un pas. Je ne respire plus.
— Tu veux que je parte ? me demande-t-il.
— Non, je souffle.
— Tu veux que je reste ?
Je ne réponds pas. Je ferme les yeux.
Je suis en train de glisser. Entre deux hommes. Deux désirs. Deux versions de moi-même.
Et pour la première fois… j’ai envie de les explorer toutes les deux.
Le soir.
Je suis seule dans mon lit. Mais je ne dors pas.
Je pense à Jules. À ses mains. À son regard. À ce qu’il pourrait faire à mon corps.
Et je pense à Raphaël. À ses bras. À ce qu’il a déjà fait à mon cœur.
Et puis… je glisse ma main sous les draps. Et je pense à eux. Tous les deux.
RaphaëlLe silence n'a jamais été aussi bruyant. Non pas de sons, mais de présence. Le poids de sa tête sur mon torse, la chaleur de sa peau contre la mienne, le souffle régulier de son sommeil qui mêche sa respiration à la mienne. Je reste immobile, terrifié à l'idée que le moindre mouvement ne brise ce miracle.Je suis amoureux de toi.Les mots tournent en moi, non plus comme une confession volcanique, mais comme une mélodie ancienne, une vérité fondamentale que j'ai simplement oubliée et qu'elle est venue me rappeler. Je passe mes doigts dans ses cheveux, soyeux et emmêlés. Chaque détail d'elle devient une relique. La petite cicatrice en forme de croissant sur son épaule. La courbe parfaite de sa hanche sous mon bras. L'odeur de nous deux, un mélange de nuit, de peau et d'âme.Le monde extérieur frappe à la fenêtre, non pas en cognant, mais en changeant la qualité de la lumière. Le soleil ardent du matin fait place à la lumière dorée et oblique de l'après-midi. Une ombre longue tra
ZoéLe soleil inonde la cuisine, accrochant des paillettes d'or dans ses cheveux. Je le regarde, cet homme qui beurre des tartines avec une intensité de chef d'orchestre, et quelque chose se fissure en moi. Un dernier rempart, tenace, qui cède sous le poids de cette évidence.Le silence n'est plus seulement complice. Il est lourd de tout ce qui n'a pas encore été dit. Les mots montent, irrépressibles, portés par le souvenir de ses mains sur ma peau, par la douceur de son regard à l'instant.— Raphaël.Il se retourne, une tartine dans chaque main, un sourire en coin. Le sourire s'estompe quand il voit mon expression. Il dépose les assiettes avec un léger claquement.— Qu'y a-t-il ?Je serre la couverture plus fort contre moi, comme un bouclier. Mais il n'y a plus à se cacher. Plus du tout.— Je...La phrase se coince dans ma gorge, une vieille peur, un réflexe de protection. Mais ses yeux, attentifs, patients, me donnent le courage de plonger.— Je t'aime.Les mots résonnent dans le pe
ZoéJe m'éveille dans la lueur laiteuse qui précède le jour.Le silence n'est plus une absence,mais une présence pleine, douce. Un épais manteau de paix enveloppe la pièce, les souvenirs épars de nos vêtements, le monde.Et puis, il y a lui.La chaleur de son corps contre mon dos, un bras posé sur ma taille, lourd, possessif, protecteur. Sa respiration est lente et profonde, un souffle régulier qui caresse ma nuque. Je reste immobile, afraid de briser le sortilège. Chaque parcelle de ma peau se souvient de la sienne. Le poids de ses mains, la trace de ses lèvres, le goût de son baiser. Ce n'était pas un rêve. C'était un achèvement.Un frisson me parcourt, non de peur, mais de reconnaissance. D'émerveillement.Je sens un mouvement derrière moi. Son bras se resserre imperceptiblement. Ses lèvres se posent dans mes cheveux, un baiser somnolent, instinctif.— Tu dors ? murmure-t-il, la voix rauque de sommeil, plus grave encore.— Non.Le mot est un souffle. Je me retourne lentement pour l
ZoéL’appartement est trop silencieux après le bruit de la rue.Je pose mon sac,enlève mon manteau. Mes doigts tremblent en accrochant le tissu.Les murs semblent avoir retenu l’écho de la confrontation,l’image de Jule qui s’éloigne, dos tourné, défaite.Je me verse un verre d’eau. Je le bois trop vite.La froideur me traverse,lucide, coupante.Je ferme les yeux et je les vois tous les deux: Raphaël, calme comme un lac profond. Jule, tempête rentrée.Et moi,entre les deux, un fil tendu à craquer.Le vertige n’est plus une chute, ai-je pensé.Mais c’est quoi,alors ?C’est cette attente.Ce silence après l’orage.C’est le goût de l’inconnu sur la langue.Un coup frappé à la porte.Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.Je sais,sans avoir à regarder, qui se tient de l’autre côté.RaphaëlElle ouvre la porte.Ses yeux sont agrandis,son visage légèrement pâle.Dans l’encadrement,avec la lumière douce de l’entrée derrière elle, elle ressemble à un animal surpris, prêt à fuir ou à se défendr
ZoéLa journée file comme une eau trop claire.J’écris, je réponds à des messages, je mets en ligne le nouvel article. Il reçoit vite des commentaires , certains techniques, d’autres curieux, d’autres encore étrangement personnels.Je souris sans y penser. Ce n’est pas la fierté, c’est la sensation de respirer à nouveau dans quelque chose que je maîtrise.Mais sous la surface, il reste un frémissement, une tension fine que le café et les mots n’effacent pas.Le soir approche.La lumière baisse dans le bureau, ce mélange d’orangé et de gris qui annonce la fin d’une journée trop longue.Je range lentement mes affaires. Le néon au-dessus de ma tête grésille.Et c’est là que je le vois : Raphaël, appuyé contre la rambarde de l’entrée, les mains dans les poches, l’air calme.Sa présence a toujours ce don étrange de réorganiser l’espace, comme si tout autour de lui se taisait.— Tu finis tard, dit-il simplement.— Je voulais boucler l’article avant de partir.Il hoche la tête, son regard s’
ZoéJe me réveille avant l’aube.L’appartement est silencieux, étiré dans cette lumière laiteuse où tout paraît suspendu. L’air est froid. Mes draps ont gardé la forme de mon corps, pas celle d’un autre. Jule n’est plus là. Il ne l’a jamais été vraiment ici. Pourtant, son absence emplit la pièce comme une odeur qui ne veut pas partir.Je reste un long moment sans bouger, les yeux ouverts sur le plafond. Ma respiration s’accroche, hésite. Il y a cette pulsation sourde, quelque part entre mes côtes et ma gorge, comme un rappel du monde. Je me dis qu’il faut que j’écrive. Que je dois reprendre, pour le blog.Le prétexte est simple : un test, une nouveauté, un article à livrer.Mais je sais que c’est autre chose que je cherche.Je me lève.L’air du matin s’infiltre par la fenêtre entrouverte, vif, presque cruel. Je frissonne, sans savoir si c’est le froid ou le souvenir. Le sol sous mes pieds est glacé. Je traverse la pièce, nue, sans y penser. Chaque geste a la lenteur de quelqu’un qui r







